Une intervention militaire au Mali ? Surtout pas ! | Mali Actualités
Il se trouve que je connais assez bien le Mali et l’Afghanistan. Le premier pour avoir passé près de deux ans comme n° 2 de notre ambassade à Bamako et le second pour avoir été, pendant près de quatre ans, chef de la mission diplomatique française à Kaboul, en étant, en même temps, à la tête de l’ambassade d’Arabie Saoudite – l’Arabie ayant confié la défense de ses intérêts à la France, ce qui, j’en conviens, est assez curieux.
Christian Lambert, préfet de Seine-Saint-Denis
Fort de cette expérience, je suis catégorique : surtout pas d’engagement militaire de la France au Mali, surtout pas !
Le nord du Mali est désertique, souvent accidenté, se prêtant admirablement à la guérilla. Les partisans nombreux de l’islam radical ont créé là-bas un deuxième Afghanistan, après l’Afghanistan asiatique, où les Occidentaux ont perdu la guerre – des milliers d’hommes et des milliards de dollars – pour avoir sous-estimé l’intervention du Pakistan qui, depuis le début du conflit, aide puissamment les talibans en leur fournissant l’encadrement, les armes et les sanctuaires de repli…
Qu’on n’aille donc pas recommencer au Mali ! Une intervention militaire dans ce pays, c’est, à coup sûr, l’exécution des six otages français qui y sont détenus, la perte de nombreux militaires avec cérémonie mensuelle aux Invalides, discours du ministre inclus, des crédits considérables perdus, et, à terme, l’hostilité des populations africaines – y compris celles de l’Algérie, toujours prêtes à dénoncer le « colonialisme » français.
La Libye aussi n’est pas loin, qui a beaucoup aidé les Touaregs et les autres, à la suite de l’opération menée l’année dernière à l’issue de laquelle on a éliminé Kadhafi pour gagner le désordre dans tout le Sahel.
Boko Haram, la branche nigériane d’Al Qaïda au Maghreb islamique, montre chaque jour ce qu’elle sait faire et rien ne lui interdit d’agir au Mali.
J’ajoute qu’il ne serait pas difficile aux Maliens, nombreux en France, de se manifester de manière « appropriée » par solidarité avec leurs coreligionnaires du Mali. Le terrorisme est déjà suffisamment menaçant pour qu’on n’aille pas apporter de nouveaux facteurs aggravants.
Alors, dira-t-on, il ne faut rien faire ? Je pense que ce serait le moindre mal. Que les États africains, qui déplorent et dénoncent le chaos actuel et veulent rétablir la paix chez eux, démontrent leur compétence et leur efficacité. À cette fin, donnons-leur les conseils qu’ils pourraient nous demander. N’allons pas plus loin. On verra après.
Une guerre perdue à très grands frais en Afghanistan, voisin de ce Moyen-Orient à feu et à sang, avec risque d’intervention des grandes puissances, c’est déjà un très mauvais bilan. Évitons de l’alourdir encore au Mali par une nouvelle mésaventure africaine !
Christian Lambert, préfet de Seine-Saint-Denis
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