mercredi 6 février 2013

La réconciliation, un rêve à désensabler au Mali | La-Croix.com

La réconciliation, un rêve à désensabler au Mali | La-Croix.com
Guerre, crise politique, désir de vengeance, la réconciliation tarde à s’inscrire à l’agenda malien.
Discussion entre des soldats de l’armée malienne et des civils, notamment des Touaregs, à Tombouc...
Discussion entre des soldats de l’armée malienne et des civils, notamment des Touaregs, à Tombouc...
(Benoit Tessier / Reuters)
Discussion entre des soldats de l’armée malienne et des civils, notamment des Touaregs, à Tombouctou, le 31 janvier.
(Benoit Tessier / Reuters)

Discussion entre des soldats de l’armée malienne et des civils, notamment des Touaregs, à Tombouctou, le 31 janvier.

Sous la pression des ONG et de la France, le président par intérim Dioncounda Traoré a promis d’engager un « dialogue intermalien ».
Il peut compter sur le soutien de l’Église catholique locale.

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Évoquer la réconciliation alors que le Mali n’a pas recouvré son intégrité territoriale, cela peut sembler prématuré. Confronté à une crise majeure ouverte en janvier 2012 par le soulèvement armé des Touaregs indépendantistes du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), le pays est occupé aujourd’hui par la reconquête, avec l’aide de la France, des grandes villes du nord du pays. Et sur ce plan, il reste encore beaucoup à faire.
Après Gao et Tombouctou la semaine dernière, les forces françaises ont pris pied à Kidal. À cela s’ajoute le déploiement de la Misma, la force africaine chargée de relever l’armée française pour tenir et sécuriser la zone sahélienne. Ce double objectif militaire s’accompagne d’une urgence politique : mettre un terme au régime d’exception qui gouverne le Mali en organisant le plus rapidement possible une élection présidentielle démocratique.

Soupçons de collusion

La réconciliation est aussi difficile à inscrire dans le cœur et l’esprit des Maliens. De Kati à Gao, de Diabali à Tombouctou, on rappelle que les membres du MNLA, d’Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) et d’Ansar Dine sont en majorité des « peaux blanches » – soit des Touaregs et des Arabes.
Les Maliens issus de ces communautés sont soupçonnés de complicité et de collusion avec les mouvements qui y ont fait régner un ordre islamiste pendant de longs mois. En février 2012 déjà, les « peaux blanches » installées à Kati et à Bamako avaient subi des pillages et des dépravations en marge de manifestations en faveur de l’armée malienne. Ces agressions avaient poussé Touaregs et Arabes du sud du Mali à trouver refuge dans les pays limitrophes.

crainte de vengeance

Depuis mi-janvier et l’offensive avortée des islamistes sur Konna et Diabali, plusieurs ONG de défense des droits de l’homme ont fait état d’exactions et d’exécutions sommaires commises sur des « nordistes ». Par crainte de l’esprit de vengeance qui pourrait animer l’armée malienne, les villages touaregs et arabes entre Diabali et Tombouctou ont été désertés par leur population.
Aujourd’hui, les Maliens veulent surtout effacer les traces du passage des djihadistes. Au lendemain de l’arrivée des Français à Tombouctou, le 28 janvier, les Tombouctiens repeignaient en bleu ou en gris les slogans des islamistes écrits sur les façades des maisons et sur les nombreux panneaux qui longent les rues de la cité atteinte en 1828 par René Caillié. Avec, face aux mausolées détruits par ces « fous de Dieu », la volonté affichée par la population de les reconstruire sans tarder.

Promesses de « réconciliation nationale »

Pressé par les ONG et par la France, le gouvernement malien a cependant conscience qu’il lui faut s’engager sur le terrain de la réconciliation. Samedi 2 février, le président par intérim Dioncounda Traoré a promis, accueillant François Hollande, qu’il n’y aurait « aucune exaction, aucun règlement de comptes, aucunes représailles » après la reconquête du pays, promettant une « réconciliation nationale » dans le cadre d’un « dialogue intermalien ouvert à toutes les sensibilités ».
Si rien de tangible n’est entrepris à ce stade pour cette réconciliation, les Maliens de bonne volonté pourront cependant compter sur l’aide de l’Église catholique. « Pour les évêques et la majeure partie des Maliens, le principal défi à relever est celui de la réconciliation nationale », déclarait, le 1er février, le P. Edmond Dembele, secrétaire général de la Conférence épiscopale du Mali, avant d’exposer le moyen d’y parvenir : « Restaurer la confiance réciproque entre les différentes communautés et obtenir la réconciliation par le pardon. »
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Maître Yves Laurin : « Des conditions exceptionnelles à réunir »
Avocat, président du Comité français pour l’Afrique du Sud
« L’Amérique latine a posé les premiers jalons des processus de réconciliation à la chute des dictatures mais, au-delà de quelques tentatives engagées au Maroc ou en Algérie, c’est l’Afrique du Sud qui a porté cette idée le plus loin après l’apartheid. À sa manière, l’Europe de l’Est post-communiste a récusé l’esprit de vengeance, en évitant l’épuration par les tribunaux comme en France à la Libération. Il y a eu restitution de biens et réhabilitation de carrières.
Réussir une réconciliation dans un pays marqué par l’épreuve exige plusieurs conditions : des personnalités extraordinaires, une société civile dynamique, un appareil juridique solide et un soutien de la communauté internationale. Ce sont des conditions exceptionnelles à réunir et qui demandent, par-dessus tout, un contexte, c’est-à-dire un moment de grâce capable de porter le processus, comme le fut, dans le cas sud-africain, l’élection de Nelson Mandela. »
Recueilli par SÉBASTIEN MAILLARD

LAURENT LARCHER

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