L’honorable Lanceni Balla Kéita à propos du gouvernement : « En s’effaçant devant le PM, Dioncounda finira par affaiblir la classe politique »
Que pensez-vous du nouveau gouvernement formé le 20 août dernier?Lanceni Balla Kéita: Je trouve que ce gouvernement n’est pas d’union nationale, du fait de ses conditions de mise en place.
D’abord, les regroupements politiques ont été laissés comme on pouvait s’y attendre depuis le »one man show » du Premier ministre à l’occasion de ses 100 jours. Il a laissé entendre qu’il avait le meilleur gouvernement depuis l’indépendance du Mali. Nous avons interprété cela comme sa ferme détermination à ne pas changer « une équipe qui gagne ».
Ceci explique sa prédominance dans les rapports de force quant à la mise en place du gouvernement d’union nationale. En effet, il a conservé les 2/3 de ses ministres et a donné la portion congrue aux partis politiques accusés de tous les péchés d’Israël.
Pour moi, face au président de la République par intérim, le chef du Gouvernement a fini par s’imposer. C’est ce que je ne suis pas arrivé à comprendre jusque-là. Une architecture a été annoncée à la classe politique et à la société civile, mais dans la pratique, elle n’a pas été respectée. La faute à qui ? Je ne saurai le dire. Mais notons que le président Dioncounda doit se mettre à hauteur de la mission à lui confiée par les forces vives de la nation, qui se sont mobilisées au prix de leur vie, pour qu’il soit dans cette position.
L’espoir que la communauté internationale a placé en lui, s’effrite de jour en jour, à travers un manque d’autorité face à son Premier ministre, qui a annoncé dès le départ qu’il ne démissionnera pas, et il n’a pas démissionné, en tout cas par rapport à l’information reçue. Aucun communiqué annonçant la démission du Premier ministre n’a été lu sur les ondes nationales.
Pour quelles raisons Dioncounda Traoré l’a-t-il reconduit sans qu’il ne démissionne. A quel jeu le président a-t-il joué contre les principes républicains et contre la classe politique ?
Quelle appréciation faites-vous de la place du président de la transition, Pr Dioncounda Traoré ?
Personnellement, je crois qu’il lui manque la fermeté qu’impose le contexte. Par exemple, tous les principes républicains dans la gestion d’un Gouvernement sont en train d’être violés par le Premier ministre, sans qu’on ne le sente dans les actions du chef de l’Etat.
Il doit être un homme de principe et de courage. Des qualités pour lesquelles l’ADEMA l’a choisi pour être le président de l’Assemblée nationale pour la législature 2007-2012, puis candidat à l’élection présidentielle d’Avril 2012, ensuite, suite aux évènements du 22 Mars, et avec la lutte du Front anti-putsch, président de la transition. Un pouvoir servi sur un plateau d’argent à lui et jusque-là, il n’arrive pas à l’exercer efficacement…
Nous avons noté des nominations successives en catimini de nouveaux -anciens membres du Gouvernement, après la publication de la liste normale du Gouvernement de large ouverture. L’objectif visé est de doubler les postes affectés aux partis politiques et de les empêcher de travailler efficacement. Le constat de tous ces actes et combines a fini par amener les politiques et les observateurs à se poser la question de savoir si Dioncounda est réellement l’homme de la situation.
En se mettant dans cette posture qui accepte tout du Premier ministre, au détriment de la classe politique et des forces vives, le président de la République par intérim finira par affaiblir la classe politique pendant cette période de transition. Il a l’obligation de s’expliquer face à la classe politique malienne par rapport à son manque de réactions.
La politique est avant tout un art d’anticipation. « L’antilope, qui quitte sa mère, a sa peau qui finit toujours sur un tam-tam », disait un proverbe malinké. Et là, la mère antilope, c’est le FDR.
Que pensez-vous de la création d’un ministère des Affaires religieuses et du culte. Est-ce une bonne initiative ?
Vous savez, d’après les chroniqueurs arabes, l’islam est entré dans notre zone géographique depuis 794. C’est pourquoi, nous avons tous des noms musulmans. Les noms authentiques ont presque disparu dans notre pays.
Le roi Kankou Moussa a apporté à la Mecque, au XV ème siècle, plus de 7 tonnes d’or lors de son pèlerinage. Tout cela témoigne de l’enracinement de l’islam dans notre pays. Il s’agit d’un islam tolérant, auquel se juxtaposent quelques formes de croyances locales, telles que l’adoration des tombeaux, le culte des saints, le maraboutisme, qui sont des pratiques très courantes en Afrique de l’ouest.
L’islam a joué de tout temps un rôle capital dans la société. Il régit encore de nos jours la morale, la justice et l’administration générale. A ce titre, il faudra saluer les rôles joués par les responsables religieux de notre pays (islamistes, catholiques, protestants, etc….) dans l’intermédiation avant l’arrivée des rebelles islamistes en Janvier 2012, et en ce moment précis, ou le pays est occupé au 2/3 de son territoire par AQMI et le MUJAO tous islamistes intégristes. Il s’agit de formaliser institutionnellement les rapports entre les religieux et l’Etat. C’est en cela que je comprends le sens de la création d’un tel ministère. C’est un bon créneau de négociations avec les nouveaux occupants des régions du nord.
Le Dr Soumana Sako s’insurge contre cela, en pensant que les pouvoirs publics ont cédé devant l’intégrisme religieux. Non, je ne le crois pas ! C’est ce Ministère qui permet d’éviter cela justement.
Bruno D SEGBEDJI
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