lundi 19 mai 2014

Moussa Mara à Kidal : La visite qui assassine la négociation - maliweb.net

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La visite qui assassine la négociation

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Mali : Scènes de guerre à Kidal
L’entrée de la ville de Kidal
Une liesse qui investit le tarmac de l’aéroport pour empêcher l’atterrissage des avions d’officiels mobilisés dans le cadre de la visite du Premier ministre, des élus nationaux et municipaux, des notabilités religieuses et même des membres du gouvernement contraints à une navette aérienne de plusieurs heures entre Kidal et Gao, toute une délégation ministérielle cantonnée 24 h environ pour esquiver les tirs à l’arme lourde avant d’être réduite à négocier son redécollage et à l’aide des Forces Serval et de la Minusma, etc.





Le passage de Moussa Mara aura été un exploit trop superficiel, un pari symbolique à peine gagné, aux dépens de l’essentiel et de la paix durable promise dans la Dpg. De quoi se poser la question si les méthodes du nouveau PM ne sont pas antinomiques de ses propres objectifs ainsi que des intérêts bien compris de la nation.



Les affrontements entre manifestants et forces de sécurité ont déclenché, vendredi, à l’arrivée de la première vague d’officiels, occasionnant pas moins d’une vingtaine de blessés avant qu’un premier avion cargo ne parvienne à se poser sur l’aéroport de Kidal. L’engin, à en croire certaines sources, contenait des officiels qui se sont retrouvés sous bonne garde au gouvernorat, tandis que les manifestants veillaient à ce qu’ils ne puissent jamais battre le pavé à l’intérieur de la ville. D’autres passagers, nous a-t-on confié, ont été contraints à faire plusieurs navettes entre Kidal et Gao, à cause de la vive tension qui régnait sur leur destination avec des barricades et des pneus brûlés aux abords de l’aéroport.



Pendant ce temps, le Premier ministre, quant à lui, n’avait pas encore fini de sillonner les autres contrées du septentrion, en l’occurrence Tombouctou où il relançait les travaux du tronçon re liant cette ville à Goundam. Et, à quelques heures de son arrivée annoncée à Kidal, la tension n’y était pas moins explosive qu’à la veille. Le même scénario s’est en effet reproduit avec une mobilisation populaire beaucoup plus imposante que la précédente pour manifester contre la présence des représentants de l’Etat malien. La poignée d’hommes de l’armée malienne, déjà bien positionnée la veille, est activement entrée dans la danse en renforçant ses positions dans une partie de la ville tandis que l’autre partie était détenue par les éléments des différents mouvements rebelles.



Des victimes, des prisonniers et des otages

Face à la persistance de la tension, les forces Serval et Minusma, qui assuraient jusque-là l’ordre et contenaient tant bien que mal les manifestants, se sont finalement débinés et laissé libre cours aux échanges de tirs nourris entre belligérants.

L’armée malienne s’est ainsi retrouvée aux prises avec les trois mouvements armés constitués du Mnla, du Maa ainsi que du Hcua, un mouvement affilé à Ansar Eddine. Les manifestants, nous a-t-on confié, ont été du coup contraints a cédé la place aux tirs nourris à l’arme lourde de part et d’autre. Le gouvernorat aurait même essuyé un tir d’obus pendant que les locaux étaient déjà évacués, signale une autre source.



C’est dans cette atmosphère propre de guérilla urbaine que le Premier ministre, en provenance de Gao, a péniblement réussi son atterrissage à Kidal à bord d’un hélicoptère, non pas à l’Aéroport mais dans le camp de la force Serval. En dépit des tentatives des forces Serval et Minusma pour l’en dissuader, il est allé rejoindre les autres membres, sans le ministre de la défense qui a décidé de lui fausser compagnie à partir de Gao.



Face à la détermination des mouvements armés à demeurer dans la ville, quoi qu’il arrive, le chef du gouvernement et sa suite sont restés cantonnés dans les différents camps tout au long des affrontements sanglants qui frisaient le combat de rue, entre les combattants et l’armée régulière visiblement mi­se devant le fait accompli et ses responsabilités républicaines de sécuriser les hautes autorités.



Au bout donc d’â­pres démêlées entre les deux protagonistes, le siège du gouverneur, évacué à la suite d’un jet d’obus, a été finalement occupé et même saccagé par les assaillants locaux. Aux dépens de l’armée régu­- lière qui, selon certaines sources locales, aurait déploré la perte de nombreuses vies humaines, des blessés, des éléments fait prisonniers et de nombreuses personnalités prises en otage. Une information sur laquelle le porte-parole du gouvernement est resté vague dans un communiqué où il parlant de victimes et promettait d’apporter la réponse appropriée à l’agression de la délégation d’État.



Prévisible et évitable

Le Pm et sa suite ont finalement regagné, hier matin, la ville de Gao où ils se sont longuement entretenus avec l’administration et les forces vives régionales avant de rejoindre Bamako. Il aurait pu se passer de l’étape infructueuse de Kidal s’il n’en avait pas publiquement déclaré l’intention dans l’euphorie de sa nomination et de la Dpg en promettant triomphalement d’incarner l’Etat et son armée dans la plénitude de leur gloire de naguère.

Seulement voilà : une coïncidence malheureuse a fait que le passage de Moussa Mara en 8e région devait intervenir au lendemain des différents congrès des mouvements armés.

Après le conclave du Mnla a suivi, une semaine plus tard, celui du Hcua. La série a été bouclée, la veille de la visite gouvernementale, par une rencontre unitaire des différents mouvements sous la houlette du Patriarche Intalla Ag Attaher.



Sous l’œil vigilant des représentants de la Minusma ainsi que de la force Serval, les différents conclaves se sont tous déroulés dans la même tonalité : un penchant apparemment inflexible pour l’autodétermination régionale. Les propos de certains dirigeants de mouvement se singularisent par une agressivité révélatrice de leur hostilité à tout symbole de l’Etat.



C’est le cas du secrétaire général du Hcua, l’ancien député Algabass Ag Intalla, qui ne tarissait pas d’accusations et de dénonciations à l’encontre des autorités centrales. Lors des assises du Haut conseil de l’unité, il a indiqué que la population de l’Azawad n’a d’autre choix que de s’exprimer par la violence, avant de marteler : «Nous avons assuré sa défense contre tous les envahisseurs depuis la nuit des temps. Nous œuvrons aujourd’hui dans cette continuité et c’est cela qui légitime notre action».



Et le patriarche Intalla Ag Attaher de renchérir, le lendemain, en appelant les mouvements armés à l’abandon de leurs identités propres pour défendre un drapeau unique, celui de l’Azawad.

En y effectuant une visite dans une pareille atmosphère d’hostilité ouverte, Moussa Mara gagne certes un pari très mitigé de fouler la terre de Kidal tel qu’il en avait publiquement fait la promesse. On ne saurait en dire autant du défi d’un règlement définitif et durable de la crise. Car, l’incident déclenché par un séjour était d’autant plus inutile qu’il annihile tant d’efforts abattus dans le sens de la paix, compromet tant d’acquis, y compris les jalons posés par le président de la République en nommant un Haut représentant.



L’épisode n’aura servi en définitive qu’à recourir à un coup d’éclat pour faire oublier l’essentiel, comme pour confirmer ces propos d’un responsable de mouvement armé : «Nous n’ignorons pas un seul instant que certains responsables politiques et administratifs puisent leur soi-disant notoriété et leur maigre popularité dans les antagonismes qu’ils créent entre lq population et dont ils souhaitent la perpétuation».

  1. A. Kéïta

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