Le rôle trouble joué par Abdelaziz Bouteflika dans la crise malienne inquiète les pays frontaliers qui l'accusent d'avoir laissé les portes de l'Algérie grandes ouvertes aux terroristes de l'"Aqmi" pour des négociations restées secrètes. Hier, vendredi, l’ONU a affirmé avoir pris note des préparatifs militaires initiés par l’organisation ouest-africaine dans le nord du Mali où la présence d'un convoi "humanitaire" algérien soulève moult interrogations à Bamako...
Les terroristes d’Ansar Eddine qui sèment la terreur au nord du Mali, à Tombouctou et à Gao, sont, en majorité des Algériens issus du GSPC de Hassan Hattab que la "Charte pour la paix et la réconciliation nationale" a protégés et leur a permis un redéploiement d’envergure en cette zone stratégique du Sahel. S’attaquer contre l’Aqmi au Nord du Mali cela reviendrait pour Bouteflika à disperser les forces de l’ANP qui seraient ainsi prises sous les feux de deux fronts : le front intérieur où elle peine à débusquer les maquis terroristes de l’Aqmi qui ont prouvé, s’il en est, leurs capacités restées intactes dans la préparation, l’organisation d’attentats kamikazes ciblés au nord et dans les régions frontalières du pays, ayant visé des bases militaires stratégiques.
Sur le front "extérieur", Abdelaziz Bouteflika ne pourrait s’y engager militairement contre ses propres groupes terroristes auxquels il a promis l’impunité au risque de provoquer sur le sol algérien une riposte à grande échelle de l’Aqmi locale. Hésitations, calculs, tergiversations marquent l’attitude de Bouteflika face à une crise malienne dominée par l’occupation de l’immense territoire du Nord Mali par les groupes terroristes de l’algérien Mokhtar Belmokhtar, condamné à mort par contumace par la justice algérienne. Ainsi, l’Algérie, sous l’instigation du premier magistrat du pays, est, présentement, le seul pays limitrophe à s’opposer à une intervention militaire dans le nord alors que la Cédéao et l’opinion internationale se rendent à l’évidence que la solution d’une intervention militaire pour neutraliser Al Qaïda au Maghreb islamique est inévitable et incontournable. De surcroît, comme pour appuyer, voire légitimer ce refus, les portes de l’Algérie ont été les premières à s’ouvrir aux terroristes de l’Aqmi en tant que maîtres actuels du Nord dont Bouteflika cautionne, de fait, le chaos et la terreur qu’ils sèment à Tombouctou et Gao au nom de la chari’a.
En recevant, en juin dernier, les responsables des groupes terroristes du Mujao et d’Ansar Edidine - dont le premier a revendiqué l’attentat kamikaze de Ouargla contre le siège de la gendarmerie et la prise d’otages des diplomates algériens-, pour des entretiens sans la présence des autorités maliennes, sans aviser ces dernières, Abdelaziz Bouteflika sème ainsi le trouble et infléchit les décisions de l'organisation africaine, la Cédéao, dans sa volonté d’envoyer un contingent de leurs armées coalisées au Nord du Mali. Ces entretiens entre Abdelaziz Bouteflika et les deux groupes terroristes affiliés à Al Qaïda au Maghreb islamique sont restés secrets. On ne sait sur quoi les deux parties ont convenu.
Par ailleurs, selon l’information rapportée récemment par l’agence kabyle d’information Siwel qui confirme avoir obtenu ces informations dans les rangs du MNLA et récemment confirmées par le ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, Abdelkader Messahel, l’Etat algérien a envoyé deux convois militaires à destination de Gao et Kidal. Selon le site d'information malien Maliweb, les camions sont remplis de riz, du sucre, de dattes et "d’autres produits non identifiés" et "escortés par plusieurs véhicules militaires composés de soldats et officiers du renseignement algérien vers Kidal et Gao en provenance de Bordj Badji Mokhtar. Maliweb doute de cette livraison "humanitaire" et s’interroge sur ces "marchandises non identifiées" de ce convoi envoyé, souligant également, que l'envoi de ce convoi s'est fait clandestinement, les autorités maliennes n'ayant pas été avisées: "L’Etat malien, observe le site, doit chercher à en savoir plus et interdire ce genre d’opérations, sans le consentement du pays sur son territoire. Surtout venant de la part d’un pays qui fait un double jeu."
Ce "double jeu" mené par Abdelaziz Bouteflika dans la crise malienne - d’une part l’option d’une voie politique "négociée" entre toutes les parties du conflit, de l’autre secourir les victimes d’Ansar Eddine par l’envoi supposé d’aides humanitaires -, a plus qu’irrité les pays occidentaux comme la France qui a mené des pressions diplomatiques sur Alger dans un contexte qui en accroît les effets, celui du cinquantenaire de l’indépendance du pays. Dans son discours à la nation, à l’occasion de la fête nationale du 14 juillet, le président de la République française, François Hollande a estimé, à juste titre, qu'Al Qaïda au Maghreb islamique comme le danger principal dans la situation du Mali et en Afrique, en Méditerranée et dans le monde. La venue de son ministre des Affaires étrangères, après le 5 juillet, n’a pas eu d’autres missions que de persuader Alger d’abandonner la voie du dialogue pour une option militaire dans la région. Coup dur pour Abdelaziz Bouteflika de se voir taclé par un ministre de la République française au moment même où les dossiers brûlants de l’ère coloniale se sont rouverts des deux côtés de la Méditerranée.
Mais, aux tergiversations d'Abdelaziz Bouteflika, le retour de Dioncounda Traoré au Mali après un séjour en France pour des soins, sans transiter par Alger, consulter son ami d'El mouradia qui n’est pas ainsi consulté dans la résorption politique à Bamako, semble changer la donne et risque de mettre le dialoguiste algérien avec Ansar Eddine sur le banc de touche. Depuis son retour le 27 juillet dernier à Bamako, le président de la République par intérim, Dioncounda Traoré, a entamé des consultations en vue de former un gouvernement d’union nationale. les Maliens attendent impatiemment cette équipe gouvernementale et l’option militaire se dessine enfin dans sa dimension africaine contre "Al Qaïda au Maghreb islamique".
Certes, le médiateur de la Cédéao, le ministre burkinabé des Affaires étrangères, Djibril Bassolé, a rencontré les dirigeants du Mujao (Mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'Ouest), dans la ville de Gao et des responsables d'Ansar Dine qui a des liens avec Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), à Kidal. Sans résultats probants puisque, hier, vendredi, dans un communiqué lu aux médias par le représentant permanent de la France auprès de l’ONU qui occupe la présidence tournante du Conseil pour le mois d’août, les membres de l’organe exécutif de l’ONU affirment "prendre note des préparatifs militaires initiés par l’organisation ouest-africaine", mais demandent "plus de détails sur les modalités de financement d’une éventuelle mission".
L’Algérie sera-t-elle isolée au sein de la Cédéao après s’y être affirmée comme un "partenaire incontournable" ? Pourtant, dans son intervention à la réunion ordinaire du Conseil des chefs d’états-majors des pays membres du "CEMOC", tenue entre les 10 et 11 juillet derniers à Nouakchott en Mauritanie, le général de corps d’armée algérienne, Ahmed Gaid Salah, a déploré les répercussions négatives qu’engendre la crise malienne sur la situation sécuritaire dans la sous-région, soulignant qu’elle "gagnerait à être réglée dans les meilleurs délais possibles afin que nos amis maliens puissent renouer avec la stabilité politique." Ainsi, il paraît de plus en plus clair que la lutte armée africaine contre Al Qaïda au Maghreb islamique et soutenue par des forces d’appui occidentales est urgente d’autant que la Cédéao après avoir subi les contrecoups de la Mauritanie et de l’Algérie opposant leur véto à une intervention militaire semble plus que jamais décidée à l’option des armes.
Abdelaziz Bouteflika se verrait alors le banc de touches et sa rencontre avec les groupes terroristes du Mujao et d’Ansar Eddine pourraient dès lors être vus comme un complot tramé contre les populations autochtones du Nord du Mali. Récemment, la CPI (cour pénale internationale) étudie la qualification d’une plainte des ONG et de la société civile malienne accusant l’Aqmi de "crimes de guerre" auxquels si d’aventure cette qualification est attestée, Abdelaziz Bouteflika pourrait réponde et livrer le secret enfin le secret de ses entretiens avec les groupes terroristes.
R.N.
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