«J’ai peur pour mon peuple» - Actualité - El Watan
Rencontre du troisième type, aussi insolite qu’improbable. Dans la brousse de Tawendert, dans l’extrême Sud, à mi-chemin entre Tinzaouatine et Timiaouine, le leader du groupe Tinariwen bivouaquait en ce vendredi 13, en compagnie du maire de cette ville. Il s’agit pour lui d’un retour au bercail, sur les lieux qui l’ont vu grandir, sur les traces de ses parents tamasheq (Touareg) qui dressaient autrefois leur tente à cet endroit, au milieu de verts pâturages. La gorge nouée, la voix tremblante, il exorcise ses craintes de voir son peuple et l’humanité entière sombrer dans une guerre de «troisième génération».
- Tinariwen réfugié à Timiaouine. Vous avez pensé un jour en arriver là ?
Je me retrouve quand même dans une situation un peu étrange. Je suis réfugié, mais ne me considère pas comme tel pour autant. Je suis d’ici, de père en fils. J’ai grandi de ce côté-ci de la frontière. Ma mère est de Tessalit, au Nord-Mali, mon père de Kel Ahaggar (Touareg de l’Ahaggar, ndlr) : je ne peux pas être un réfugié alors que je suis chez moi. Et je suis très à l’aise ! C’est compliqué comme situation. Tous les membres du groupe Tinariwen sont dispersés dans le
monde, en tournée en Europe, en Asie, en Amérique, je suis le seul à être resté. En 1963, j’ai perdu mon père (assassiné par des militaires maliens) à Tessalit, à 160 kilomètres d’ici où je me trouve. Si je me suis arrêté là, c’est en souvenir de ce temps où mes parents dressaient leur campement à cet endroit.
- Avez-vous une idée de ce qu’éprouvent les réfugiés touareg dans les camps de Timiaouine, de Bordj Badji Mokhtar ?
C’est bizarre de voir «ça».
- Blessant ?
Oui. Un peu. Car pour moi, Tessalit ou Timiaouine, c’est pareil. Pas de différence. Vous savez, je n’aime pas parler de ce genre de trucs.
- C’est pas facile. Les Touareg, c’est une minorité dans le monde ; c’est une communauté pauvre, qui vit dans la brousse. Pourquoi le monde les voit-il aujourd’hui comme un danger ?
Dernière question pour la route, à propos de cet espace imaginaire ou nostalgique qu’est l’Azawad. Un cap vient d’être franchi après plus d’un demi-siècle de lutte armée et politique, celui de la proclamation de l’indépendance de l’Azawad, le 6 avril dernier. C’est un rêve qui se réalise, enfin la «terre promise» ?
Ce n’est pas un rêve. Je n’y crois pas. Ce qui se passe autour de nous est effrayant. Ce que je dis là peut être assimilé à des propos d’un illuminé, mais je ne pense pas que ce soit de bon augure. L’arrivée sur la place de technologies nouvelles, la prolifération des armes, conjuguées à la forte pression que subissent les peuples déclenchent des explosions un peu partout. Je ne suis pas un analyste politique, pas un politicien, mais un artiste. Et j’ai peur.
Le monde tourne mal. Peut-être que ce sont là les signes avant-coureurs d’une troisième guerre mondiale, qui sait ? Et toi, t’en penses quoi ? (rires) Une chose est certaine : là où je me trouve en ce moment je suis, wallah, très à l’aise, et je le resterai encore quand bien même le monde entier m’assiégerait.
Je me retrouve quand même dans une situation un peu étrange. Je suis réfugié, mais ne me considère pas comme tel pour autant. Je suis d’ici, de père en fils. J’ai grandi de ce côté-ci de la frontière. Ma mère est de Tessalit, au Nord-Mali, mon père de Kel Ahaggar (Touareg de l’Ahaggar, ndlr) : je ne peux pas être un réfugié alors que je suis chez moi. Et je suis très à l’aise ! C’est compliqué comme situation. Tous les membres du groupe Tinariwen sont dispersés dans le
monde, en tournée en Europe, en Asie, en Amérique, je suis le seul à être resté. En 1963, j’ai perdu mon père (assassiné par des militaires maliens) à Tessalit, à 160 kilomètres d’ici où je me trouve. Si je me suis arrêté là, c’est en souvenir de ce temps où mes parents dressaient leur campement à cet endroit.
- Avez-vous une idée de ce qu’éprouvent les réfugiés touareg dans les camps de Timiaouine, de Bordj Badji Mokhtar ?
C’est bizarre de voir «ça».
- Blessant ?
Oui. Un peu. Car pour moi, Tessalit ou Timiaouine, c’est pareil. Pas de différence. Vous savez, je n’aime pas parler de ce genre de trucs.
- C’est pas facile. Les Touareg, c’est une minorité dans le monde ; c’est une communauté pauvre, qui vit dans la brousse. Pourquoi le monde les voit-il aujourd’hui comme un danger ?
Dernière question pour la route, à propos de cet espace imaginaire ou nostalgique qu’est l’Azawad. Un cap vient d’être franchi après plus d’un demi-siècle de lutte armée et politique, celui de la proclamation de l’indépendance de l’Azawad, le 6 avril dernier. C’est un rêve qui se réalise, enfin la «terre promise» ?
Ce n’est pas un rêve. Je n’y crois pas. Ce qui se passe autour de nous est effrayant. Ce que je dis là peut être assimilé à des propos d’un illuminé, mais je ne pense pas que ce soit de bon augure. L’arrivée sur la place de technologies nouvelles, la prolifération des armes, conjuguées à la forte pression que subissent les peuples déclenchent des explosions un peu partout. Je ne suis pas un analyste politique, pas un politicien, mais un artiste. Et j’ai peur.
Le monde tourne mal. Peut-être que ce sont là les signes avant-coureurs d’une troisième guerre mondiale, qui sait ? Et toi, t’en penses quoi ? (rires) Une chose est certaine : là où je me trouve en ce moment je suis, wallah, très à l’aise, et je le resterai encore quand bien même le monde entier m’assiégerait.
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