Le Mali est désormais coupé en deux. Le MNLA, mouvement national pour la libération de l’AZAWAD a proclamé le vendredi 6 avril dernier, par le biais de son site internet, « l’Etat indépendant de l’Azawad ». Un sentiment de chaos règne dans tout le pays, et les putschistes au pouvoir à Bamako sont si dépassés par les évènements qu’ils en viennent même à demander une intervention occidentale dans le nord.
Retour sur une extraordinaire réaction en chaîne.
Cet article fait suite au précédent sujet publié sur LGO du 27 mars 2012. : Coup d’Etat au Mali : Vers une déstabilisation de la région ?
La déclaration de « l’indépendance de l’Etat d’Azawad »
Pour les touaregs de la région d’Azawad, au nord du Mali, la date du 6 avril 2012 est désormais historique. « Nous proclamons solennellement l’indépendance de l’Azawad à compter de ce jour ». C’est en ces termes que Mossa Ag Attaher, porte parole du MNLA, principal mouvement rebelle touareg, s’est exprimé vendredi matin sur la chaîne d’information France 24. Cette déclaration faisait suite à un communiqué publié par l’organisation sur son site internet (mnlamov.net) plus tôt dans la matinée.
La France, très impliquée dans cette crise, a immédiatement réagi, et a affirmé, par la voix de son ministre des affaires étrangère, qu’elle ne reconnaît pas cette déclaration, affirmant rester « attachée à l’intégrité territoriale du Mali » et « qu’il n’est pas question de remettre en cause la souveraineté de ce pays ». La France reproche notamment les méthodes du MNLA et leur liens supposés avec des mouvements liés à AQMI, ce que le mouvement touareg réfute.
Dans sa déclaration d’indépendance, le MNLA cherche semble-t-il, à s’inscrire dans une logique d’apaisement. Sur son site, l’organisation déclare entre autres qu’elle « reconnaît les frontières avec les états limitrophes et leur inviolabilité », « l’adhésion à la charte des Nations Unies » et « son engagement ferme à créer les conditions d’une paix durable et initier les fondements institutionnels de l’Etat basé sur une Constitution démocratique de l’Azawad indépendant ». Le MNLA appuie son discours sur la légalité supposée de son projet, invoquant ainsi les articles 1 et 55 de la charte des Nations Unies et le « droit des Peuples à disposer d’eux-mêmes ». Elle reproche au passage les erreurs historiques commises par la France lors de l’établissement des frontières en Afrique de l’Ouest en 1960, rattachant l’Azawad « sans son consentement » à l’Etat malien.
Dans sa déclaration d’indépendance, le MNLA cherche semble-t-il, à s’inscrire dans une logique d’apaisement. Sur son site, l’organisation déclare entre autres qu’elle « reconnaît les frontières avec les états limitrophes et leur inviolabilité », « l’adhésion à la charte des Nations Unies » et « son engagement ferme à créer les conditions d’une paix durable et initier les fondements institutionnels de l’Etat basé sur une Constitution démocratique de l’Azawad indépendant ». Le MNLA appuie son discours sur la légalité supposée de son projet, invoquant ainsi les articles 1 et 55 de la charte des Nations Unies et le « droit des Peuples à disposer d’eux-mêmes ». Elle reproche au passage les erreurs historiques commises par la France lors de l’établissement des frontières en Afrique de l’Ouest en 1960, rattachant l’Azawad « sans son consentement » à l’Etat malien.
Quelle légitimité pour ce nouvel Etat ?
La question de la légitimité de cette déclaration d’indépendance se pose en ces termes :
La première question est de savoir quelle viabilité peut avoir ce territoire principalement composé de désert et dépourvu de grandes ressources naturelles. Ne pourrait-il pas y avoir ainsi le risque de voir un Etat qui se financerait par le trafic de drogue, déjà très répandu dans la région ?
La seconde question qui nous taraude est celle des rapports que peut entretenir le MNLA avec les groupes islamistes radicaux qui sévissent depuis plusieurs semaines dans la région. Même si l’organisation touareg se défend de tout lien, tant idéologique que stratégique avec ces groupes, les témoignages et les faits semblent pour l’instant les contredire, du moins pour les premiers temps du soulèvement. Il semble néanmoins clair aujourd’hui que les rapports entre les deux partis se sont nettement dégradés. « Les amis d’hier deviennent les ennemis d’aujourd’hui » (comme nous dit un confrère localisé à Bamako, Fabien Offner, qui a réalisé l’excellente interview de M.Sanogo pour Libération). On a appris notamment lundi 2 avril que des membres du MNLA basés à Tombouctou ont été eux même chassés de la ville qu’ils avaient prise quelques jours plus tôt. Leurs assaillants appartenaient, selon l’AFP, à un groupe (ou une milice) islamiste répondant au nom d’Asnar Dine (les défenseurs de l’islam, en arabe). Ce dernier serait né d’une branche d’AQMI (Al Qaïda au Maghreb islamique). Ils tiennent encore aujourd’hui la ville, célèbre pour son tourisme.
Y-a-t-il eu des accords entre le MNLA et les groupes islamistes ? La crainte exprimée ces derniers jours par différents médias et experts, de voir apparaître un Etat islamiste imposant la charia aux populations est-elle réellement justifiée ?
La première question est de savoir quelle viabilité peut avoir ce territoire principalement composé de désert et dépourvu de grandes ressources naturelles. Ne pourrait-il pas y avoir ainsi le risque de voir un Etat qui se financerait par le trafic de drogue, déjà très répandu dans la région ?
La seconde question qui nous taraude est celle des rapports que peut entretenir le MNLA avec les groupes islamistes radicaux qui sévissent depuis plusieurs semaines dans la région. Même si l’organisation touareg se défend de tout lien, tant idéologique que stratégique avec ces groupes, les témoignages et les faits semblent pour l’instant les contredire, du moins pour les premiers temps du soulèvement. Il semble néanmoins clair aujourd’hui que les rapports entre les deux partis se sont nettement dégradés. « Les amis d’hier deviennent les ennemis d’aujourd’hui » (comme nous dit un confrère localisé à Bamako, Fabien Offner, qui a réalisé l’excellente interview de M.Sanogo pour Libération). On a appris notamment lundi 2 avril que des membres du MNLA basés à Tombouctou ont été eux même chassés de la ville qu’ils avaient prise quelques jours plus tôt. Leurs assaillants appartenaient, selon l’AFP, à un groupe (ou une milice) islamiste répondant au nom d’Asnar Dine (les défenseurs de l’islam, en arabe). Ce dernier serait né d’une branche d’AQMI (Al Qaïda au Maghreb islamique). Ils tiennent encore aujourd’hui la ville, célèbre pour son tourisme.
Y-a-t-il eu des accords entre le MNLA et les groupes islamistes ? La crainte exprimée ces derniers jours par différents médias et experts, de voir apparaître un Etat islamiste imposant la charia aux populations est-elle réellement justifiée ?
Un désordre à très haut risque
Au sud, la junte au pouvoir semble prendre conscience du danger et de son incapacité à gérer la situation. Le chef des putschistes, Amadou Sanogo s’est engagé lundi 9 avril à respecter les accords signés avec la Cédéao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, l’obligeant à remettre le pouvoir à un gouvernement de transition, qui sera présidé par Dioncounda Traoré. On attend aujourd’hui mardi 10 avril, la démission officielle d’ATT (Amadou Toumani Traoré). La tâche principale de ce nouveau gouvernement sera de pacifier le nord.
Une tâche qui devient de plus en plus compliquée, d’autant qu’on apprend lundi 9 avril, que des membres de la secte islamiste nigérienne Boko Haram seraient entrés au nord du pays, en renfort des islamistes, notamment à Gao. Plusieurs sources témoignent d’un climat d’oppression au sein de certaines villes telle que Tombouctou où les femmes y seraient désormais obligatoirement voilées et les débits de boissons alcoolisées systématiquement saccagés selon AP (Associated Press). L’Algérie s’inquiète également du sort de ses diplomates enlevées à Gao la semaine dernière par ce même type de groupe d’obédience islamiste. La confusion totale règne donc sur la région, et tout comme l’Etat Algérien, les pays voisons sont inquiets de la situation et se tiennent prêts à intervenir militairement par le biais de la Cédéao. Le risque d’une terrible guerre, sur fond de luttes ethniques et idéologiques se dessine donc de plus en plus…
Amnesty International ne cesse par ailleurs d’alerter via son site internet et les réseaux sociaux, sur le sort des populations locales, craignant un désastre humanitaire majeure dans toute la région.
Une tâche qui devient de plus en plus compliquée, d’autant qu’on apprend lundi 9 avril, que des membres de la secte islamiste nigérienne Boko Haram seraient entrés au nord du pays, en renfort des islamistes, notamment à Gao. Plusieurs sources témoignent d’un climat d’oppression au sein de certaines villes telle que Tombouctou où les femmes y seraient désormais obligatoirement voilées et les débits de boissons alcoolisées systématiquement saccagés selon AP (Associated Press). L’Algérie s’inquiète également du sort de ses diplomates enlevées à Gao la semaine dernière par ce même type de groupe d’obédience islamiste. La confusion totale règne donc sur la région, et tout comme l’Etat Algérien, les pays voisons sont inquiets de la situation et se tiennent prêts à intervenir militairement par le biais de la Cédéao. Le risque d’une terrible guerre, sur fond de luttes ethniques et idéologiques se dessine donc de plus en plus…
Amnesty International ne cesse par ailleurs d’alerter via son site internet et les réseaux sociaux, sur le sort des populations locales, craignant un désastre humanitaire majeure dans toute la région.
La genèse de la crise malienne
Il n’est pas inintéressant d’observer la crise malienne avec un peu de recul. On s’aperçoit alors d’un enchaînement d’évènements tout à fait extraordinaire. Cette crise s’inscrit comme conséquence directe des révolutions arabes, enclenchée par la Tunisie et la fuite du dictateur Zine-El-Abidine Bel Ali le 14 janvier 2011. Près d’un mois plus tard, dès le 15 février, les populations libyennes de Benghazi se soulèvent, s’en suit alors une révolution qui aura duré près de sept mois et qui aura vu, grâce à l’aide militaire apportée par l’OTAN à l’initiative de la France, la chute de Mouammar Kadhafi, au pouvoir depuis 1969.
Cette défaite du régime Kadhafi a entraîné la fuite des troupes étrangères à sa solde, parmi lesquelles on retrouve…des combattants touaregs du nord du Mali. Ces derniers surentraînés et munis d’armes sophistiqués, connus également pour leur redoutable efficacité sur les terrains sahariens, ont offert un avantage considérable aux indépendantistes du MNLA. Un ascendant qui a complètement déstabilisé l’armée régulière malienne. Le Mali qui se retrouve confrontée dès le 22 mars dernier, à un coup d’Etat organisé par des sous-officiers lassés de subir des revers dans le nord. L’Effet Domino…
Cette défaite du régime Kadhafi a entraîné la fuite des troupes étrangères à sa solde, parmi lesquelles on retrouve…des combattants touaregs du nord du Mali. Ces derniers surentraînés et munis d’armes sophistiqués, connus également pour leur redoutable efficacité sur les terrains sahariens, ont offert un avantage considérable aux indépendantistes du MNLA. Un ascendant qui a complètement déstabilisé l’armée régulière malienne. Le Mali qui se retrouve confrontée dès le 22 mars dernier, à un coup d’Etat organisé par des sous-officiers lassés de subir des revers dans le nord. L’Effet Domino…
Une crise profonde
Nous savions déjà que les révolutions arabes avaient initié une nouvelle période géopolitique, et que les conséquences de celles-ci se ressentiraient à l’échelle de l’Histoire. La crise que subit le Mali démontre que ces conséquences peuvent être plus profondes qu’on ne l’imagine. On peut souligner surtout la rapidité déconcertante des changements qui s’opèrent.
Cette crise est d’autant plus complexe qu’elle remet profondément en question des choix et de décisions historiques. La carte des frontières de l’Afrique de l’ouest, dessinée par la France après la décolonisation, n’ayant pas considéré les particularités et la diversité des peuples, trouve aujourd’hui sa limite. C’est en quelque sorte le XXème siècle qui nous explose à la figure, et c’est sans doute loin d’être terminé. Comment va maintenant réagir le reste du peuple touareg disséminé dans les territoires voisins ? Comment vont réagir les différents peuples sans Etat d’Afrique sub-saharienne ?
Cette crise est d’autant plus complexe qu’elle remet profondément en question des choix et de décisions historiques. La carte des frontières de l’Afrique de l’ouest, dessinée par la France après la décolonisation, n’ayant pas considéré les particularités et la diversité des peuples, trouve aujourd’hui sa limite. C’est en quelque sorte le XXème siècle qui nous explose à la figure, et c’est sans doute loin d’être terminé. Comment va maintenant réagir le reste du peuple touareg disséminé dans les territoires voisins ? Comment vont réagir les différents peuples sans Etat d’Afrique sub-saharienne ?
La Rédaction de LGO avec Mehdi Jaziri
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