lundi 9 juillet 2012

CRISE MALIENNE - Les Editions Le Pays

CRISE MALIENNE - Les Editions Le Pays
Faut-il la charia pour raisonner Bamako ?Publié le dimanche 8 juillet 2012Page visitée 71 fois
Le mini-sommet de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui s’est tenu le 7 juillet dernier à Ouagadougou, a enregistré deux absences a priori anodines mais en réalité non négligeables. Pour une rencontre dont l’objectif était de plancher sur les modalités de la mise en place d’un gouvernement d’union nationale au Mali et de trouver la formule nécessaire pour libérer le nord du pays des griffes des islamistes, il faut reconnaître que la non-participation des deux personnalités les plus importantes du pays ne saurait passer pour un non-événement. L’excuse, du reste trop facile et qui reste à prouver, de l’état de santé qui ne serait pas encore stable du président de la transition malienne, Dioncounda Traoré, est à la limite humainement tolérable. Cependant, il en va autrement pour tout autre raison qui serait invoquée pour justifier la représentation du chef du gouvernement par son ministre de l’Intégration africaine. Les divergences de vues entre les six chefs d’Etat du Groupe de contact de la CEDEAO et le Premier ministre Cheick Modibo Diarra quant à l’opportunité d’envoi d’une force militaire sous-régionale à Bamako, ne sont qu’un secret de Polichinelle. Le précédent sommet d’Abidjan n’a, du reste, pas manqué d’épingler l’astrophysicien malien à qui il est reproché une certaine incapacité à maîtriser la situation dans la capitale malienne et, bien sûr, dans le Nord. La réticence de celui qui cumule de facto les pouvoirs de premier des ministres et de chef d’Etat depuis l’hospitalisation du président de la transition, à accepter la proposition longtemps formulée par la CEDEAO de sécuriser la transition malienne, a contribué à l’éloigner davantage des présidents de la sous-région. Serait-ce alors la raison réelle de l’absence de l’ex-employé de la NASA à la réunion de Ouagadougou où il avait pourtant son mot à dire et l’aurait mieux fait lui-même et de vive voix ? Peut-être lui a-t-il tout simplement été demandé de se faire représenter, les têtes couronnées de la CEDEAO ayant sans doute estimé que rien de déterminant ne pouvait être tiré de sa présence. L’intéressé lui-même a bien pu aussi décliner l’invitation, non désireux qu’il est sans conteste de subir les mêmes reproches auxquels il a été soumis dans la capitale ivoirienne. L’un dans l’autre, l’on peut en tout cas se féliciter de ce que les dirigeants ouest-africains aient opté de passer outre la position du gouvernement malien en enjoignant le président de la transition d’adresser sans délai une requête à la CEDEAO et aux Nations unies pour demander un déploiement d’une force sous-régionale en vue de soutenir l’armée malienne dans sa mission. Les tergiversations n’ont que trop duré ; il était impérieux, au regard du pourrissement de la situation au nord du pays, que l’institution sous-régionale prenne ses responsabilités. Pouvait-on continuer à permettre à l’exécutif de transition malien de gérer la question sécuritaire à sa guise, lui qui donne l’apparence d’être plongé, tout peinard, dans une léthargie intentionnelle qu’il se plaît à faire perdurer ? Le pouvoir de Bamako, visiblement déconnecté des réalités de l’enfer vécu par les populations du Nord, avait vraiment besoin qu’on le réveillât d’une manière ou d’une autre. Et il doit du reste s’estimer heureux que ce ne soient pas les occupants illégitimes du Nord, ces barbares du désert, qui l’aient fait. Son réveil en aurait été des plus brutaux. Peut-être qu’une tentative de conquête du Sud, voire une réussite partielle d’y imposer la charia, aurait été aussi utile pour raisonner définitivement les autorités de la transition. Elles prendraient peut-être ainsi la vraie mesure de la situation au Nord après avoir goûté, un tant soit peu, au fiel qui est devenu depuis bientôt quatre mois le seul breuvage imposé aux habitants de cette localité. Fasse Dieu cependant qu’une telle chose n’arrive point, ne serait-ce qu’à cause des innocentes populations de Bamako. Espérons surtout que le dernier sommet ne sera pas juste une excursion de plus. La rencontre du Groupe de contact se révèlera inutile si aucune diligence n’est observée dans la mise en œuvre de ses décisions dans le strict respect des délais fixés. Parlant justement d’échéance, il y a de quoi être sceptique que d’ici le 31 juillet prochain, les forces vives maliennes présentes à la rencontre puissent trouver un consensus en vue de former le gouvernement à base élargie souhaité. En plus de la scission des Maliens en pro et anti-putschistes, il y a la contestation de la légitimité du président intérimaire, pourtant chargé de recevoir les propositions des potentielles parties prenantes au futur gouvernement, qui pourrait faire coincer l’attelage. Les partisans du capitaine Sanogo, qui ont organisé un contre-sommet à Bamako pour manifester leur désapprobation de la tenue de la rencontre à Ouagadougou, ont réitéré leur ferme intention d’empêcher le retour de Dioncounda Traoré en tant que président de la transition au Mali. A l’allure où vont les choses, le tandem Traoré-Diarra qui a à peine eu le temps de se former, risque d’être remplacé par un autre binôme. Les participants aux échanges de Ouagadougou n’ont d’ailleurs pas perdu leur temps à s’occuper du cas du Premier ministre absent, le médiateur et hôte de la rencontre s’étant contenté de s’en remettre aux Maliens pour trancher cette question. Il en est de même de la composition du gouvernement consensuel qui, à vrai dire, aura beaucoup de mal à voir le jour. Quant à la situation du Nord, elle n’a eu droit qu’à un ultimatum de quinze jours accordé aux islamistes pour se discipliner. Aucune mesure forte du genre une intervention de la CEDEAO en attendant que l’appui de l’ONU vienne en appoint, pour donner à cette futile mise en garde une apparence un peu plus sérieuse. Les chefs d’Etat ouest-africains ont préféré continuer à fonder tout leur espoir, comme d’habitude, sur une aide internationale qui, comme Godot, se fait trop attendre. Pendant ce temps, les Maliens devront prendre leur mal en patience, le bout du tunnel n’étant pas pour bientôt.
« Le Pays »

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