Editorial de Jean-Baptiste Placca
Bernard Nageotte : L’accord de cessez-le-feu, obtenu de haute lutte, ce vendredi 23 mai, par le président Ould Abel Aziz de Mauritanie, suffira-t-il à faire oublier la déroute des troupes régulières maliennes à Kidal ? Et cette impression d’un dramatique retour en arrière du Mali !… On se serait cru revenus deux ans auparavant, lorsque le MNLA et ses alliés djihadistes, après avoir humilié les soldats maliens, ont pris, avec une surprenante facilité, le contrôle de la moitié nord du pays, pour y finalement instaurer la charia et des pratiques d’une barbarie qui fait encore frémir. N’est-ce pas décevant de répéter ainsi des erreurs qui ont coûté si cher par le passé ?Jean-Baptiste Placca : C’est désespérant ! La guerre, tous ces soldats français, tchadiens, nigériens, togolais et autres, venus mourir pour, croyait-on, sauver le Mali ! Les morts – nos morts ! –, les milliards de francs CFA injectés dans le processus électoral pour un retour à la démocratie, les élections, les milliards d’euros mobilisés pour donner au Mali les moyens d’être à nouveau un Etat présentable… Oui, l’on a eu subitement l’impression, en effet, que cela a été en pure perte !
Si les Maliens ne veulent pas se l’avouer, il faut le leur dire ! Les événements de cette journée du 21 mai font perdre à leur pays énormément de sa crédibilité aux yeux du monde. Beaucoup se demanderont si le Mali, les Maliens méritaient ces sacrifices consentis pour les aider à se relever.
D’un autre côté, c’est tout le programme politique du président Ibrahim Boubacar Keïta qui s’effondre. « Le Mali d’abord ! », « La dignité du peuple ! », « Pour l’honneur du Mali ! », tous ces slogans qui ont rythmé sa campagne, ces cris de guerre apparaissent subitement vides de sens, avec cette nouvelle humiliation que vient de subir l’armée malienne à Kidal.
Ses adversaires lui reprochaient de n’avoir vendu aux Maliens que des slogans, en flattant leur orgueil bafoué…
Néanmoins, le peuple malien est encore mobilisé. On voit des manifestations presque tous les jours à Bamako, et beaucoup pointent du doigt l’armée française et la Minusma, qui ne sont pas allés en renfort…
Là aussi, c’est le retour aux incantations. Vous ne partez pas en guerre avec l’armée des autres. C’est agaçant de s’en prendre de la sorte à ceux qui ont versé leur sang pour sauver l’honneur de votre pays. Vous ne déclenchez pas une nouvelle guerre, alors que vous avez encore besoin de l’aide des autres pour panser les plaies de la précédente.Et puis, avant d’accuser les autres, les Maliens devraient peut-être s’interroger sur l’usage qu’ils font de l’assistance qu’on leur apporte. Ils ne sont pas seuls au monde ! Ce qu’ils font aujourd’hui pourrait décourager les donateurs, par rapport à la Centrafrique, par exemple.
Un auditeur a analysé ces événements, en affirmant que les Maliens n’ont pas les moyens de leur orgueil. C’est peut-être féroce, mais cela devrait les faire réfléchir.
De là à cesser de se porter au secours de la Centrafrique, sous prétexte que les Maliens ramènent, d’eux-mêmes, leur pays deux ans en arrière…
Cesser de se porter à leur secours, peut-être pas. Mais les Africains doivent bien comprendre que, de plus en plus, il y a une lassitude dans le monde, par rapport aux problèmes que l’Afrique crée et ne peut résoudre d’elle-même. Des problèmes fabriqués par la main de l’homme, parce qu’ils ne relèvent pas d’un tremblement de terre, d’une éruption volcanique ou d’autres calamités naturelles. C’est surtout le côté répétitif de ces problèmes qui pousse à la lassitude. Comme si cela ne cesserait jamais… La Somalie paraît-elle insoluble ? La RDC s’invite aussitôt. Et elle n’en est pas sortie, que le Mali s’y met, à son tour.Et lorsque l’on croit le Mali sorti d’affaires, il faut déjà se pencher sur la Centrafrique. Et pendant que l’on vole au secours de la Centrafrique, les leaders du Soudan du Sud déclenchent un carnage, chez eux. Et voilà que le Mali resurgi à nouveau. En attendant le prochain… Avouez que c’est épuisant !
Une confidence : même les Africains commencent à s’en lasser.
L’on ne peut pas pour autant ne pas intervenir…
Non. Mais il serait peut-être temps, pour ceux qui veulent vraiment aider l’Afrique, d’investir un peu plus spontanément sur les pays sérieux, une partie de ce qu’ils déboursent, souvent à contrecœur, pour réparer les dégâts de ceux qui n’ont d’autres projets que d’abîmer leur propre patrie.
Il faut commencer à récompenser sérieusement ceux qui font, sur la durée, des efforts de rigueur dans la gestion économique, et des progrès constants sur le plan de l’état de droit et de la démocratie. Il faut mettre en valeur et privilégier un peu plus les meilleurs, pour contraindre les cancres à renoncer à leurs mauvaises habitudes.
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