avril 17, 2012
L’origine de la rébellion touareg au Mali est en partie religieuse; et elle date du XIVe siècle. En effet, lorsqu’en 1352 le savant marocain Ibn Battutta arriva à Walata, ce territoire qu’il qualifiait de « premier arrondissement des Noirs », le Musulman conservateur fut choqué par ce
qui était pour lui « le manque de savoir-vivre » des populations. Bien qu’ils fussent musulmans, les habitants de l’Empire du Mali avaient une interprétation très laxiste du Coran. Ibn Battuta se lamenta de ce que les hommes du Mali, tels des mécréants, ne tenaient pas leur lignée de leurs pères, mais plutôt de leurs mères ; les fils n’héritaient pas de leurs pères, mais plutôt de leurs oncles maternels ; Les femmes manquaient de modestie, ne se voilaient pas la face, et n’étaient pas obligées d’accompagner leurs maris dans leurs voyages lointains ; en outre, les femmes pouvaient avoir des hommes pour amis sans que leurs maris n’en soient jaloux. Voici ce que nous dit Ibn Battuta du mode de vie « immoral » des Noirs du Mali :
qui était pour lui « le manque de savoir-vivre » des populations. Bien qu’ils fussent musulmans, les habitants de l’Empire du Mali avaient une interprétation très laxiste du Coran. Ibn Battuta se lamenta de ce que les hommes du Mali, tels des mécréants, ne tenaient pas leur lignée de leurs pères, mais plutôt de leurs mères ; les fils n’héritaient pas de leurs pères, mais plutôt de leurs oncles maternels ; Les femmes manquaient de modestie, ne se voilaient pas la face, et n’étaient pas obligées d’accompagner leurs maris dans leurs voyages lointains ; en outre, les femmes pouvaient avoir des hommes pour amis sans que leurs maris n’en soient jaloux. Voici ce que nous dit Ibn Battuta du mode de vie « immoral » des Noirs du Mali :
Un jour, je suis allé chez Abu Muhammad Yandakan sans m’annoncer. Je le trouvai assis sur une natte. Au milieu de la pièce se trouvait un lit surélevé. Sur le lit, un homme et une femme étaient assis, qui conversaient. « Qui est cette femme ? » M’enquis-je. « C’est ma femme » me répondit-il. « Et qui est cet homme pour elle ? » insistai-je. « C’est son compagnon » me répondit-il. « Et vous acceptez cela, bien que vous ayez vécu chez nous (les Arabes) et que vous connaissiez la Charia ? » Et voici ce qu’il me donna comme explication : « Chez nous l’amitié entre les femmes et les hommes est innocente ; elle n’est pas déconseillée. C’est même chose honorable. Nous n’en sommes pas jaloux. Nos femmes ne sont pas comme les femmes de ton pays ». Sa réponse irréfléchie me laissa abasourdi. Je m’éloignai de lui et ne répondis plus jamais à ses invitations.
C’est cette intolérance des fondamentalistes venus d’Afrique du Nord qui est au fondement de la rébellion touareg aujourd’hui au Mali. La revendication principale des rebelles maliens est la création d’un Etat islamiste régi par la Charia. La prise du Nord du Mali aujourd’hui, en 2012, est l’achèvement d’une entreprise qui a commencé il y a des siècles dans l’Empire du Mali.
Le Mali d’Ibn Battuta n’est pas le Mali actuel, avec sa capitale à Bamako. C’est un empire qui a existé entre 800 et 1550. Les fondateurs de l’Empire du Mali étaient mandé (Bamana, Sénoufo, Dogon). A son apogée, entre 1200 et 1300, l’Empire du Mali couvrait la plupart des terres du Mali actuel, l’Ouest de la Mauritanie et le Sénégal. Cependant, l’Empire du Mali n’avait pas de frontières définies, au sens occidental du terme. Ce qui définissait vraiment le royaume étaient plutôt son organisation politique, la cohésion de ses populations basée sur l’origine linguistique, les rituels culturels, les interactions commerciales des peuples, et le souverain que ces peuples reconnaissaient comme leur guide, à qui ces peuples payaient des impôts et de qui ces peuples attendaient justice et protection. L’Empire du Mali devint important avec la chute d’un autre grand empire, le Wagadou ou Ghana.
En effet, 100 ans avant la naissance de l’Empire du Mali, en 700, le Wagadou ou Ghana, situé à près de 1600 kilomètres au nord du Ghana actuel, était le plus important des royaumes au sud du Sahara. Les voyageurs arabes qui l’ont visité l’appelaient la terre de l’or. En vérité, les habitants du Ghana ancien étaient des cultivateurs, des pêcheurs et des bergers, mais principalement des pêcheurs de sel, qui troquaient le fruit de leur labeur avec de l’or que des habitants de territoires plus au sud du Ghana rapportaient de mines secrètes. Au cours d’un de ses nombreux voyages en Afrique de l’Ouest, Ibn Battuta remarqua que le sel était aussi cher dans le sud que l’or dans le nord. « A Walata, un chargement de sel se vendait de huit à dix mithquals (1 mithqual=3,5 grammes d’or) et dans la ville de Mali, de vingt à trente mithquals, voire quarante mithquals ». Ceux qui avaient abondamment de sel le cassaient en morceaux, qu’ils utilisaient comme monnaie. Cependant, l’or était si abondant dans le sud que les marchands le troquaient pour son équivalent en sel, en tissus, en cauris, en fruits secs et en cuivre.
Les Almoravides marocains, qui trouvaient les habitants du Ghana trop laxistes dans leur pratique de l’Islam, finirent par s’emparer du Ghana en 1076 après de nombreux raids sur le royaume. Le règne almoravide, bien que de courte durée, affaiblit l’Empire du Ghana, qui tomba plus tard sous la conquête du roi Sumanguru Kanté de l’Empire Susu. En 1250, Sumanguru fut lui aussi vaincu par le roi du Mali, Sundiata Keita, qui l’exécuta.
En s’appropriant les terres du Ghana et du Susu, le Mali devint le plus grand empire dans la vallée du Niger. Autour du XIVe siècle, la population du Mali atteignit 50 millions et la superficie du royaume s’estima à plus d’un million de km2. Les populations du Mali continuèrent les activités commerciales initiées par les populations du Ghana. En descendant plus au sud, les commerçants du Mali se mêlèrent aux habitants des forêts, formèrent une population plus hétérogène, introduisirent dans l’empire et dans les royaumes des forêts des produits plus variés, et surtout, ils convertirent les populations du sud à l’Islam. Mais un Islam toutefois modéré, que les fondamentalistes à peau claire d’Afrique du Nord considéraient comme une falsification du Coran.
La dynastie de Sundiata Keita, qui, du Mali ancien au Mali d’aujourd’hui, consolida la prépondérance des Noirs et renforça la pratique d’un Islam dilué aux croyances africaines, n’effaça pas le désir des fondamentalistes à peau claire, désormais populations à part entière du Mali depuis l’invasion des Almoravides, de retourner à un Islam dit pur. L’Assaut des Targui sur la partie nord du Mali participe d’une volonté de corriger ce qu’Ibn Battuta décrivait au XIVe siècle comme une anomalie spirituelle. Aujourd’hui, les fondamentalistes au nord du Mali ont institué le port du voile pour les femmes, remplacé les imams jugés trop permissifs, interdit l’alcool et les aires de jeux ; ils ont en un mot institué un Etat islamiste régi par la Charia. L’Etat rêvé d’Ibn Battuta.
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