vendredi 23 mai 2014

Le Mali, un pays du verbe plus que de l’agir

AFFRONTEMENTS A KIDAL - Les Editions Le Pays

Le Mali, un pays du verbe plus que de l’agirPublié le jeudi 22 mai
2014
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L’offensive armée et unilatérale de Bamako du mercredi 21 mai dernier a
abouti, on le sait, à une véritable débâcle de l’armée malienne. Le Mouvement
national de libération de l’Azawad (MNLA), qu’elle était censée bouter hors de
Kidal, est plus que jamais maître des lieux. Mieux, les rebelles touaregs en ont
profité pour faire tomber dans leur escarcelle d’autres localités maliennes,
notamment Léré située à l’ouest de Tombouctou, Andéramboukane et Ansongo dans le
Nord-est du pays, près du Niger. Le gouvernement malien, avec certainement la
mort dans l’âme, a, pour sauver les apparences, rendu hommage à ses « martyrs
tombés sur le champ d’honneur ». Dans le même temps, Bamako a sollicité le
cessez-le-feu immédiat.


L’armée malienne n’est pas faite pour le combat mais pour les putschs
et les parades



De cette guerre pour l’honneur, qui a tourné au fiasco et à la honte et dont
l’impréparation le dispute à son caractère inopportun, l’on pourrait tirer trois
enseignements majeurs.
Le premier enseignement porte sur
l’inefficacité, la légèreté et la décrépitude de l’armée malienne. En effet, la
rapidité avec laquelle elle a été mise en déroute par le MNLA, qui a toujours
été présenté par les autorités à l’opinion malienne comme un tonneau vide, nous
fonde à croire que l’armée malienne n’est pas faite pour le combat mais pour les
putschs et les parades. La qualité de l’armement est certes déterminante pour
remporter une guerre, mais cela n’est pas suffisant. Il faut y ajouter la
stratégie, l’ingéniosité, la détermination et le courage des hommes. Or, c’est
ce qui semble avoir fait défaut à l’armée malienne dans son offensive contre le
fief du MNLA. Le gouvernement malien, pour maintenir le mythe que le pays
dispose malgré tout d’une vraie armée d’intrépides combattants, a vite fait de
lier la débandade de ses 1 500 soldats montés à l’assaut de Kidal, à des
problèmes de coordination et de renseignements. Cette justification laborieuse
de la défaite enregistrée par le corps expéditionnaire malien dit tout sur la
réalité de l’armée malienne. Les Maliens qui ont été toujours gavés de tirades
martiales vantant au quotidien l’esprit chevaleresque de leurs sofas, capables
de plier à tout moment l’échine du MNLA, pour peu qu’ils soient équipés,
viennent de se faire une idée exacte de la nature de leur armée, dont le budget
a connu pourtant une augmentation substantielle avec l’avènement de Ibrahim
Boubacar Keïta au pouvoir.
Le deuxième enseignement que l’on
pourrait tirer de cette guerre-éclair porte sur l’attitude de Serval et de la
MINUSMA (Mission des nations unies de soutien au Mali). Le fait que ces deux
contingents soient restés l’arme au pied, pendant que les soldats maliens
fuyaient sous les tirs nourris des forces coalisées du MNLA, du HCUA (le Haut
conseil pour l’unicité de l’Azawad) et du MAA (Mouvement arabe de l’Azawad) nous
fonde à croire à un plan B de la communauté internationale, qui consisterait en
la partition du pays avec un Etat laïc au Sud composé essentiellement de
Négro-africains et un Etat arabo-touareg au Nord. Les populations de Bamako qui
sont légitiment remontées contre Serval et la MINUSMA, pourraient avoir cette
lecture de la passivité de ces forces face à l’outrecuidance des groupes armés
du Nord. Leur logique, qui consiste à ne pas faire le coup de feu contre
notamment le MNLA, alors qu’elles sont au Mali officiellement pour aider ce pays
à exercer sa souveraineté sur l’ensemble de son territoire, pourrait ne pas
passer au sein de l’opinion publique malienne qui, à force d’être humiliée par
le MNLA, peut être amenée à les inviter à débarrasser le plancher.


L’on en est arrivé à ce regain de violences à Kidal, parce que les
uns et les autres ont triché avec l’accord de Ouagadougou



Enfin, cette guerre nous enseigne que le MNLA ne s’est jamais départi de sa
vocation originelle de transformer l’Azawad en un Etat indépendant du Mali. Sa
volonté de voir le drapeau de l’Azawad flotter au Nord-Mali n’a jamais été
abandonnée, en dépit de son engagement obtenu sous la pression de la communauté
internationale à ne pas remettre en cause la souveraineté du Mali sur Kidal.
Cela dit, les deux parties ont intérêt à mettre de l’eau dans leur vin pour
apaiser la situation. Pour ce faire, Bamako et les groupes armés du Nord doivent
impérativement traduire dans les actes, chacun en ce qui le concerne, toutes les
recommandations de l’accord préliminaire de Ouagadougou. En réalité, l’on peut
même dire que l’on en est arrivé à ce regain de violences à Kidal, parce que les
uns et les autres ont triché avec l’accord de Ouagadougou. Il n’est peut- être
pas parfait mais il a l’avantage d’avoir obtenu la signature des parties en
conflit. Blaise Compaoré qui en est l’architecte, pourrait donc reprendre du
service pour aider les frères ennemis maliens à enterrer définitivement la hache
de guerre. Il peut y arriver mais à condition qu’il travaille d’abord à dissiper
le malentendu entretenu à tort ou à raison au bord du fleuve Djoliba, selon
lequel le Burkina Faso soutiendrait le MNLA. En le faisant, Blaise Compaoré
rendrait service non seulement au MNLA mais aussi et surtout à l’amitié et à la
fraternité entre les peuples malien et
burkinabè.





Pousdem PICKOU

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