jeudi 26 avril 2012

Libération de l’otage suisse Béatrice Stockly


Sidwaya Libération de l’otage suisse Béatrice Stockly  - Le Quotidien

Libération de l’otage suisse Béatrice Stockly

Dans le secret de l’opération

26 avril 2012, par Webmaster

C’est à deux heures du décollage que les journalistes ont été mis au parfum de la mission spéciale. Le temps de se préparer rapidement pour l’aéroport, précisément la base aérienne 511. Sur place, le reporter de Sidwaya a trouvé ses confrères, Jean Emanuel Ouédraogo et Hamidou Badini de la télévision nationale, Mathieu Bonkoungou de la radio BBC et Romaric Ollo Hien de l’Agence France presse (AFP). Au salon d’honneur de la base aérienne 511, le général Gilbert Diendéré arrive avec deux représentants du gouvernement suisse. Il fait un briefing de la mission. « Le 15 avril 2012, une Suissesse d’une quarantaine d’années vivant à Tombouctou depuis belle lurette a été enlevée par des éléments d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Elle a été récupérée par le mouvement islamiste Ansar-Dine. Ce mouvement est prêt à la libérer. Nous avons été saisis par les autorités suisses pour faciliter sa libération », a dit le chef d’état-major particulier de la présidence du Faso, le général Gilbert Diendéré. Avant de préciser, en substance, « c’est une mission risquée, dangereuse ». Il a souligné sa volonté d’associer la presse nationale. « C’est un vol direct de 2 heures 30. Au retour, nous ferons une escale technique à Ouahigouya », a précisé ce para-commando, brillant officier, qui a toujours eu l’oreille du Président du Faso, Blaise Compaoré, sur les questions sécuritaires. Puis les membres de la mission s’engouffrent dans le MI 17 de l’armée de l’air qui s’arrache du sol et met le cap sur Tombouctou, « la ville aux 333 saints », située dans le nord du Mali, à environ 650 km de Ouagadougou, à vol d’oiseau. A 12 heures, sous une température « cuisante », l’hélicoptère atterrit sur une dune de sable, quelque part à côté de Tombouctou. « L’oiseau de fer » a dû « slalomer » dans le ciel pour éviter de survoler des zones contrôlées par des groupes qui pourraient être hostiles à cette opération. Sur l’étendue désertique, on aperçoit des hommes en treillis militaires, enturbannés, patrouillant à pied ou juchés sur des 4X4 lourdement armées. Certains manœuvrent les DCA bitubes et monotubes de 20 mm et de 14,5 mm, d’Est en Ouest, à l’horizontal ou vers le ciel. Le drapeau noir maculé d’écritures en langue arabe flotte dans le vent. Des guides armés nous conduisent sous une tente où le confort contraste avec le milieu. C’est là qu’auront lieu les entretiens. Des journalistes, correspondants des médias d’Etat maliens et de la télévision France 24 nous rejoignent. A bord de 4X4 bourrées d’hommes et d’armes, le porte-parole du chef d’Ansar-Dine, Sanda Ould Boumama et son représentant Abou Amar Targui vêtus de boubous, arrivent pour les pourparlers. « Le chef d’Ansar-Dine, Iyad Ag Ghali est présentement à Kidal. Nous le représentons », lance Ould Boumama. C’est lui seul qui parlera. Amar Targui se murera dans le silence. « Il n’aime pas parler », confie le journaliste Moulaye Saya de l’Agence malienne de presse. Avant de passer aux discussions, l’eau de bienvenue et un méchoui appétissant, fourré de couscous, sont servis aux « invités ». Pourquoi Ansar-Dine a décidé de contribuer à la libération d’otages ? Selon le porte-parole du mouvement, l’une de leurs missions est de contribuer à la sécurité des populations et à la protection de leur dignité. D’où la volonté de toujours œuvrer à la libération d’otages. « Nous avons dit aux Suisses de venir récupérer leur concitoyenne. Nous ne voulons rien d’autres », a-t-il indiqué. Les grésillements de son talkie-walkie et les sonneries de ses deux téléphones ne l’empêchent nullement de s’étaler sur la mission principale qui est d’appliquer la charia, c’est-à-dire la loi islamique. Il a lancé un appel à l’aide humanitaire : « Ansar-Dine n’a jamais été contre l’aide aux populations, à condition de respecter certains principes ».
Une ville en détresse
Ansar-Dine ne contrôle pas toute la ville de Tombouctou, car l’aéroport est notamment aux mains du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), qui prône la partition du Mali contrairement aux islamistes. D’où des négociations en perspective pour permettre le ravitaillement de la ville par voie aérienne. « Les liens entre les mouvements islamistes Ansar-Dine et AQMI ? », « La cohabitation interreligieuse ? ». Je ne peux pas répondre à ces questions, a rétorqué Sanda Ould Boumama. Les correspondants de presse à Tombouctou sont sollicités par les mouvements armés pour relayer leur voix. Moulaye Saya et Sidi Ouangara ne voient pas d’un très mauvais œil la présence d’Ansar-Dine dans la cité aux nombreux saints. « Ils luttent contre la dépravation des mœurs décriée depuis longtemps par les imams dans cette ville religieuse… », relève Saya, fervent musulman.
Il réclame cependant, le retour de l’autorité de l’Etat malien. Les « Tombouctiens », a-t-il souligné, souffrent du manque de médicaments et du départ de médecins et autres personnels de santé. En général, « la ville ressent le départ des fonctionnaires. Le chômage a augmenté. Il n’y a pas d’argent liquide du fait de la fermeture des banques. Les boutiques sont devenues des lieux de causerie. Il faut qu’une solution urgente soit trouvée ». Les « Tombouctiens », reprend ce natif, ne veulent pas de la guerre, le bruit des armes, ils préfèrent le dialogue et la négociation. « Ils sont contre la partition du Mali qui a une civilisation de plusieurs millénaires. Le Nord s’est marié au Sud. Diviser le pays n’est pas la solution », a poursuivi, sous la tente, le correspondant de l’Agence malienne de presse. Après ces discussions qui prenaient quelquefois des allures politiques, le moment tant attendu arriva. Il est 13 heures 30 quand l’otage à bord d’un pick-up est conduite jusqu’à l’hélicoptère. Mission accomplie. Le MI-17 redécolle et met le cap sur Ouahigouya. Après 1 heure de vol, il s’immobilise devant le pied-à-terre du président du Faso, après avoir contourné une zone de turbulences. L’otage et les deux représentants du gouvernement suisse profitent se reposer un peu dans un bâtiment annexe. Sous l’auvent du bâtiment principal, les autres reprennent aussi des forces en échangeant. Puis le téléphone du général sonne. « Le président du Faso félicite tout le monde pour le succès de la mission », lance -t-il, dans un sourire, après la communication. A 17 heures 15, la mission arrive à son point de départ à la base aérienne 511 de Ouagadougou où l’attendent de nombreux hommes de médias, curieux d’en savoir davantage. « Demandez à vos confrères de la mission », a dit le général Diendéré, celui-là même qui a dégoupillé l’opération, une fois de plus avec succès. Selon des sources, les services du Burkina Faso sont sollicités dans la perspective d’autres libérations d’otages.
Bachirou NANADe retour de Tombouctou
L’otage suisse, Béatrice Stockly, a été libérée, le mardi 24 avril 2012 à Tombouctou au Mali et ramenée au Burkina Faso suite à une opération menée de main de maître par une mission du chef d’état-major particulier de la présidence du Faso, le général de brigade, Gilbert Diendéré. Une fois n’est pas coutume, les journalistes ont été au cœur des péripéties.

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