mardi 5 février 2013

Au Mali, des voiles tombent : « C’est bon mon colonel, la ville est à vous ! » | Rue89

Au Mali, des voiles tombent : « C’est bon mon colonel, la ville est à vous ! » | Rue89
Zineb Dryef | Journaliste Rue89


Après Gao, où les habitants vivaient sous la loi de la police islamiste, c’est Tombouctou, bastion des islamistes, que les forces françaises et maliennes s’apprêtent à libérer. Ce lundi matin, ils avaient repris le contrôle des accès de la ville et de son aéroport.

« Retrouver le goût de la liberté »

Matthieu Mabin, envoyé spécial de France 24 au Mali et embarqué avec les forces spéciales françaises depuis quinze jours, raconte l’avancée aisée de l’armée française et malienne :
« Les soldats n’ont jusqu’à présent rencontré aucune résistance au sol de la part des rebelles islamistes. La bataille est totalement inégale. »
Il évoque également une libération « au sens littéral » :
« Quand nous traversons ces villes libérées, les habitants frôlent l’hystérie en voyant circuler les blindés de l’armée française et malienne. Ils sortent de leur maison pour brandir des drapeaux et crier “Mali”. Une libération au sens littéral.
Cette population retrouve le goût de la liberté après avoir vécu dans la terreur et sous la contrainte de la charia. Les témoignages sont terribles : ils parlent de sanctions des islamistes qui coupaient les mains des voleurs, des femmes contraintes de se voiler et des hommes à qui on coupait le bas de pantalon. »
Plusieurs reportages font état d’une libération extraordinaire, de scènes de liesse et de foule qui hurle « merci, merci ! ».

« La ville est à vous ! »

Les reporters de France 2 ont diffusé des images de l’armée malienne entrant dans la ville libérée de Gao, samedi 26 janvier.
Un soldat accueille le patron de l’armée malienne :
« - C’est bon mon colonel, la ville est à vous !
- Tout le monde avec moi, allez, on roule ! »
La foule en liesse, dans la rue, acclame l’armée et l’ancien maire revenu. Les images montrent un homme à la cigarette allumée (le tabac était interdit) et des femmes retirant leurs voiles.
La reconquête de Gao

« C’est difficile de trouver les mots »

« Je n’ai jamais rien vu de tel », écrit Lindsay Hilsum, reporter de la chaîne britannique Channel 4. Sur son blog, elle raconte, avec une certaine émotion, la joie des habitants de la ville :
« Un jeune homme en T-shirt noir grimpe sur notre pick-up – il crie “Liberté ! Liberté !” avant de redescendre et de disparaître dans la foule.
Il est difficile de trouver les mots pour décrire cette scène, difficile de trouver les mots pour raconter ce moment extraordinaire que je vis dans les rues de Gao cet après-midi. »

La menace des représailles

La liberté retrouvée des populations de ces villes ne doit pas faire oublier les menaces sérieuses qui planent sur le pays. Des milliers de réfugiés maliens continuent d’affluer en Algérie et en Mauritanie. Al-Jazeera a suivi ces déplacés.
Le reportage d’Al-Jazeera aux frontières maliennes
La question de la protection des civils a été posée par plusieurs ONG qui craignent des règlements de comptes violents entre les différents camps. Dans un communiqué réagissant à la libération de Gao, Human Rights Watch met en garde contre une évaluation uniquement militaire du succès de l’intervention française :
« Nous avons déjà constaté des représailles contre de prétendus collaborateurs [des groupes islamistes et du MNLA] et le départ en exil de milliers de personnes qui craignent pour leur vie [...]
Au bout du compte, l’intervention militaire devra être jugée sur la manière dont seront abordés les problèmes qui ont alimenté le conflit, notamment la mauvaise gouvernance, la corruption et l’impunité »

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