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Dans l’épisode de Kidal, ce sont les circonstances et la géographie qui se sont imposées, plus qu’un MNLA qui révulse l’opinion malienne
Le vent de sable qui a soufflé sur Kidal la semaine dernière, a glissé les premiers grains de sable dans la belle entente franco-malienne sans avoir, heureusement, le temps de provoquer des ratés. L’accueil délirant fait samedi au président François Hollande a balayé les préventions qui menaçaient d’enfler après l’arrivée en solo des soldats français à Kidal et, surtout, les déclarations du MNLA interdisant à l’armée malienne l’entrée d’une ville qu’il assurait contrôler.
Les informations laconiques fournies côté français, les commentaires contradictoires fusant côté malien, ont fait naître le soupçon d’un « arrangement » là où le fond du problème était plutôt opérationnel, donc difficile à médiatiser.
DEFI SECURITAIRE ET LOGISTIQUE. Sur le front, en effet, tout est allé très vite. Trop vite ? On peut le penser du point de vue de la sécurisation et de la logistique. Pesant le pour et le contre, Français et Maliens ont choisi de reléguer au second plan la sécurisation du territoire reconquis pour avancer le plus rapidement et le plus loin possible, en profitant du désarroi et de la désorganisation tant militaire que logistique de l’ennemi. D’où l’utilisation de troupes héliportées, aéroportées, la charge de la cavalerie mécanique sur Tombouctou notamment (avec quelques véhicules cassés en chemin). D’où aussi l’absence de pause logique après la reprise de Gao et de Tombouctou et la poursuite presque immédiate des opérations sur Kidal.
C’était militairement le bon choix comme en atteste la situation aujourd’hui. Mais cette option présentait mécaniquement l’inconvénient d’étirer les lignes et d’installer ainsi un défi sécuritaire et logistique facile à saisir.
Sur le plan de la sécurité, cette avancée-éclair des Français, et uniquement par les airs pour Kidal, laissait de larges espaces susceptibles d’abriter des groupes isolés de fuyards. Si l’aviation française pouvait les neutraliser le cas échéant, personne ne pouvait garantir que les routes vers Kidal n’étaient pas minées ou piégées par des bombes artisanales, à l’instar du tronçon Hombori-Gao sur lequel un véhicule militaire malien a sauté jeudi dernier.
Mais la plus grosse difficulté pour le commandement malien se situait ailleurs : trouver assez d’hommes et de véhicules pour constituer une colonne dissuasive vers Kidal sans dégarnir gravement le dispositif de Gao qui a déjà la charge de pacifier une très vaste région. Il n’avait pas le choix : il lui fallait attendre l’arrivée de soldats cantonnés plus au sud et dont la disponibilité sera fonction de la vitesse de déploiement de la Misma.
Dans l’épisode kidalois, ce sont donc plus les circonstances et la géographie que le MNLA, qui se sont imposées sans préjuger, bien entendu, des appréhensions françaises devant la perspective d’un face-à-face entre l’armée malienne et des éléments armés du mouvement irrédentiste.
Ce dernier concentre sur lui tant de rancoeurs que nos compatriotes ont traduit le « peut-être » avancé par le président Dioncounda Traoré pour évoquer l’éventualité d’ouvrir des discussions avec lui, non comme une possibilité de dialogue mais comme l’expression du doute et du scepticisme vis-à-vis d’un groupe au passif surchargé, à la représentativité douteuse et à la fiabilité nulle.
DEFROQUE AUTONOMISTE. Récapitulons les faits, rien qu’eux. Le MNLA, dopé par des combattants et des armes en provenance de Lybie, a déclenché les hostilités armées voilà un peu plus d’un an (attaque de Ménaka le 17 janvier 2012) et multiplié les attaques contre l’armée. Avec Ançar-Dine et Aqmi, il a notamment activement participé au siège de Aguel Hoc qui s’est achevé par des exécutions sommaires et des atrocités sur la garnison.
Ses alliés et lui ont ensuite occupé les grandes villes du nord provoquant un exode de la population, pillant l’administration et les banques, dépouillant les particuliers.
A cette époque, le MNLA, plus que ses associés, s’est signalé à Gao comme à Tombouctou et dans des localités secondaires de ces régions (Ansongo, Goundam, Diré, Tonka, Niafunké, Ménaka, Talataye, etc.) comme dans les cercles limitrophes de la Région de Mopti, par des viols, du racket, du brigandage et des exactions d’une telle violence que les habitants de ces villes ont bruyamment salué son éviction quelques mois plus tard par des groupes concurrents.
Entre-temps, l’irrédentisme du MNLA avait débouché sur la proclamation de l’indépendance de « l’Azawad » et la nomination d’une instance transitoire faisant office de gouvernement. Puis pour formaliser la cohabitation et la cogestion des territoires, le MNLA et Ançar-Dine ont organisé un « sommet » à Gao, à l’issue duquel (25 mai 2012) ils ont proclamé « leur auto-dissolution dans l’Azawad » et la création du « Conseil transitoire de l’État islamique de l’Azawad ». Versatilité également partagée, rapport de forces trop déséquilibré ? L’accord explosera vite en vol et le MNLA sera violemment balayé de tout le Septentrion.
Ses capacités militaires détruites pour une grande part, ses combattants, officiers compris, ayant majoritairement rallié Ançar-Dine, le mouvement, à l’agonie, est alors ranimé par des secouristes très intéressés de promouvoir la négociation avec Bamako. Pour être présentable, le MNLA, bien conseillé, se dépouille de ses oripeaux indépendantistes pour se vêtir d’une défroque autonomiste. De la négociation, on reparle beaucoup aujourd’hui mais plus du tout de l’autonomie. L’heure ne s’y prête plus. Elle est résolument à la lutte contre « les terroristes », l’autre nom des alliés d’hier. Qu’à cela ne tienne, l’indépendantiste se mue en combattant anti-djihadiste et annonce la capture de responsables d’Ançardine et du Mujao. D’Aqmi aussi ? Faut pas rêver.
UNE ARGUMENTATION ETHNIQUE ; A l’époque comme aujourd’hui, la confusion est activement entretenue par le MNLA qui en profite. S’il dément officiellement tout fondement racial, toute son argumentation est, elle, ethnique et vise à le faire apparaitre comme le représentant de la communauté touarègue. Ce qu’il n’est pas, s’est insurgé le président nigérien, ce week-end. Mahamadou Issoufou a raison.Le MNLA est un mouvement regroupant une partie de cette communauté mais surtout une partie de son élite accrochée à ses intérêts et privilèges. Elle truste les postes dans l’administration et les forces armées et de sécurité, les financements de projet et les prébendes diverses à la faveur de tous les accords de paix qui mettent fin aux conflits qu’elle a, elle même, allumés et qu’elle ne se gênera pas de rallumer pour gagner plus.
Le manège dure depuis une vingtaine d’années, prospérant sur la déconfiture de l’Etat et installant des sinécures très éloignées du sort de la majorité de la communauté touarègue qui partage la vie des autres populations du Septentrion jusque dans les camps de réfugiés et qui paie, comme le reste de notre pays, pour les travers de quelques uns.
Ces jours-ci, cette élite fait ce qu’elle sait le mieux faire : diaboliser le Mali pour mieux jouer aux persécutés et se poser en victime réelle ou potentielle, donner l’illusion de contrôler des événements qui lui échappent totalement. D’où ses offres de services répétées à la France qui se voit proposer les clefs de Kidal qui trainaient dans le sable, des informations, des prisonniers.
Qu’est-ce qu’on risque, pourrait se dire Paris. Ce risque, les Maliens en ont une claire connaissance pour avoir éprouvé tant de fois la duplicité et l’outrecuidance de cet interlocuteur. Un seul exemple suffit : la fable de l’Azawad. L’accueil réservé à François Hollande à Tombouctou, territoire pourtant revendiqué comme sien par le MNLA, a fait à lui seul exploser devant les caméras du monde entier, la chimère de l’Azawad et les mensonges de ses promoteurs.
Aujourd’hui, le Nord de notre pays a besoin de vérité, de démocratie, de justice, d’une mise à plat de ses problèmes, d’un dialogue avec les représentants véritables de toutes les communautés et non de la énième reconduite de l’impunité et d’arrangements bancals avec les rentiers de la violence.
S. DRABO
Source: Essor
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