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Par Serge Michailof, chercheur associé a l'IRIS, professeur à Sciences Po et consultant pour la Banque mondiale
Les troubles qui ont débuté le 21 mars attestent de la dégradation générale de la situation au Mali. L'enlèvement de deux de nos compatriotes le 24 novembre dans ce pays faisait alors suite à une série d'enlèvements de ressortissants occidentaux au Niger et en Mauritanie. Tout le nord du Sahel est devenu une zone grise où les déplacements sont très dangereux. Or l'effondrement du régime Kadhafi et le reflux des anciens mercenaires issus de ces régions ont
provoqué une catastrophique accélération.
Les troubles qui ont débuté le 21 mars attestent de la dégradation générale de la situation au Mali. L'enlèvement de deux de nos compatriotes le 24 novembre dans ce pays faisait alors suite à une série d'enlèvements de ressortissants occidentaux au Niger et en Mauritanie. Tout le nord du Sahel est devenu une zone grise où les déplacements sont très dangereux. Or l'effondrement du régime Kadhafi et le reflux des anciens mercenaires issus de ces régions ont
provoqué une catastrophique accélération.
Le 24 janvier, 70 jeunes militaires maliens faits prisonniers étaient massacrés par des rebelles lors de la reddition de leur garnison. Les villes de Ménaka et Tessalit, au nord du Mali, sont tombées il y a peu. Quelque 120 000 réfugiés ont fui les zones de combat. Le président malien, dont les troupes se replient appelait au secours dans une interview (Le Figaro le 15 mars) : les insurgés disposent d'armements lourds, de moyens de transmission modernes, de missiles SAM7.
Ils auraient établi des liaisons avec les groupes de Al-Qaïda au Maghreb Islamique. L'analogie avec l'Afghanistan, évoquée par le quotidien algérien El Watan ne doit plus être prise à la légère pour au moins trois raisons : Dans le nord Sahel, tout comme en Afghanistan, les administrations locales sont défaillantes, l'économie rurale frappée par la sécheresse est en ruine. Rappelons que la population des trois pays, Mali, Niger et Burkina Faso va presque tripler d'ici 2050, passant de 44 à 125 millions.
Il importe dans un tel contexte de ne pas répéter les erreurs commises en Afghanistan, où l'on a privilégié une réponse sécuritaire confiée à des forces étrangères et répondu trop tard au formidable besoin d'Etat et de développement rural par une aide insuffisante et désorganisée. Au-delà de la nécessaire restauration de l'Etat de droit au Mali, une réponse militaire est nécessaire au Sahel et il faudra pour ce faire renforcer les armées nationales.
Mais cette réponse militaire devra déboucher sur des négociations et s'accompagner de programmes de développement de grande ampleur. De tels programmes ne sauraient se concentrer sur les seules zones d'insécurité où leur efficacité est limitée, mais couvrir le monde rural sahélien. Faute de réformes et d'investissements, l'agriculture sahélienne est marginalisée.
Or beaucoup peut être fait, au sud pour relancer la culture des céréales et du coton, promouvoir la culture attelée et exploiter le potentiel des grands fleuves, au nord pour ouvrir des pistes, aménager les bas-fonds, organiser le retour de l'eau par des travaux de terrassement, réhabiliter l'économie fragile des oasis, organiser la transhumance. Beaucoup doit aussi être fait pour restaurer l'Etat en milieu rural en décentralisant, réformant les administrations territoriales, professionnalisant les gendarmes, améliorant le fonctionnement des services sociaux! C'est donc d'un plan Marshall dont ont besoin les pays sahéliens !
Face à l'aggravation au Sahel, la France est aux premières loges et nos centres de rétention ne suffiront pas. Heureusement la France, avec 10 milliards d'euros d'aide publique au développement est le 3e donateur au monde. Il est donc grand temps de déverser les milliards de notre aide sur le Sahel. Mais surprise, notre aide bilatérale destinée au monde rural des cinq pays du Sahel n'a représenté, en moyenne depuis trois ans, que 14 millions d'euros par an, soit 1,4 millième de notre aide globale.
Deuxième surprise, il semble bien s'agir là du maximum de ce que nous pouvons dégager, compte tenu des multiples autres engagements. Il est temps d'arrêter cette mascarade. Certes nos 10 milliards d'aide sont en partie fictifs. Mais même dégonflés des annulations de dettes et autres habillages statistiques, il reste plus de 6 milliards d'euros. Le malheur est que 4 milliards transitent par les organisations multilatérales, dont beaucoup ont fait la preuve de leur inefficacité ; or le reste est consenti sous forme de prêts et donc inadapté pour aider le monde rural sahélien.
Ces choix étonnants ont été faits sans que les instances politiques, de droite ou de gauche, de par l'opacité des statistiques, n'aient jamais pu se prononcer en connaissance de cause. Or ici les choses changent. Depuis deux ans, cinq rapports parlementaires ont dénoncé ces aberrations. Ils soulignent que ces choix privent notre aide bilatérale des ressources en subventions, qui seules sont adaptées aux besoins des pays les plus pauvres. Ils remarquent que ces choix sont d'autant plus malheureux, qu'ils nous empêchent d'orienter l'action des multilatéraux par le seul moyen efficace que sont les co-financements.
Soyons maintenant sérieux : il faut investir au moins 1,5 milliard d'euros par an pendant dix ans pour relancer le développement rural du Sahel. Il est possible de mobiliser ces ressources auprès des grands multilatéraux. Mais ces derniers ont d'autres préoccupations, car les Objectifs du millénaire qui leur servent de boussole ont oublié le développement rural ! Il faut donc que la France donne l'exemple et prenne la tête d'une vaste coalition.
Mais il lui faut pour être crédible, mettre elle-même sur la table au minimum 20 % du montant nécessaire, soit 300 millions d'euros par an. C'est moins que ce qu'elle met sur le seul fond mondial de lutte contre le sida, thématique qui a mobilisé en 2011 plus de 7 milliards de dollars au plan international. Ces 300 millions représenteraient moins de 5% du montant de notre aide effective. Qu'attendons-nous pour procéder à des arbitrages courageux ? Si ce type d'arbitrage est interdit au ministre de la coopération par Bercy, la suppression de ce ministère, en ce cas inutile, permettrait au moins de financer une partie de la somme requise...
Ils auraient établi des liaisons avec les groupes de Al-Qaïda au Maghreb Islamique. L'analogie avec l'Afghanistan, évoquée par le quotidien algérien El Watan ne doit plus être prise à la légère pour au moins trois raisons : Dans le nord Sahel, tout comme en Afghanistan, les administrations locales sont défaillantes, l'économie rurale frappée par la sécheresse est en ruine. Rappelons que la population des trois pays, Mali, Niger et Burkina Faso va presque tripler d'ici 2050, passant de 44 à 125 millions.
Il importe dans un tel contexte de ne pas répéter les erreurs commises en Afghanistan, où l'on a privilégié une réponse sécuritaire confiée à des forces étrangères et répondu trop tard au formidable besoin d'Etat et de développement rural par une aide insuffisante et désorganisée. Au-delà de la nécessaire restauration de l'Etat de droit au Mali, une réponse militaire est nécessaire au Sahel et il faudra pour ce faire renforcer les armées nationales.
Mais cette réponse militaire devra déboucher sur des négociations et s'accompagner de programmes de développement de grande ampleur. De tels programmes ne sauraient se concentrer sur les seules zones d'insécurité où leur efficacité est limitée, mais couvrir le monde rural sahélien. Faute de réformes et d'investissements, l'agriculture sahélienne est marginalisée.
Or beaucoup peut être fait, au sud pour relancer la culture des céréales et du coton, promouvoir la culture attelée et exploiter le potentiel des grands fleuves, au nord pour ouvrir des pistes, aménager les bas-fonds, organiser le retour de l'eau par des travaux de terrassement, réhabiliter l'économie fragile des oasis, organiser la transhumance. Beaucoup doit aussi être fait pour restaurer l'Etat en milieu rural en décentralisant, réformant les administrations territoriales, professionnalisant les gendarmes, améliorant le fonctionnement des services sociaux! C'est donc d'un plan Marshall dont ont besoin les pays sahéliens !
Face à l'aggravation au Sahel, la France est aux premières loges et nos centres de rétention ne suffiront pas. Heureusement la France, avec 10 milliards d'euros d'aide publique au développement est le 3e donateur au monde. Il est donc grand temps de déverser les milliards de notre aide sur le Sahel. Mais surprise, notre aide bilatérale destinée au monde rural des cinq pays du Sahel n'a représenté, en moyenne depuis trois ans, que 14 millions d'euros par an, soit 1,4 millième de notre aide globale.
Deuxième surprise, il semble bien s'agir là du maximum de ce que nous pouvons dégager, compte tenu des multiples autres engagements. Il est temps d'arrêter cette mascarade. Certes nos 10 milliards d'aide sont en partie fictifs. Mais même dégonflés des annulations de dettes et autres habillages statistiques, il reste plus de 6 milliards d'euros. Le malheur est que 4 milliards transitent par les organisations multilatérales, dont beaucoup ont fait la preuve de leur inefficacité ; or le reste est consenti sous forme de prêts et donc inadapté pour aider le monde rural sahélien.
Ces choix étonnants ont été faits sans que les instances politiques, de droite ou de gauche, de par l'opacité des statistiques, n'aient jamais pu se prononcer en connaissance de cause. Or ici les choses changent. Depuis deux ans, cinq rapports parlementaires ont dénoncé ces aberrations. Ils soulignent que ces choix privent notre aide bilatérale des ressources en subventions, qui seules sont adaptées aux besoins des pays les plus pauvres. Ils remarquent que ces choix sont d'autant plus malheureux, qu'ils nous empêchent d'orienter l'action des multilatéraux par le seul moyen efficace que sont les co-financements.
Soyons maintenant sérieux : il faut investir au moins 1,5 milliard d'euros par an pendant dix ans pour relancer le développement rural du Sahel. Il est possible de mobiliser ces ressources auprès des grands multilatéraux. Mais ces derniers ont d'autres préoccupations, car les Objectifs du millénaire qui leur servent de boussole ont oublié le développement rural ! Il faut donc que la France donne l'exemple et prenne la tête d'une vaste coalition.
Mais il lui faut pour être crédible, mettre elle-même sur la table au minimum 20 % du montant nécessaire, soit 300 millions d'euros par an. C'est moins que ce qu'elle met sur le seul fond mondial de lutte contre le sida, thématique qui a mobilisé en 2011 plus de 7 milliards de dollars au plan international. Ces 300 millions représenteraient moins de 5% du montant de notre aide effective. Qu'attendons-nous pour procéder à des arbitrages courageux ? Si ce type d'arbitrage est interdit au ministre de la coopération par Bercy, la suppression de ce ministère, en ce cas inutile, permettrait au moins de financer une partie de la somme requise...
Serge Michailof, chercheur associé a l'IRIS, professeur à Sciences Po et consultant pour la Banque mondiale
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