Quelle sortie pour la crise malienne ?
le 04.08.12 | 10h00 1 réaction
Le spectre de la crise politique et sécuritaire malienne ne cesse de prendre des dimensions préoccupantes à l’échelle sous-régionale, régionale et internationale.
A cet effet, deux organisations sous-régionales, en l’occurrence les pays du champ et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest s’attellent avec force et intérêt à trouver une solution urgente afin d’endiguer les retombées désastreuses de cette crise, rétablir l’ordre, la stabilité et la sécurité dans ce pays.
Abstraction faite des arguments de chacune des deux organisations, les approches préconisées — l’option politique négociée et l’option de l’intervention militaire — demeurent ostensiblement divergentes, compte tenu de la complexité de cette crise, connue pour sa nature récurrente et davantage inextricable à cause de la présence dominante des groupes terroristes (salafistes)
La gestion de la crise libyenne s’est appuyée sur la pratique de la violence pour sa résolution, et d’une rébellion touareg sécessionniste et solidement armée qualifiée de «conflit armée non international», cette fois-ci ! Cette situation sera davantage aggravée par une crise politique interne, suite au coup d’Etat militaire du 22 mars 2012, qui avait laminé l’ensemble des institutions gouvernementales et éliminé toute référence de l’Etat malien à même de prendre des décisions d’intérêt national, ouvrant ainsi la voie aux scénarios les plus sombres par ses dégâts collatéraux. Présentement, la situation au nord du Mali se caractérise par la présence de menaces diffuses, l’activisme de groupes terroristes disparates et autre phalange armée irrédentiste sous la bannière du MNLA, en sus de la quantité d’armes de guerre sophistiquées libyennes qui y circulent.
Cette situation de conflit violente peut conduire à l’embrasement de toute la région du Sahel, déjà en ébullition. En effet, par sa nature hostile et peu peuplé, le Sahel est un espace géographique vaste, difficile à contrôler et à défendre. Il est devenu aujourd’hui un théâtre ouvert aux diverses activités inhérentes au terrorisme, à la criminalité transfrontalière, en sus d’un certain nombre de dynamiques «crisogènes» à même de provoquer l’échec des équilibres sécuritaires, déjà fragilisés. Le Sahel est aussi un espace économique, sécuritaire et culturel qui, par son importance, se place au centre des intérêts géostratégiques des grandes puissances, notamment la France, les USA et la Chine. De fait, l’instabilité de cet espace ouvre la voie inévitablement à leur ingérence, sous diverses formes.
L’option de l’intervention militaire
La Cedeao s’obstine à vouloir guerroyer au nord du Mali, elle est suivie dans sa logique de guerre par l’Union européenne sous l’égide de la France. L’Union africaine, à son tour, reprend de l’initiative et soumet avec insistance le dossier malien à l’ONU en vue d’obtenir la couverture de la communauté internationale pour une intervention militaire. Le dossier, du reste jugé imprécis, est rejeté par le Conseil de sécurité. L’option militaire, pour répondre à la crise malienne, est inappropriée, car les exactions commises contre les populations locales sont loin des conflits armés qu’a connus l’Afrique de l’Ouest, notamment au Liberia, en Sierra Leone, au Togo, en Guinée et en Casamance, où les crises sociopolitiques avaient, par leur intensité désastreuse et meurtrière, mobilisé l’opinion de la communauté internationale.
Le volume du contingent de la force opérationnelle multinationale baptisée «Micema», prédestinée par la Cedeao (33 000 hommes : brigade de force africaine en attente) pour une éventuelle intervention dans le conflit du Mali comporte une série de carences à même de motiver l’échec de l’option préconisée :
- 1- Nature de l’adversaire
Le nord du Mali est totalement contrôlé par une milice hybride solidement armée et aguerrie. Elle se compose de la rébellion Azawad et des groupes terroristes disparates et singulièrement sectaires. Ces derniers sévissent dans un milieu coreligionnaire présentement non hostile.
L’AQMI et le MUJAO s’appuient sur leurs acolytes d’Ansar Eddine, originaires de la région, pour tisser des liens d’allégeance de la population locale à leur cause. Ils bénéficient aussi de la situation de précarité sociale et du chômage qui y règne pour appâter et embrigader dans leurs rangs les jeunes désœuvrés et désespérés. L’absence d’un gouvernement de consensus national composé de personnalités jouissant d’une large représentativité au sein du peuple malien, compromet largement l’accomplissement de la Micema de la Cedeao.
-2- Nature de la mission
Le contexte du conflit malien, compte tenu de sa dangerosité, nécessite la mise en œuvre d’une opération de restauration de la paix ou d’imposition de la paix, selon l’évaluation de la situation. Ces types d’opérations sont sujets à une résolution du Conseil de sécurité, car fondées sur son chapitre 7. A cause de leur caractère coercitif et dangereux, ces opérations nécessitent un effectif important et des structures mieux adaptées aux besoins des opérations militaires dans ce type de conflit.
Ayant mandat pour créer les conditions de paix, les soldats du contingent multinational sont autorisés à recourir à la force dans certaines conditions nécessaires à l’accomplissement de leur mission. Ainsi, le contingent multinational mobilisé par la Cedeao est loin de répondre à ces impératifs, en sus de la réaction imprévisible de la population locale qui constitue l’ancrage social de la rébellion Azawad et coreligionnaire aux groupes armés qui y sévissent.
-3- Objectif stratégique de la mission
L’intervention du contingent multinational (Micema) de la Cedeao consistera certainement à neutraliser la rébellion, libérer et assurer le contrôle de la région Nord du Mali, et enfin concrétiser un maillage sécuritaire en mesure de permettre la restauration de l’Etat malien par la mise en place de structures politico-administratives. Cet objectif implique une stratégie intégrale, coûteuse et de longue durée, excédant ainsi les possibilités de la Cedeao et ouvrant la voie à l’ingérence des puissances étrangères.
-4- Zone d’évolution (théâtre des opérations)
Le contingent multinational — fort de 33 000 hommes — mobilisé par la Cedeao est un sous-groupement de forces de niveau tactique, dont les capacités opérationnelles sont largement insuffisantes par rapport à la zone d’évolution d’environ (822 000 km2), occupée par les groupes terroristes et la rébellion Azawad armée, même si le contingent est engagé en appoint au reste de l’armée malienne sous-équipée.
-5- Reliefs propices aux actions de harcèlement terroristes
Le nord du Mali s’inscrit dans un espace géographique propice au camouflage de petits groupes mobiles, il leur offre une multitude de refuges (canyons, grottes, rochers en surplomb) et leur fournit des sites de repli quasiment inexpugnables.
La région montagneuse du Timétrine, au nord-ouest de l’Adrar des Ifoghas, est un véritable sanctuaire dédié aux groupes terroristes, où la reconnaissance aérienne devient aléatoire, et l’approche discrète des unités militaire est considérablement difficile à cause des points hauts qui offrent d’excellents postes d’observation et de détection lointaine de tout mouvement suspect.
Les risques de l’échec
Le mode opératoire des groupes terroristes est basé sur un système éclaté et flexible, tout en restant relié à une interface avec le noyau central. Le recours à ce concept opératoire leur permet de retourner l’asymétrie de la force en leur faveur, tout en évitant les pertes lourdes de leur effectif restreint. L’efficacité de ce mode opératoire de guérilla réside dans l’autonomie et l’initiative de prise de décision pour l’action des petits groupes difficiles à repérer et à neutraliser. Ces actions de harcèlement et d’usure constituent leur force de nuisance et leur permet d’étendre leurs activités sur toute la zone d’évolution aussi vaste soit elle et surtout chez les pays voisins, menaçant ainsi le Sahel d’embrasement général. A ce titre, le contingent multinational en appoint à ce qui reste de l’armée malienne, éparpillé dans cette vaste région sera certainement exposé aux rudes opérations de guérilla menées par des petits groupes terroristes solidement armés et bien aguerris qui gagent la victoire sur le facteur temps.
Compte tenu des difficultés énumérées, l’option de l’intervention militaire au Mali comporte les risques d’un échec certain, pouvant faire glisser la sous-région, et par contagion toute la région, dans une situation d’instabilité extrêmement périlleuse pour une longue durée (somalisation du Mali et afghanisation de la sous-région) et ouvrir la voie à l’ingérence étrangère.
L’option d’une solution politique négociée
Puissance géopolitique, économique et militaire régionale, jouissant d’une riche expérience diplomatique dans le règlement de la «question Azawad», l’Algérie qui partage 1376 km de frontière terrestre avec le Mali, demeure le médiateur incontournable pour un dénouement politique de la crise, car elle dispose de cartes maîtresses pour la juguler. L’option de la solution politique négociée est aussi préconisée par les pays du champ, sous l’égide de l’Algérie, qui rejettent toute tentative d’intervention militaire étrangère, pour des raisons opérationnelles évidentes. Il est à ajouter que l’Algérie a toujours œuvré pour la création d’un épistémê sécuritaire au Sahel, avec une logique de coordination régionale et refuse toute ingérence étrangère. Toutefois, l’option véhémentement défendue par l’Algérie reste hypothétique, compte tenu des réactions de l’intérieur malien et internationales, qui placent les menaces de la crise dans une dimension à même de remettre en cause les appuis de l’Algérie dans la région, en sus de données effectives ci-après qui œuvrent pour faire banqueroute à cette option, je cite :
- La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), réunie à Abidjan le 27 mars 2012, a nommé le président du Burkina Faso médiateur dans la crise malienne, ce qui éloigne l’Algérie du rôle qu’elle est habituellement rompue à exercer ;
- La rébellion nuance son choix : «Nous ne voulons plus rééditer les accords signés à l’issue des rebellions des années 1960, 1990 et 2000 (…)». L’appel est lancé aux pays qui ont de l’influence sur la région, allusion certainement faite aux démarches précédentes qui se sont soldées invariablement par des actes de paix éphémères (médiation algérienne mise en cause !) ;
- L’absence d’une autorité consensuelle de transition pouvant représenter le peuple malien dans une démarche de négociations avec ceux qui ont des revendications légitimes ;
- Le nord du Mali est totalement occupé et contrôlé par des groupes terroristes (AQMI, Ansar Eddine et le MUJAO). Cet état de fait exclut toute tentative de négociation et n’augure rien de bon en perspective ; l’Algérie peut-elle se désengager d’un conflit qui se déroule à ses frontières ? Rester dans l’expectative en jouant au dilatoire, c’est accepter un rôle d’observateur et exposer la sécurité nationale aux risques incalculables. Un dénouement heureux sans elle porterait atteinte à son statut de puissance régionale influente, tandis qu’une évolution catastrophique pèserait particulièrement sur sa stabilité et sa sécurité.
Dans le contexte actuel, l’Algérie, pivot central dans le règlement de «la question Azawad», se dressera fermement contre toute tentative de sa mise à l’écart, car les retombées du conflit qui subsiste à ses frontières sont multiples et lourdes de conséquences.
Bendjana Benaoumeur. Ancien officier de l’ANP
Abstraction faite des arguments de chacune des deux organisations, les approches préconisées — l’option politique négociée et l’option de l’intervention militaire — demeurent ostensiblement divergentes, compte tenu de la complexité de cette crise, connue pour sa nature récurrente et davantage inextricable à cause de la présence dominante des groupes terroristes (salafistes)
La gestion de la crise libyenne s’est appuyée sur la pratique de la violence pour sa résolution, et d’une rébellion touareg sécessionniste et solidement armée qualifiée de «conflit armée non international», cette fois-ci ! Cette situation sera davantage aggravée par une crise politique interne, suite au coup d’Etat militaire du 22 mars 2012, qui avait laminé l’ensemble des institutions gouvernementales et éliminé toute référence de l’Etat malien à même de prendre des décisions d’intérêt national, ouvrant ainsi la voie aux scénarios les plus sombres par ses dégâts collatéraux. Présentement, la situation au nord du Mali se caractérise par la présence de menaces diffuses, l’activisme de groupes terroristes disparates et autre phalange armée irrédentiste sous la bannière du MNLA, en sus de la quantité d’armes de guerre sophistiquées libyennes qui y circulent.
Cette situation de conflit violente peut conduire à l’embrasement de toute la région du Sahel, déjà en ébullition. En effet, par sa nature hostile et peu peuplé, le Sahel est un espace géographique vaste, difficile à contrôler et à défendre. Il est devenu aujourd’hui un théâtre ouvert aux diverses activités inhérentes au terrorisme, à la criminalité transfrontalière, en sus d’un certain nombre de dynamiques «crisogènes» à même de provoquer l’échec des équilibres sécuritaires, déjà fragilisés. Le Sahel est aussi un espace économique, sécuritaire et culturel qui, par son importance, se place au centre des intérêts géostratégiques des grandes puissances, notamment la France, les USA et la Chine. De fait, l’instabilité de cet espace ouvre la voie inévitablement à leur ingérence, sous diverses formes.
L’option de l’intervention militaire
La Cedeao s’obstine à vouloir guerroyer au nord du Mali, elle est suivie dans sa logique de guerre par l’Union européenne sous l’égide de la France. L’Union africaine, à son tour, reprend de l’initiative et soumet avec insistance le dossier malien à l’ONU en vue d’obtenir la couverture de la communauté internationale pour une intervention militaire. Le dossier, du reste jugé imprécis, est rejeté par le Conseil de sécurité. L’option militaire, pour répondre à la crise malienne, est inappropriée, car les exactions commises contre les populations locales sont loin des conflits armés qu’a connus l’Afrique de l’Ouest, notamment au Liberia, en Sierra Leone, au Togo, en Guinée et en Casamance, où les crises sociopolitiques avaient, par leur intensité désastreuse et meurtrière, mobilisé l’opinion de la communauté internationale.
Le volume du contingent de la force opérationnelle multinationale baptisée «Micema», prédestinée par la Cedeao (33 000 hommes : brigade de force africaine en attente) pour une éventuelle intervention dans le conflit du Mali comporte une série de carences à même de motiver l’échec de l’option préconisée :
- 1- Nature de l’adversaire
Le nord du Mali est totalement contrôlé par une milice hybride solidement armée et aguerrie. Elle se compose de la rébellion Azawad et des groupes terroristes disparates et singulièrement sectaires. Ces derniers sévissent dans un milieu coreligionnaire présentement non hostile.
L’AQMI et le MUJAO s’appuient sur leurs acolytes d’Ansar Eddine, originaires de la région, pour tisser des liens d’allégeance de la population locale à leur cause. Ils bénéficient aussi de la situation de précarité sociale et du chômage qui y règne pour appâter et embrigader dans leurs rangs les jeunes désœuvrés et désespérés. L’absence d’un gouvernement de consensus national composé de personnalités jouissant d’une large représentativité au sein du peuple malien, compromet largement l’accomplissement de la Micema de la Cedeao.
-2- Nature de la mission
Le contexte du conflit malien, compte tenu de sa dangerosité, nécessite la mise en œuvre d’une opération de restauration de la paix ou d’imposition de la paix, selon l’évaluation de la situation. Ces types d’opérations sont sujets à une résolution du Conseil de sécurité, car fondées sur son chapitre 7. A cause de leur caractère coercitif et dangereux, ces opérations nécessitent un effectif important et des structures mieux adaptées aux besoins des opérations militaires dans ce type de conflit.
Ayant mandat pour créer les conditions de paix, les soldats du contingent multinational sont autorisés à recourir à la force dans certaines conditions nécessaires à l’accomplissement de leur mission. Ainsi, le contingent multinational mobilisé par la Cedeao est loin de répondre à ces impératifs, en sus de la réaction imprévisible de la population locale qui constitue l’ancrage social de la rébellion Azawad et coreligionnaire aux groupes armés qui y sévissent.
-3- Objectif stratégique de la mission
L’intervention du contingent multinational (Micema) de la Cedeao consistera certainement à neutraliser la rébellion, libérer et assurer le contrôle de la région Nord du Mali, et enfin concrétiser un maillage sécuritaire en mesure de permettre la restauration de l’Etat malien par la mise en place de structures politico-administratives. Cet objectif implique une stratégie intégrale, coûteuse et de longue durée, excédant ainsi les possibilités de la Cedeao et ouvrant la voie à l’ingérence des puissances étrangères.
-4- Zone d’évolution (théâtre des opérations)
Le contingent multinational — fort de 33 000 hommes — mobilisé par la Cedeao est un sous-groupement de forces de niveau tactique, dont les capacités opérationnelles sont largement insuffisantes par rapport à la zone d’évolution d’environ (822 000 km2), occupée par les groupes terroristes et la rébellion Azawad armée, même si le contingent est engagé en appoint au reste de l’armée malienne sous-équipée.
-5- Reliefs propices aux actions de harcèlement terroristes
Le nord du Mali s’inscrit dans un espace géographique propice au camouflage de petits groupes mobiles, il leur offre une multitude de refuges (canyons, grottes, rochers en surplomb) et leur fournit des sites de repli quasiment inexpugnables.
La région montagneuse du Timétrine, au nord-ouest de l’Adrar des Ifoghas, est un véritable sanctuaire dédié aux groupes terroristes, où la reconnaissance aérienne devient aléatoire, et l’approche discrète des unités militaire est considérablement difficile à cause des points hauts qui offrent d’excellents postes d’observation et de détection lointaine de tout mouvement suspect.
Les risques de l’échec
Le mode opératoire des groupes terroristes est basé sur un système éclaté et flexible, tout en restant relié à une interface avec le noyau central. Le recours à ce concept opératoire leur permet de retourner l’asymétrie de la force en leur faveur, tout en évitant les pertes lourdes de leur effectif restreint. L’efficacité de ce mode opératoire de guérilla réside dans l’autonomie et l’initiative de prise de décision pour l’action des petits groupes difficiles à repérer et à neutraliser. Ces actions de harcèlement et d’usure constituent leur force de nuisance et leur permet d’étendre leurs activités sur toute la zone d’évolution aussi vaste soit elle et surtout chez les pays voisins, menaçant ainsi le Sahel d’embrasement général. A ce titre, le contingent multinational en appoint à ce qui reste de l’armée malienne, éparpillé dans cette vaste région sera certainement exposé aux rudes opérations de guérilla menées par des petits groupes terroristes solidement armés et bien aguerris qui gagent la victoire sur le facteur temps.
Compte tenu des difficultés énumérées, l’option de l’intervention militaire au Mali comporte les risques d’un échec certain, pouvant faire glisser la sous-région, et par contagion toute la région, dans une situation d’instabilité extrêmement périlleuse pour une longue durée (somalisation du Mali et afghanisation de la sous-région) et ouvrir la voie à l’ingérence étrangère.
L’option d’une solution politique négociée
Puissance géopolitique, économique et militaire régionale, jouissant d’une riche expérience diplomatique dans le règlement de la «question Azawad», l’Algérie qui partage 1376 km de frontière terrestre avec le Mali, demeure le médiateur incontournable pour un dénouement politique de la crise, car elle dispose de cartes maîtresses pour la juguler. L’option de la solution politique négociée est aussi préconisée par les pays du champ, sous l’égide de l’Algérie, qui rejettent toute tentative d’intervention militaire étrangère, pour des raisons opérationnelles évidentes. Il est à ajouter que l’Algérie a toujours œuvré pour la création d’un épistémê sécuritaire au Sahel, avec une logique de coordination régionale et refuse toute ingérence étrangère. Toutefois, l’option véhémentement défendue par l’Algérie reste hypothétique, compte tenu des réactions de l’intérieur malien et internationales, qui placent les menaces de la crise dans une dimension à même de remettre en cause les appuis de l’Algérie dans la région, en sus de données effectives ci-après qui œuvrent pour faire banqueroute à cette option, je cite :
- La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), réunie à Abidjan le 27 mars 2012, a nommé le président du Burkina Faso médiateur dans la crise malienne, ce qui éloigne l’Algérie du rôle qu’elle est habituellement rompue à exercer ;
- La rébellion nuance son choix : «Nous ne voulons plus rééditer les accords signés à l’issue des rebellions des années 1960, 1990 et 2000 (…)». L’appel est lancé aux pays qui ont de l’influence sur la région, allusion certainement faite aux démarches précédentes qui se sont soldées invariablement par des actes de paix éphémères (médiation algérienne mise en cause !) ;
- L’absence d’une autorité consensuelle de transition pouvant représenter le peuple malien dans une démarche de négociations avec ceux qui ont des revendications légitimes ;
- Le nord du Mali est totalement occupé et contrôlé par des groupes terroristes (AQMI, Ansar Eddine et le MUJAO). Cet état de fait exclut toute tentative de négociation et n’augure rien de bon en perspective ; l’Algérie peut-elle se désengager d’un conflit qui se déroule à ses frontières ? Rester dans l’expectative en jouant au dilatoire, c’est accepter un rôle d’observateur et exposer la sécurité nationale aux risques incalculables. Un dénouement heureux sans elle porterait atteinte à son statut de puissance régionale influente, tandis qu’une évolution catastrophique pèserait particulièrement sur sa stabilité et sa sécurité.
Dans le contexte actuel, l’Algérie, pivot central dans le règlement de «la question Azawad», se dressera fermement contre toute tentative de sa mise à l’écart, car les retombées du conflit qui subsiste à ses frontières sont multiples et lourdes de conséquences.
Bendjana Benaoumeur. Ancien officier de l’ANP
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