MALI - Le nécessaire recadrage de la junte
Les Editions Le Pays
C’est la chienlit au Mali ces temps-ci. C’est à croire que la sortie de crise que le peuple malien appelle de tous ses vœux n’est pas la préoccupation de certaines personnes. Ce qui se passe ces derniers temps à Bamako prouve si besoin en était encore que la traversée du désert sera fastidieuse. Comme on le voit, la junte dirigée par le capitaine Amadou Sanogo procède à des arrestations dans les rangs des hommes politiques. Ce qui se passe ressemble fort à une volonté mal déguisée de mettre hors-jeu, par des accusations quelque peu laborieuses, de futurs candidats à la présidentielle, donc de potentiels futurs chefs d’Etat malien. C’est un euphémisme de dire que la junte est restée maître du pays. Elle détient le pouvoir de fait. Reste à savoir si
la CEDEAO cautionnera ce marché de dupes. Du rétablissement de l’ordre constitutionnel, il n’en est rien en réalité. On l’avait déjà dit : attention à ne pas trop ménager la junte. Hélas, du côté de la CEDEAO, notamment de la médiation, on a voulu ménager la chèvre et le chou. Car, à dire vrai, l’amnistie était suffisante pour les membres de cette junte qui ont aggravé la crise dans leur pays. Non contents d’avoir jeté le pays dans ce marasme politique, ils l’y maintiennent par leurs comportements quotidiens. S’il était avéré que les personnalités mises aux arrêts étaient en train d’ourdir un coup d’Etat, il appartenait aux autorités constitutionnellement reconnues dont le nouveau chef de l’Etat par intérim et son Premier ministre dûment informés, de donner les instructions qui conviennent en pareille circonstance. Malheureusement et cela confirme les craintes de tous ceux qui avaient estimé que la CEDEAO a conclu un accord boîteux avec les putschistes, ce sont les membres de la junte qui jouent les justiciers, avec le capitaine Sanogo dans le rôle du Shérif. Ce n’est pas acceptable dans un Etat de droit. Enfin, si le Mali en est encore un, il est grand temps que le médiateur et le président de la CEDEAO tapent du poing sur la table en vue de faire cesser ce faux jeu sous peine d’être accusés de laxisme et pire, de partialité. En tout cas, ils ne se rendraient pas eux-mêmes service s’il leur venait la mauvaise idée de s’acoquiner avec cette bande de semeurs de troubles. Il faut clairement enlever à ces gens leur capacité de nuisance.
C’est la meilleure manière pour en finir avec cette sorte de tricéphalisme honteux et contreproductif au sommet de l’Etat malien : Président par intérim, Premier ministre par intérim, et chef de la junte. Au fond, le vrai pouvoir se trouve encore à Kati, dans le QG du « Chef Sanogo ». Ce sont les membres de cette junte qui font la pluie et le beau temps dans ce qui reste du grand Mali. Que l’on ne s’y trompe pas. Cette junte a probablement décidé de faire monter les enchères à l’heure de la constitution de l’équipe de transition que d’aucuns verraient hélas, comme l’heure du partage du gâteau. Elle se dit certainement que c’est le moyen de faire pression sur les autres protagonistes de la crise pour garder la haute main sur les affaires, du moins, pour ne pas perdre tout contrôle. Mais, c’est justement cette pression illégale qui est inadmissible dans une démocratie. Pourtant, ce ne sont pas les combats légaux et légitimes qui manquent le plus en ce moment au Mali. Comme on le sait déjà, l’unité du pays est en danger. Les velléités indépendantistes du Mouvement national de Libération de l’Azawad (MNLA) se sont concrétisées sur le terrain par la prise de contrôle du Nord-Mali par les rebelles touaregs et les terroristes, suivie de la proclamation conséquente de l’indépendance de l’Azawad. M. Sanogo et ses hommes feraient mieux de se préparer à monter au front au cas où les négociations pour la réunification du pays venaient à échouer. Encore faut-il donner toutes les chances aux institutions républicaines de se mettre rapidement en place et d’aborder ces négociations avec toute la sérénité que l’enjeu requiert. A l’allure où vont les choses, il n’est pas exclu que le MNLA en vienne à proposer ses bons offices aux autorités républicaines du Mali en vue de remettre de l’ordre au Nord du pays. A dire vrai, cette pagaille n’honore ni le Mali, ni ses fils. Beaucoup d’admirateurs de ce pays et de sa démocratie sont sans voix aujourd’hui. Déjà qu’il a perdu le Nord et n’est plus cet exemple de stabilité politique qu’il avait forgé, ces dernières décennies, le pays, du moins ce qui en reste, risque de s’installer durablement dans un système de « gouvernance du canon ». C’est cela qu’il faut contrer énergiquement. Il est plus que jamais urgent et nécessaire de recadrer la junte qui n’a visiblement aucun sens des priorités. Les bonnes idées des uns et des autres doivent être défendues dans un cadre républicain et rien que dans ce cadre. C’est une question de responsabilités, de crédibilité et de respect pour le citoyen malien qui ne demande que la fin de la crise. Cette sortie de crise qui passe inexorablement par le retour effectif du pouvoir entre les mains des institutions ayant la compétence légale de l’exercer. La CEDEAO doit le dire droit dans les yeux à qui de droit et se dépêcher de l’obtenir d’une manière ou d’une autre. Car, comme le diraient nos voisins du côté de la lagune Ebrié, « c’est ça qui est la vérité. »
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