jeudi 7 février 2013

Edito : Le temps de la désillusion - maliweb.net

Edito : Le temps de la désillusion - maliweb.net
Après les années des indépendances, le thème le plus usité par les écrivains noirs était celui de la désillusion, à l’image de Fama, le personnage principal d’Ahmadou Kourouma, dans son roman Le soleil des indépendances. Le désenchantement et le malaise étaient perceptibles dans la nouvelle Afrique, avec les nouveaux maitres qui ne répondaient pas toujours aux aspirations profondes des populations.
Chahana Takiou, dirpub « Le 22 Septembre »
Avec le déclenchement de l’Opération Serval par le Président français, François Hollande, pour stopper aux portes de Sévaré l’avancée des djihadistes, des espoirs ont été suscités, et le monde entier, à commencer par les Maliens, a applaudi. Dans le feu de l’action, celui-ci est même venu vivre la journée la plus importante de sa carrière politique au Mali. Mais, depuis, les nouvelles ne sont pas bonnes. Après le coup fourré de Kidal, orchestré par Paris en duo avec le MNLA, en voici un autre: celui de Ménaka, avec les mêmes acteurs.
Comment le MNLA, peut-il occuper Ménaka, situé à 310 km de Gao, en pleine reconquête du Nord du Mali, s’il n’a pas l’onction de l’Opération Serval? Tout porte à croire que, pour la France, les terroristes sont ceux qui menacent sa sécurité et celle des Européens, voire des Américains. Il s’agit, pour eux, des djihadistes, qui, au nom de l’Islam, commettent des crimes et attentats contre l’évolution du monde. Le MNLA, qui déstabilise le Mali, qui le pille et tue ses enfants, ne compte pas des terroristes, pour Hollande. Il est donc fréquentable à ses yeux. Alors que, pour nous, le Mal, c’est bien le MNLA, les terroristes, c’est également le MNLA, l’ennemi N°1 à combattre, c’est bien le MNLA.
L’attitude de Paris vis-à-vis du MNLA nous renvoie à la citation selon laquelle «qui soutient un coupable partage sa faute». Ce qui pourrait confirmer que c’est bien la France qui avait armé le MNLA, au début du conflit, en janvier 2012, sans compter l’armada venue de la Libye.
Ceux qui pensent que Hollande, le libérateur, va faire tout le travail à la place des Maliens et de la CEDEAO se trompent. Avec la présence française, beaucoup de pays ouest africains ont osé annoncer l’envoi de centaines de militaires, lesquels tardent à se mettre en place depuis que Fabius, le chef de la diplomatie française, a déclaré «la MISMA est appelé à prendre le relais».
Le temps de la désillusion a donc sonné. Car Paris annonce déjà le début du retrait de ses forces à partir de mars prochain, alors que le plus difficile reste encore à faire: l’éradication des djihadistes, retranchés dans les collines de l’Adrar des Ifoghas.
Le plus difficile, c’est également l’occupation et la sécurisation de localités comme Niafunké, Goundam, Diré, Bourem, Ansongo, Tessalit, Abeïbara et autres. Jusque là, les forces armées françaises, maliennes et celles de la MISMA ne sont présentes que dans les grandes agglomérations du Nord.
C’est bien l’heure de la désillusion qui a sonné, parce que Paris ne fera pas ce que les Maliens veulent: combattre le MNLA. Au contraire, il le soutiendra, il l’imposera comme interlocuteur incontournable et œuvrera pour une force d’interposition, comme ce fut le cas en côte d’Ivoire, en RDC et récemment en Centrafrique. En clair, le pays sera coupé en deux: le sud et une partie du nord aux mains de Bamako, la région de Kidal et celle de Ménaka (c’est une nouvelle région, la loi a été promulguée avant le coup d’Etat du 22 mars), confiées au MNLA jusqu’à l’acceptation d’un accord bilatéral ou tripartite.
L’armée malienne doit donc se réarmer moralement et militairement afin que la désillusion, qui s’installe progressivement, ne l’affaiblisse après le départ prochain des troupes françaises. Encore une fois, «qui soutient un coupable partage sa faute».
Chahana Takiou

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