lundi 16 avril 2012, par
L’Azawad s’est installé dans une veillée d’armes qui risque d’être fatale pour le Sahara. Après une guerre éclair de 11 semaines, le MNLA a déclaré l’indépendance de l’Azawad le 6 avril. Après un putsch à Bamako, le nouveau pouvoir malien a déclaré une « guerre totale et implacable » au MNLA le 12 avril. La République bananière malienne n’est pas capable de régler seule militairement cette grave crise. Le compte à rebours d’un désordre meurtrier et durable à nos frontières Sud sera enclenché le 6 mai lorsque le prochain président français sera connu.
Si Nicolas Sarkozy est réélu, il ne fait aucun doute qu’il rejouera un
rôle qu’il affectionne, celui du gendarme de l’Afrique, un nouveau Bush défenseur de « l’Axe du Bien judéo-chrétien contre l’Axe du Mal islamiste ». Si le socialiste François Hollande est élu, il peut céder aux pressions des va-t-en guerres de l’establishment militaro-industriel, et perpétuer les traditions coloniales de la Françafrique, comme l’avait fait François Mitterand.
Depuis 50 ans, les objectifs néo-coloniaux de la France n’ont jamais changé : empêcher l’autodétermination et l’émancipation des Touaregs, entretenir les clivages factices entre les Berbères d’Afrique du Nord, réduire le leadership et le rôle de puissance régionale de l’Algérie en l’isolant de ses voisins, maintenir toute l’Afrique de l’Ouest sous sa domination…
Le silence troublant des américains, initiateurs du Pan-Sahel Initiative et de l’Africom, présage un accord tacite avec les français, laissés libres de gérer la situation selon leurs intérêts.
La menace de « guerre totale et implacable » annoncée par Bamako va provoquer d’autres mouvements et désordres de population, entre exodes massifs de réfugiés et recrutement de candidats au terrorisme, au jihad et au suicide.
L’Algérie sera contrainte de militariser encore plus toutes les villes du Sahara, fermer sa frontière avec le Mali, comme elle l’a fait avec la Libye. Par une logique absurde d’escalade du chaos au Sahel et du terrorisme transfrontalier, les frontières avec la Mauritanie et le Niger seront aussi fermées. Celle du Maroc étant fermée depuis 1994, l’Algérie sera complètement isolée. Il ne restera que la Tunisie comme soupape de sortie terrestre pour les algériens.
La radicalisation de la rébellion touarègue a été déclarée irréversible par le MNLA. Aussi longtemps que le droit des Touaregs de l’Azawad à s’autodéterminer sur leur propre territoire ne sera pas reconnu, il n’y aura jamais de paix au Sahel, ni au Sahara, ni en Afrique de l’Ouest.
La France maître d’œuvre du coup d’Etat au Mali
De mémoire d’africain, il n’y a jamais eu de coup d’Etat en Afrique de l’Ouest, sans l’implication de la France.
Une mutinerie a été improvisée, le 21 Mars, dans une caserne de la ville garnison de Kati contre le général Sadio Gassama, ministre de la défense, accompagné du colonel Mohamed Ould Meydou. Selon des informations « instantanées » recueillies sur place par des correspondants, une alerte a aussitôt été déclenchée. Des militaires para commandos loyalistes ont bloqué l’accès à Bamako.
Puis subitement, un putsch s’est dénoué dans la nuit du 21 au 22 mars. Le Palais présidentiel de Koulouba a été bombardé aux armes lourdes, le président ATT a disparu et des membres du gouvernement arrêtés.
Le 22 Mars à 4h45 Gmt, un jeune capitaine Bambara, Amadou Haya Sanogo, inconnu jusque là, apparaît à la télévision. Sorti d’un chapeau de magicien, il s’annonce comme chef de la junte, président du CNRDRE et chef de l’Etat. Entouré d’une grappe de mutins hétéroclites et désorganisés, il fait lire un communiqué à l’ORTM.
Cette mise en scène prête à sourire. D’où sort ce jeune officier qui a « spontanément » tenu plusieurs discours et interviews à l’ORTM, selon une feuille de route rédigée et bien apprise. Par qui, quand et comment ?
Comment a-t-il pu bouleverser la hiérarchie militaire ? Que sont devenus tous les officiers de rang plus élevés ? Ce scénario de coup d’Etat, digne d’un dessin animé, donne pleinement raison au MNLA sur « l’illusion d’un Etat-Nation au Mali ».
Le mardi 27 mars, l’AFP annonce que « L’ambassadeur de France au Mali a pu s’entretenir par téléphone avec le président Amadou Toumani Touré qui l’a rassuré sur son sort », prouvant ainsi que ce sont bien les services français qui l’ont « sécurisé ».
Le rôle du maître d’œuvre français ne s’est pas arrêté à l’urgence de se débarrasser d’ATT et son état-major qui ont capitulé face au MNLA. Il a continué, sous couvert de la CEDEAO, à adapter un scénario acceptable par l’opinion publique et les politiciens maliens et africains.
Il est prévu dans la Constitution que le président de l’Assemblée nationale remplace le président de la République, et organise des élections dans les 40 jours. Ce délai ne sera jamais respecté. L’AFP annonce une transition anti-constitutionnelle à durée indéterminée et des consultations pour nommer un Premier ministre de transition investi des « pleins pouvoirs ». Le casting de la DGSE pour trouver la « bonne tête d’affiche » est en cours.
A peine investi jeudi comme président intérimaire du Mali, Dioncounda Traoré a d’emblée menacé d’une « guerre totale et implacable » le MNLA, confondu avec Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique), les trafiquants de drogue, les preneurs d’otages. « J’ai conscience d’être président d’un pays en guerre… Je jure devant Dieu et le
peuple malien de préserver… l’intégrité du territoire du Mali ».
L’armée malienne étant déconfite et humiliée par le MNLA, la CEDEAO envisage l’envoi d’une force militaire régionale, encourragée par les français qui ont déjà promis un soutien logistique par la voix d’Alain Juppé.
Un ex-officier du renseignement militaire, Eric Denécé du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R) a résumé la stratégie des prochaines opérations dans l’Azawad :
Il rappelle aussi la sempiternelle menace du risque de contagion et d’enlisement.
Cette rengaine de contagion d’indépendance est catégoriquement balayée par le député et Amenokal de Tamanrasset, Ahmed Idaber :
Le DRS algérien gère l’Azawad en vase clos
A force de brouiller, depuis plusieurs années, les cartes du renseignement, d’infiltration et de manipulation, le Département renseignement et sécurité (DRS) est dépassé par le sens et l’initiative des réalités au Sahel. Il développe une diplomatie parallèle et fait cavalier seul, sans informer le gouvernement, d’autres institutions de l’Etat et la presse. Les militaires et gendarmes algériens massés aux postes frontaliers ne sont pas briefés sur ce qui se passe réellement derrière leurs lignes.
Les propres agents du DRS sur le terrain ne sont pas correctement informés. Comme ces diplomates enlevés au consulat de Gao, qui auraient du quitter la ville avec leur famille dès le déclenchement des hostilités. Un officier du MNLA confie au journal El Watan :
Les dirigeants du MNLA ont tenu à « mouiller publiquement » les généraux, en faisant savoir que le lancement de cette grande offensive militaire, a été décidé après avoir obtenu des garanties des pays voisins, en particulier du DRS, seul interlocuteur algérien des rebelles touarègues.
Bilal Ag chérif, secrétaire général du MNLA, a déclaré le 2 mars 2012 :
Mossa Ag Attaher, chargé de communication du MNLA, a également révélé :
Les chefs rebelles touarègues du Mali sont nettement reconnaissables avec leurs chèches et leurs statures, à bord des avions d’Air Algérie lorsqu’ils effectuent leurs allées et venues à Alger, et n’hésitent pas à en informer leurs proches. Les combattants touaregs se font soigner dans les hôpitaux algériens. Les officiers supérieurs du DRS en poste à Tombouctou, Gao, Kidal, Borj Baji Mokhtar, Tamanrasset, ont noués des liens très étroits, depuis plusieurs années, avec les notables locaux devenus, au fil du temps, leurs amis.
Les généraux du DRS sont en contact permanents avec les colonels du MNLA et suivent les opérations militaires au jour le jour. Comme celle des 17 officiers formateurs algériens évacués de la base d’Amachache à Tessalit, quelques heures avant l’assaut du MNLA. C’est le général Toufik, patron du DRS, qui a géré en personne l’évacuation, par téléphone satellitaire, comme l’a révélé le commandant Moussa Ag Ahmed :
Le DRS porte préjudice au noble combat touareg en ne réagissant pas énergiquement aux désinformations malveillantes de l’AFP qui mélange tout à dessein de nuire au MNLA. La grave désinformation de l’AFP et RFI émane depuis 15 ans du même correspondant de Bamako, le béninois Serge Daniel Gbogbohoundada, qui a notamment dénoncé un « massacre imaginaire » de soldats maliens à Aguelhoc, et s’invente des infos émanant « d’un habitant joint par téléphone (?) ». Ces intox ont provoqué des pogroms contre les Touaregs et Arabes du Mali. Pour cette faute professionnelle, il n’est plus crédible et aurait dû être révoqué.
Mokhtar Belmokhtar, dit Le Borgne, et ses acolytes sont des Algériens. Iyad ag Ghali est un agent triple (DRS, DGSE, services maliens). Ses mercenaires d’Ansar Addine viennent de tous les pays du Sahel. L’AFP signale même la présence d’un groupe du Nigeria Boko Haram à Gao (?), que personne ne peut vérifier.
Les sites Maghreb Intelligence et Sahel Intelligence, créés par les services secrets marocains, portent des accusations de compromission très négative entre le DRS et les groupes terroristes. Ils s’interrogent notamment sur le rôle des Algériens dans la création du « nouveau mouvement, Ansar Addine, dirigé par Iyad ag Ghali, surgi de nulle part en Mars, alors que l’action armée du MNLA est déjà engagée depuis le 17 janvier ».
Le MNLA a condamné par un communiqué ce battage médiatique de désinformation nuisible, orchestré par l’AFP, sur la présence de personnes étrangères à l’Azawad et à son combat pour l’indépendance.
Les militaires du DRS doivent passer la main aux politiciens civils qualifiés et chevronnés pour gérer avec fermeté l’activisme diplomatique nécessaire sur ce dossier brûlant de l’Azawad. Veiller au respect des constantes algériennes sur le respect de l’autodétermination des peuples, l’opposition à toute ingérence étrangère et la sauvegarde des intérêts suprêmes de l’Algérie et de ses relations de bon voisinage.
L’historien Pierre Boilley, spécialiste du Sahel, relève avec ironie le manque d’initiative du gouvernement algérien assimilé à un « rôle passif » :
L’Algérie doit à présent jouer pleinement son rôle majeur et décisif de puissance régionale pour écarter toute intervention militaire, de la CEDEAO ou de la France, à ses frontières et imposer un règlement politique au problème de l’Azawad, en préservant strictement ses intérêts vitaux de paix et de sécurité au Sahara.
Saâd Lounès, 16 Avril 2012
rôle qu’il affectionne, celui du gendarme de l’Afrique, un nouveau Bush défenseur de « l’Axe du Bien judéo-chrétien contre l’Axe du Mal islamiste ». Si le socialiste François Hollande est élu, il peut céder aux pressions des va-t-en guerres de l’establishment militaro-industriel, et perpétuer les traditions coloniales de la Françafrique, comme l’avait fait François Mitterand.
Depuis 50 ans, les objectifs néo-coloniaux de la France n’ont jamais changé : empêcher l’autodétermination et l’émancipation des Touaregs, entretenir les clivages factices entre les Berbères d’Afrique du Nord, réduire le leadership et le rôle de puissance régionale de l’Algérie en l’isolant de ses voisins, maintenir toute l’Afrique de l’Ouest sous sa domination…
Le silence troublant des américains, initiateurs du Pan-Sahel Initiative et de l’Africom, présage un accord tacite avec les français, laissés libres de gérer la situation selon leurs intérêts.
La menace de « guerre totale et implacable » annoncée par Bamako va provoquer d’autres mouvements et désordres de population, entre exodes massifs de réfugiés et recrutement de candidats au terrorisme, au jihad et au suicide.
L’Algérie sera contrainte de militariser encore plus toutes les villes du Sahara, fermer sa frontière avec le Mali, comme elle l’a fait avec la Libye. Par une logique absurde d’escalade du chaos au Sahel et du terrorisme transfrontalier, les frontières avec la Mauritanie et le Niger seront aussi fermées. Celle du Maroc étant fermée depuis 1994, l’Algérie sera complètement isolée. Il ne restera que la Tunisie comme soupape de sortie terrestre pour les algériens.
La radicalisation de la rébellion touarègue a été déclarée irréversible par le MNLA. Aussi longtemps que le droit des Touaregs de l’Azawad à s’autodéterminer sur leur propre territoire ne sera pas reconnu, il n’y aura jamais de paix au Sahel, ni au Sahara, ni en Afrique de l’Ouest.
La France maître d’œuvre du coup d’Etat au Mali
De mémoire d’africain, il n’y a jamais eu de coup d’Etat en Afrique de l’Ouest, sans l’implication de la France.
Une mutinerie a été improvisée, le 21 Mars, dans une caserne de la ville garnison de Kati contre le général Sadio Gassama, ministre de la défense, accompagné du colonel Mohamed Ould Meydou. Selon des informations « instantanées » recueillies sur place par des correspondants, une alerte a aussitôt été déclenchée. Des militaires para commandos loyalistes ont bloqué l’accès à Bamako.
Puis subitement, un putsch s’est dénoué dans la nuit du 21 au 22 mars. Le Palais présidentiel de Koulouba a été bombardé aux armes lourdes, le président ATT a disparu et des membres du gouvernement arrêtés.
Le 22 Mars à 4h45 Gmt, un jeune capitaine Bambara, Amadou Haya Sanogo, inconnu jusque là, apparaît à la télévision. Sorti d’un chapeau de magicien, il s’annonce comme chef de la junte, président du CNRDRE et chef de l’Etat. Entouré d’une grappe de mutins hétéroclites et désorganisés, il fait lire un communiqué à l’ORTM.
Cette mise en scène prête à sourire. D’où sort ce jeune officier qui a « spontanément » tenu plusieurs discours et interviews à l’ORTM, selon une feuille de route rédigée et bien apprise. Par qui, quand et comment ?
Comment a-t-il pu bouleverser la hiérarchie militaire ? Que sont devenus tous les officiers de rang plus élevés ? Ce scénario de coup d’Etat, digne d’un dessin animé, donne pleinement raison au MNLA sur « l’illusion d’un Etat-Nation au Mali ».
Le mardi 27 mars, l’AFP annonce que « L’ambassadeur de France au Mali a pu s’entretenir par téléphone avec le président Amadou Toumani Touré qui l’a rassuré sur son sort », prouvant ainsi que ce sont bien les services français qui l’ont « sécurisé ».
Le rôle du maître d’œuvre français ne s’est pas arrêté à l’urgence de se débarrasser d’ATT et son état-major qui ont capitulé face au MNLA. Il a continué, sous couvert de la CEDEAO, à adapter un scénario acceptable par l’opinion publique et les politiciens maliens et africains.
Il est prévu dans la Constitution que le président de l’Assemblée nationale remplace le président de la République, et organise des élections dans les 40 jours. Ce délai ne sera jamais respecté. L’AFP annonce une transition anti-constitutionnelle à durée indéterminée et des consultations pour nommer un Premier ministre de transition investi des « pleins pouvoirs ». Le casting de la DGSE pour trouver la « bonne tête d’affiche » est en cours.
A peine investi jeudi comme président intérimaire du Mali, Dioncounda Traoré a d’emblée menacé d’une « guerre totale et implacable » le MNLA, confondu avec Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique), les trafiquants de drogue, les preneurs d’otages. « J’ai conscience d’être président d’un pays en guerre… Je jure devant Dieu et le
peuple malien de préserver… l’intégrité du territoire du Mali ».
L’armée malienne étant déconfite et humiliée par le MNLA, la CEDEAO envisage l’envoi d’une force militaire régionale, encourragée par les français qui ont déjà promis un soutien logistique par la voix d’Alain Juppé.
Un ex-officier du renseignement militaire, Eric Denécé du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R) a résumé la stratégie des prochaines opérations dans l’Azawad :
« Qu’elle soit conduite, avec l’appui des Occidentaux, par l’armée malienne ou par une force de l’Union africaine, elle peut se faire sans grande difficulté dans les tous prochains mois. Dans une zone à ce point désertique, il suffit de reprendre et tenir les villes… Gao, Tombouctou, Kidal et Tessalit. En face, il y aura des miliciens certes aguerris, mais dotés de moyens légers et plus redoutés pour leur mobilité que pour leur aptitude au combat urbain, et guère soutenus par les populations locales. Cela posé, on refoulera vers le désert des bandes sorties de l’aventure renforcées en armes, en moyens de transports, en effectifs et en ressources financières… Aqmi et Ansar ed-Dine s’inscriront durablement dans le paysage comme des éléments perturbateurs. » (L’Express du 11/04/2012)
Il rappelle aussi la sempiternelle menace du risque de contagion et d’enlisement.
« La question se pose non seulement pour le Niger, mais aussi pour l’Algérie et la Mauritanie. Adossée à une revendication ancienne, la question touareg appelle une solution politique… on peut s’orienter soit vers un durcissement, soit vers le compromis ».
Cette rengaine de contagion d’indépendance est catégoriquement balayée par le député et Amenokal de Tamanrasset, Ahmed Idaber :
« Il faut savoir que nous n’avons pas les mêmes objectifs ni les mêmes revendications que les Touareg maliens. Nous, Algériens, aurions pu avoir l’indépendance sans guerre ni sang, mais nous l’avons rejetée. En 1959, le général de Gaulle avait tenté de convaincre mon oncle, l’Amenokal Hadj Moussa Akhamokh en France dans la kheïma des Touareg, d’avoir l’autonomie. A ce jour, nous refusons encore cette idée… Les Touareg maliens, nigériens ou algériens connaissent leurs frontières. Elles sont tracées depuis des siècles. Chacun de nous connaît ses limites. » (El Watan du 13/04/2012)
Le DRS algérien gère l’Azawad en vase clos
A force de brouiller, depuis plusieurs années, les cartes du renseignement, d’infiltration et de manipulation, le Département renseignement et sécurité (DRS) est dépassé par le sens et l’initiative des réalités au Sahel. Il développe une diplomatie parallèle et fait cavalier seul, sans informer le gouvernement, d’autres institutions de l’Etat et la presse. Les militaires et gendarmes algériens massés aux postes frontaliers ne sont pas briefés sur ce qui se passe réellement derrière leurs lignes.
Les propres agents du DRS sur le terrain ne sont pas correctement informés. Comme ces diplomates enlevés au consulat de Gao, qui auraient du quitter la ville avec leur famille dès le déclenchement des hostilités. Un officier du MNLA confie au journal El Watan :
« Nous avions pris attache avec le consul [de Gao] avant même d’entrer dans la ville. Nous lui avons demandé de partir et de rapatrier les familles. Il nous a dit qu’il attendait les réponses d’Alger. »
Les dirigeants du MNLA ont tenu à « mouiller publiquement » les généraux, en faisant savoir que le lancement de cette grande offensive militaire, a été décidé après avoir obtenu des garanties des pays voisins, en particulier du DRS, seul interlocuteur algérien des rebelles touarègues.
Bilal Ag chérif, secrétaire général du MNLA, a déclaré le 2 mars 2012 :
« La position du peuple Azawad est claire, l’unité territoriale du Mali n’est qu’une illusion qui dure depuis l’indépendance, il y a 50 ans… Nous avons précédemment soulevé des rapports explicatifs aux autorités algériennes et aux gouvernements des pays voisins ».
Mossa Ag Attaher, chargé de communication du MNLA, a également révélé :
« Lors de la création du mouvement, il y a plus d’un an, nous avons pris attache avec les Etats voisins, notamment le Burkina-Faso, l’Algérie, la Mauritanie et le Niger. Nous leur avons signifié notre volonté d’obtenir l’autodétermination pour l’Azawad. Depuis, nous avons enrichi nos relations avec eux. Ces pays sont au courant de nos actions et de nos revendications. »
Les chefs rebelles touarègues du Mali sont nettement reconnaissables avec leurs chèches et leurs statures, à bord des avions d’Air Algérie lorsqu’ils effectuent leurs allées et venues à Alger, et n’hésitent pas à en informer leurs proches. Les combattants touaregs se font soigner dans les hôpitaux algériens. Les officiers supérieurs du DRS en poste à Tombouctou, Gao, Kidal, Borj Baji Mokhtar, Tamanrasset, ont noués des liens très étroits, depuis plusieurs années, avec les notables locaux devenus, au fil du temps, leurs amis.
Les généraux du DRS sont en contact permanents avec les colonels du MNLA et suivent les opérations militaires au jour le jour. Comme celle des 17 officiers formateurs algériens évacués de la base d’Amachache à Tessalit, quelques heures avant l’assaut du MNLA. C’est le général Toufik, patron du DRS, qui a géré en personne l’évacuation, par téléphone satellitaire, comme l’a révélé le commandant Moussa Ag Ahmed :
« Nous avions demandé aux autorités algériennes… de rapatrier ses ressortissants et ses diplomates. Nous l’avions fait lorsque nous étions sur le point d’attaquer les campements militaires de Tessalit. Nous avions même pris attache avec un haut responsable militaire pour lui demander d’évacuer les militaires qui étaient sur place dans le cadre d’une formation avec l’armée malienne. Deux hélicoptères étaient venus les rapatrier alors que la ville était déjà encerclée. » (El Watan du 06-04-2012)
Le DRS porte préjudice au noble combat touareg en ne réagissant pas énergiquement aux désinformations malveillantes de l’AFP qui mélange tout à dessein de nuire au MNLA. La grave désinformation de l’AFP et RFI émane depuis 15 ans du même correspondant de Bamako, le béninois Serge Daniel Gbogbohoundada, qui a notamment dénoncé un « massacre imaginaire » de soldats maliens à Aguelhoc, et s’invente des infos émanant « d’un habitant joint par téléphone (?) ». Ces intox ont provoqué des pogroms contre les Touaregs et Arabes du Mali. Pour cette faute professionnelle, il n’est plus crédible et aurait dû être révoqué.
Mokhtar Belmokhtar, dit Le Borgne, et ses acolytes sont des Algériens. Iyad ag Ghali est un agent triple (DRS, DGSE, services maliens). Ses mercenaires d’Ansar Addine viennent de tous les pays du Sahel. L’AFP signale même la présence d’un groupe du Nigeria Boko Haram à Gao (?), que personne ne peut vérifier.
Les sites Maghreb Intelligence et Sahel Intelligence, créés par les services secrets marocains, portent des accusations de compromission très négative entre le DRS et les groupes terroristes. Ils s’interrogent notamment sur le rôle des Algériens dans la création du « nouveau mouvement, Ansar Addine, dirigé par Iyad ag Ghali, surgi de nulle part en Mars, alors que l’action armée du MNLA est déjà engagée depuis le 17 janvier ».
Le MNLA a condamné par un communiqué ce battage médiatique de désinformation nuisible, orchestré par l’AFP, sur la présence de personnes étrangères à l’Azawad et à son combat pour l’indépendance.
Les militaires du DRS doivent passer la main aux politiciens civils qualifiés et chevronnés pour gérer avec fermeté l’activisme diplomatique nécessaire sur ce dossier brûlant de l’Azawad. Veiller au respect des constantes algériennes sur le respect de l’autodétermination des peuples, l’opposition à toute ingérence étrangère et la sauvegarde des intérêts suprêmes de l’Algérie et de ses relations de bon voisinage.
L’historien Pierre Boilley, spécialiste du Sahel, relève avec ironie le manque d’initiative du gouvernement algérien assimilé à un « rôle passif » :
« D’un point de vue politique, l’Algérie reste très passive, comme si elle attendait de voir la suite des événements avant de se prononcer. En cas d’obtention de l’indépendance de l’Azawad, l’Algérie pourra dire qu’elle n’a pas contré le MNLA… En cas d’échec, elle pourra se présenter comme non solidaire du mouvement, ou faire office de médiateur, rôle qu’elle a déjà joué… Tout se passe comme si l’Algérie laissait faire pour savoir sur qui elle pourra avoir le plus d’influence, afin de tirer le maximum d’opportunités le moment venu ».
L’Algérie doit à présent jouer pleinement son rôle majeur et décisif de puissance régionale pour écarter toute intervention militaire, de la CEDEAO ou de la France, à ses frontières et imposer un règlement politique au problème de l’Azawad, en préservant strictement ses intérêts vitaux de paix et de sécurité au Sahara.
Saâd Lounès, 16 Avril 2012
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