Abdoul Hakim reçoit les journalistes de l’AFP au siège de « la police islamique » de Gao: « Nous sommes ici en terre musulmane, nous ne sommes pas là pour faire du mal aux populations », dit-il dans un français approximatif, mais compréhensible.
Résignés, les habitants de Gao, ville du nord du Mali contrôlée par des islamistes radicaux, se sentent abandonnés et doivent s’accommoder – faute de mieux – de la présence de ces hommes qui, pour être tolérés, font régner l’ordre et accomplissent des travaux d’intérêt général.
En ville, des véhicules surmontés du drapeau noir des jihadistes foncent sur l’un des rares axes goudronnés. Les membres du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) sont chez eux à Gao. Le 27 juin, après de violents combats avec la rébellion touareg, ils en ont pris le contrôle total.
Hormis les banques et quelques bâtiments détruits lors de la prise de la ville fin mars et les séquelles des combats de juin à proximité du palais du gouverneur, Gao présente un visage presque normal, sauf qu’on y trouve plus un seul bar ou hôtel, tous fermés par les islamistes.
Visage poupin, Abdoul Hakim, un Sahraoui, est « l’émir » du Mujao à Gao, qui, avec Tombouctou et Kidal est l’une des principales villes du nord du Mali occupé par deux groupes armés islamistes alliés d’Al-Qaïda au Maghreb islamiste (Aqmi): le Mujao et Ansar Dine (Défenseurs de l’islam).
Abdoul Hakim reçoit les journalistes de l’AFP au siège de « la police islamique » de Gao: « Nous sommes ici en terre musulmane, nous ne sommes pas là pour faire du mal aux populations », dit-il dans un français approximatif, mais compréhensible.
Les quelque 35.000 habitants restés à Gao – contre 70.000 avant l’offensive lancée en janvier par les islamistes et les rebelles touareg du Mouvement national de libération (MNLA), évincé de la région depuis – ont appris à composer avec le Mujao, considéré par beaucoup comme moins brutal que le MNLA.
« Nous sommes ici au +quartier 4+ de Gao. Regardez, ce caniveau, depuis sa création il y a 15 ans, c’est la première fois qu’il est curé, et ce sont les moujahidine qui en ont pris l’initiative », affirme Ibrahima Touré, du collectif des jeunes de Gao.
Pas de barrages ni de contrôles intempestifs à Gao. « Il faut laisser libres les gens », affirme Abdoul Hakim. En revanche, dès qu’un vol, une bagarre ou une agression sont signalés dans un quartier de la ville, la police islamique, dirigée par Alioune, originaire de Gao, intervient.
« Bamako ne fait rien pour nous »
La charia (loi islamique) n’y est pas encore appliquée dans toute sa rigueur comme à Tombouctou, contrôlée par Ansar Dine et où des couples illégitimes et des buveurs d’alccol ont été fouettés, des mausolées de saints musulmans détruits.
En mai, une manifestation de jeunes de Gao, furieux de l’interdiction qui leur avait été faite par les islamistes de jouer au football ou de regarder la télévision, avait été sévèrement réprimée, faisant au moins cinq blessés, dont un par balle.
« Le Mujao a tiré les leçons de la dernière révolte des populations, voilà pourquoi il est devenu plus compréhensif », affirme un enseignant.
Un de ses collègues note cependant que c’est uniquement « parce que le gouvernement malien de Bamako ne fait rien pour nous » que « le Mujao est accepté ». Mais s’il devait y avoir un vote pour désigner le maire de la ville, « je ne crois pas que les habitants de Gao choisiraient un islamiste ».
Le ressentiment est fort à l’égard de l’abandon du Nord par les autorités de transition au pouvoir à Bamako depuis le retrait de militaires qui avaient renversé le 22 mars le président Amadou Toumani Touré, précipitant la chute de cette vaste région – plus de la moitié du territoire malien – au mains des islamistes.
Ibrahim Touré, du collectif des jeunes, s’interroge: « Que fait le gouvernement malien? Sommes-nous toujours Maliens? Il y a à Bamako un débat de chiffonniers, alors que nous, nous souffrons ici ».
« Nos militaires ont fui Gao. Aujourd’hui, c’est le gouvernement qui fuit ses responsabilités en nous oubliant totalement et ce sont les islamistes qui nous ont enlevé des mains du MNLA qui a commis des exactions ici », affirme un autre jeune, Issa Traoré.
Pour eux, une intervention militaire, envisagée à Bamako pour reconquérir le Nord avec l’aide de soldats ouest-africains, ne « résoudra pas le problème ».
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