Cinq mois après le coup d’Etat militaire qui a déstabilisé le Mali, ce pays d’Afrique de l’Ouest jadis salué pour sa démocratie reste toujours sous le choc d’une partition de fait de son territoire et de l’incapacité de sa classe politique à sortir la nation de l’impasse, toutes choses qui ne sont que le reflet d’une « faillite » de l’élite dirigeante africaine, selon quelques intellectuels de la sous région réunis dans la capitale sénégalaise.
Le 22 mars 2012, alors que le président Amadou Toumani Touré était à quelques semaines d’achever son second et dernier mandat, des soldats décrits au début de leur mouvement comme des « mutins » décidaient de le renverser. Si ces militaires réussirent leur coup, ils allaient aussi placer le Mali dans l’impasse et « offrir » le nord du pays à des groupes islamistes armés qui, profitant de la situation de chaos institutionnel à Bamako, allaient en quelques jours étendre leur pouvoir dans l’essentiel du septentrion malien. Une autre crise ouest africaine venait d’être inscrite à l’agenda des diplomates.
Premier fautif, ce mirage d’une « démocratie exemplaire » qui colle au pays de puis la chute de Moussa Traoré. La chute de ce dernier en 1991, après avoir dirigé le pays d’une main de fer, allait en effet ouvrir les portes de la démocratie multipartite au Mali, qui pendant deux décennies croyait enfin avoir fini avec les démons des régimes autocratiques ou militaires.
Or, « le Mali était déjà en voie d’anéantissement du fait du manque d’un projet politique clair (…) en plus de la corruption, du népotisme qui gangrénaient notre système économique », soutient Aminata Dramane Traoré lors de cette rencontre organisée le 28 juillet 2012 à Dakar à l’initiative d’Enda-tiers Monde, une ONG basée à Dakar. La conférence se tenait avec comme mot d’ordre « Nous sommes tous Maliens ».
« Ce qui s’est passé au nord comme au sud, c’est l’échec d’un système, d’une démocratie cosmétique », poursuit cette militante altermondialiste, dans son analyse des causes politiques et économiques de la crise malienne.
Le romancier Sénégalais, Boubacar Boris Diop, ira lui chercher ses arguments dans le lancinant problème de « l’absence d’un discours africain sur l’Afrique ».
« Je pense que nous avons perdu la bataille de l’information, ce n’est pas une critique mais une autocritique », a martelé cet ancien journaliste selon qui les médias africains se contentent de répercuter ce que disent les médias occidentaux sur nos propres pays.
« Si le putsch a eu un mérite c’est de souligner la nature et la profondeur des contradictions de la société malienne », analyse l’écrivain sénégalais pour qui le cas malien doit être un moment de questionnement du modèle démocratique africain.
« Quand on fait de la politique, je pense que c’est pour transformer les sociétés, ce que nous avons entendu aujourd’hui nous montre que nos hommes politiques n’ont pas ce besoin de transformation qui doit se faire à partir de nos substrats culturels d’abord, et de notre patrimoine », commente pour sa part Abdoul Aziz Kébé. Depuis le début de la crise malienne, cet islamologue sénégalais ne cesse, par médias interposés, de crier son indignation suite à la profanation et la destruction des tombes et de lieux de culte musulmans dans la ville malienne de Tombouctou, par les groupes islamistes armés qui y font régner leur loi.
Vifs et acerbes sur la critique, les intellectuels le sont moins lorsqu’il s’agit de se faire généreux sur les possibilités de sortie de crise pour le Mali, et ce en dépit des nombreuses interpellations en ce sens venues du public qui comptaient plusieurs figures de la classe politique et de la société civile sénégalaises, ainsi que plusieurs membres de la communauté malienne vivant au Sénégal.
Un aveu d’impuissance face à une crise qui a montré les limites objectives des pouvoirs africains, en dépit des discours volontaristes sur le panafricanisme ou l’intégration régionale.
« Tout ce que nous pouvons, c’est faire pression sur les décideurs », reconnait Aminata Dramane Traoré, qui comme la plupart des intervenants plaidera en faveur de « l’écoute » du peuple malien d’abord. Une démarche qui est tout le contraire de celle que préconise la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao, 15 pays), par ailleurs accusée de vouloir « imposer ses priorités, qui n’en sont pas ».
La Cedeao, lors de sa dernière rencontre sur le Mali a demandé aux autorités en charge de la transition de mettre en place un gouvernement d’union nationale avant le 31 juillet 2012, sous peine de sanctions contre les autorités de Bamako.
« La Cedeao doit rééquilibrer ses efforts de médiation pour ne pas aggraver les fractures déjà profondes de la société malienne », a pourtant recommandé l’ONG « International crisis group » (ICG) dans son dernier rapport sur la crise malienne daté de juillet 2012. Le même rapport évoquait le risque de « déstabilisation » de la sous-région en cas d’envoi des troupes étrangères.
Une position qui n’est pas loin de celle exprimée par les Etats-unis, mais qui suscite la suspicion chez nombre d’intellectuels africains.
Pendant ce temps, le nord du pays reste toujours sous le contrôle des islamistes armés de Ansar Din et du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’ouest (Mujao), qui ont par les armes évincé les indépendantistes au discours plus laïc du Mouvement national de la libération de l’Azawad (MNLA). Au même moment, l’intervention militaire envisagée par la Cedeao pour libérer cette partie du pays et que l’on évoque depuis plusieurs mois, est toujours dans les limbes.
Le projet est soutenu par la France qui se dit prête à fournir une « aide logistique ». Dans un entretien avec le Journal du dimanche (JDD) le président en exercice de la Cedeao, le chef de l’Etat ivoirien Alassane Ouattara, a fait savoir qu’une nouvelle demande de résolution, auprès de l’Organisation des nations unies, sera déposée par l’organe sous régional en faveur de l’intervention militaire.
Cependant la Côte d’Ivoire qui vient de sortir d’une crise violente n’enverra pas de troupes, tout comme le Sénégal, même si les deux pays soutiennent le principe d’une intervention militaire étrangère.
Reste à savoir ce que diront les Maliens eux-mêmes maintenant que leur président de la transition, Dioncounda Traoré, est de retour à Bamako après deux mois de convalescence passés en France, suite à une agression physique par des manifestants hostiles à sa présence à la tête de l’Etat.
« Je vous en donne l’assurance, dans très peu de temps, le Mali sera débarrassé de l’irrédentisme, du narcotrafic et du terrorisme religieux, de toutes les formes d’insécurité qui mettent en danger la paix des citoyens », a-t-il promis dans un discours à la nation, prononcé le dimanche 28 juillet 2012.
En perspective de la formation du gouvernement de transition, il a indiqué qu’il va mener lui-même les consultations, ce qui est vu, par certains analystes, comme un désaveu à l’endroit du Premier ministre Cheikh Modibo Diarra dont une partie de l’opinion réclame la démission depuis quelques temps.
Depuis la chute d’Amadou Toumani Touré, aujourd’hui exilé à Dakar, le Mali après le bref intermède de la junte militaire dirigée par le Amadou Haya Sanogo, le leader des putschistes, navigue toujours entre deux difficultés : l’opérationnalisation de l’intervention militaire pour reconquérir le Nord, et la mise en place d’un consensus autour de la transition.
Premier fautif, ce mirage d’une « démocratie exemplaire » qui colle au pays de puis la chute de Moussa Traoré. La chute de ce dernier en 1991, après avoir dirigé le pays d’une main de fer, allait en effet ouvrir les portes de la démocratie multipartite au Mali, qui pendant deux décennies croyait enfin avoir fini avec les démons des régimes autocratiques ou militaires.
Or, « le Mali était déjà en voie d’anéantissement du fait du manque d’un projet politique clair (…) en plus de la corruption, du népotisme qui gangrénaient notre système économique », soutient Aminata Dramane Traoré lors de cette rencontre organisée le 28 juillet 2012 à Dakar à l’initiative d’Enda-tiers Monde, une ONG basée à Dakar. La conférence se tenait avec comme mot d’ordre « Nous sommes tous Maliens ».
« Ce qui s’est passé au nord comme au sud, c’est l’échec d’un système, d’une démocratie cosmétique », poursuit cette militante altermondialiste, dans son analyse des causes politiques et économiques de la crise malienne.
Le romancier Sénégalais, Boubacar Boris Diop, ira lui chercher ses arguments dans le lancinant problème de « l’absence d’un discours africain sur l’Afrique ».
« Je pense que nous avons perdu la bataille de l’information, ce n’est pas une critique mais une autocritique », a martelé cet ancien journaliste selon qui les médias africains se contentent de répercuter ce que disent les médias occidentaux sur nos propres pays.
« Si le putsch a eu un mérite c’est de souligner la nature et la profondeur des contradictions de la société malienne », analyse l’écrivain sénégalais pour qui le cas malien doit être un moment de questionnement du modèle démocratique africain.
« Quand on fait de la politique, je pense que c’est pour transformer les sociétés, ce que nous avons entendu aujourd’hui nous montre que nos hommes politiques n’ont pas ce besoin de transformation qui doit se faire à partir de nos substrats culturels d’abord, et de notre patrimoine », commente pour sa part Abdoul Aziz Kébé. Depuis le début de la crise malienne, cet islamologue sénégalais ne cesse, par médias interposés, de crier son indignation suite à la profanation et la destruction des tombes et de lieux de culte musulmans dans la ville malienne de Tombouctou, par les groupes islamistes armés qui y font régner leur loi.
Vifs et acerbes sur la critique, les intellectuels le sont moins lorsqu’il s’agit de se faire généreux sur les possibilités de sortie de crise pour le Mali, et ce en dépit des nombreuses interpellations en ce sens venues du public qui comptaient plusieurs figures de la classe politique et de la société civile sénégalaises, ainsi que plusieurs membres de la communauté malienne vivant au Sénégal.
Un aveu d’impuissance face à une crise qui a montré les limites objectives des pouvoirs africains, en dépit des discours volontaristes sur le panafricanisme ou l’intégration régionale.
« Tout ce que nous pouvons, c’est faire pression sur les décideurs », reconnait Aminata Dramane Traoré, qui comme la plupart des intervenants plaidera en faveur de « l’écoute » du peuple malien d’abord. Une démarche qui est tout le contraire de celle que préconise la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao, 15 pays), par ailleurs accusée de vouloir « imposer ses priorités, qui n’en sont pas ».
La Cedeao, lors de sa dernière rencontre sur le Mali a demandé aux autorités en charge de la transition de mettre en place un gouvernement d’union nationale avant le 31 juillet 2012, sous peine de sanctions contre les autorités de Bamako.
« La Cedeao doit rééquilibrer ses efforts de médiation pour ne pas aggraver les fractures déjà profondes de la société malienne », a pourtant recommandé l’ONG « International crisis group » (ICG) dans son dernier rapport sur la crise malienne daté de juillet 2012. Le même rapport évoquait le risque de « déstabilisation » de la sous-région en cas d’envoi des troupes étrangères.
Une position qui n’est pas loin de celle exprimée par les Etats-unis, mais qui suscite la suspicion chez nombre d’intellectuels africains.
Pendant ce temps, le nord du pays reste toujours sous le contrôle des islamistes armés de Ansar Din et du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’ouest (Mujao), qui ont par les armes évincé les indépendantistes au discours plus laïc du Mouvement national de la libération de l’Azawad (MNLA). Au même moment, l’intervention militaire envisagée par la Cedeao pour libérer cette partie du pays et que l’on évoque depuis plusieurs mois, est toujours dans les limbes.
Le projet est soutenu par la France qui se dit prête à fournir une « aide logistique ». Dans un entretien avec le Journal du dimanche (JDD) le président en exercice de la Cedeao, le chef de l’Etat ivoirien Alassane Ouattara, a fait savoir qu’une nouvelle demande de résolution, auprès de l’Organisation des nations unies, sera déposée par l’organe sous régional en faveur de l’intervention militaire.
Cependant la Côte d’Ivoire qui vient de sortir d’une crise violente n’enverra pas de troupes, tout comme le Sénégal, même si les deux pays soutiennent le principe d’une intervention militaire étrangère.
Reste à savoir ce que diront les Maliens eux-mêmes maintenant que leur président de la transition, Dioncounda Traoré, est de retour à Bamako après deux mois de convalescence passés en France, suite à une agression physique par des manifestants hostiles à sa présence à la tête de l’Etat.
« Je vous en donne l’assurance, dans très peu de temps, le Mali sera débarrassé de l’irrédentisme, du narcotrafic et du terrorisme religieux, de toutes les formes d’insécurité qui mettent en danger la paix des citoyens », a-t-il promis dans un discours à la nation, prononcé le dimanche 28 juillet 2012.
En perspective de la formation du gouvernement de transition, il a indiqué qu’il va mener lui-même les consultations, ce qui est vu, par certains analystes, comme un désaveu à l’endroit du Premier ministre Cheikh Modibo Diarra dont une partie de l’opinion réclame la démission depuis quelques temps.
Depuis la chute d’Amadou Toumani Touré, aujourd’hui exilé à Dakar, le Mali après le bref intermède de la junte militaire dirigée par le Amadou Haya Sanogo, le leader des putschistes, navigue toujours entre deux difficultés : l’opérationnalisation de l’intervention militaire pour reconquérir le Nord, et la mise en place d’un consensus autour de la transition.
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