Dimanche, la population s’est mobilisée pour empêcher les djihadistes de couper la main d’un homme accusé de vol. Les jeunes sont exaspérés par les diktats des obscurantistes.
Dans le nord du Mali qu’ils contrôlent depuis quatre mois, les djihadistes peinent à imposer leur ordre moyenâgeux. Dimanche matin, la population de Gao s’est mobilisée pour empêcher les nouveaux maîtres de la ville de couper la main d’un homme accusé de vol. La veille, les hommes du Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) avaient annoncé, à la radio, leur intention d’exécuter en public l’inhumaine sentence. « Ils n’ont pas pu amener le prisonnier sur la place de l’Indépendance pour lui couper la main, a rapporté à l’AFP le responsable d’une ONG locale. Les habitants de Gao ont occupé la place et refusé qu’on coupe la main du voleur », une recrue du Mujao soupçonnée d’avoir subtilisé des armes pour les revendre.L’agression d’un journaliste a attisé la colère
Selon un habitant de la ville, la foule rassemblée place de l’Indépendance a entonné l’hymne national malien, signifiant clairement aux islamistes armés son hostilité à l’application de la charia, la loi islamique. En guise de représailles, les djihadistes, contraints de surseoir à la mutilation du voleur présumé, ont pris pour cible Malick Aliou Maïga, un journaliste de la radio privée Adar Koïma, alors qu’il rendait compte, à l’antenne, de la manifestation. Roué de coups, le journaliste, connu pour son hostilité aux islamistes, a été blessé à la tête, et transféré à l’hôpital. Cette agression a attisé la colère des jeunes de Gao, qui se sont de nouveau rassemblés dimanche dans la soirée, mettant le feu à un véhicule des djihadistes.
Les djihadistes ne sont pas en terrain conquis
Cité dans les colonnes du quotidien malien l’Essor, le chef de la « police islamique » créée par le Mujao, Aliou Touré, justifie l’agression du journaliste : « Il parle très mal de nous à la radio. Il sabote notre travail. Nous avons décidé de lui donner un avertissement. » Le même tente de relativiser la résistance des jeunes de Gao : « En fait, les juges du Mujao n’avaient pas complètement fini leur travail et nous avons reporté l’amputation des mains sur la place publique. L’application de la charia est irrévocable et les jeunes n’y peuvent rien. »
En réalité, les djihadistes savent qu’ils ne sont pas en terrain conquis. Dès le mois de mai, l’émir d’Aqmi, Abdelmalek Droukdel, avait conseillé à ses troupes de n’appliquer que « graduellement » la charia dans le nord du Mali. « Sachez que c’est une erreur d’imposer toutes les règles de l’islam d’un seul coup », avait-il mis en garde dans un message enregistré, relayé par un site mauritanien. Depuis, les châtiments corporels infligés aux couples non mariés, aux consommateurs d’alcool ou aux fumeurs de cigarettes ont nourri la colère des populations. Le 5 juin, à Kidal, des jets de pierres avaient répondu à la violente répression d’une manifestation de femmes par les milices islamistes. Plus récemment, la lapidation à mort d’un couple non marié près d’Aguel’hoc, dans l’extrême nord, le 29 juillet, a soulevé l’indignation. En fait, en voulant frapper les esprits, les djihadistes ont aiguisé l’hostilité d’une jeunesse lassée de leurs diktats. D’où la fronde de dimanche à Gao.
Djibril Bassolé à Gao et Kidal Le ministre burkinabé des Affaires étrangères, Djibril Bassolé, dont le pays conduit la médiation dans la crise malienne, s’est rendu hier dans le nord du Mali, où il a rencontré les islamistes armés qui contrôlent la région. À Gao, il s’est entretenu avec des chefs coutumiers et des représentants des communautés locales mais, officiellement, pas avec le Mujao. Il s’est ensuite rendu à Kidal, où il a été accueilli par Iyad Ag Ghaly, le chef du groupe islamiste armé Ansar Dine. Djibril Bassolé a dit être venu « apporter le message de la paix ». « Malgré la gravité de la situation » dans la région, « il doit y avoir de la place pour le dialogue » en vue d’une « cessation complète des hostilités », a-t-il plaidé.
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