A Bamako, l'exécutif malien compte trois têtes, qui se contredisent. Difficile, dans ces conditions, d’organiser une intervention militaire extérieure.
Manifestations contre une intervention militaire au Mali, septembre 2012. © HABIBOU KOUYATE / AFP
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«Aucun des trois acteurs qui se partagent le pouvoir, le président intérimaire Dioncounda Traoré, le Premier ministre Cheick Modibo Diarra et le chef de l’ex-junte, Amadou Sanogo, ne dispose d’une légitimité populaire et d’une compétence suffisantes pour éviter une crise plus aiguë.»
Tel est le verdict, sans appel, du dernier rapport d’International Crisis Group (ICG) sur le Mali, «pour une action internationale résolue et concertée».
Cette ONG internationale a changé d’avis sur l’intervention militaire extérieure au Mali.
Cette option, déconseillée en juillet, en raison d’un risque de débordement de la crise hors des frontières du Mali, paraît la seule solution en septembre, pour cause d’incurie des autorités maliennes et sous-régionales.
Comme le diplomate français Laurent Bigot, ICG fustige les «batailles politiques pour se positionner à la tête d’un Etat qui risque de s’écrouler».
La critique vise en tout premier lieu Cheick Modibo Diarra, Premier ministre de transition très contesté, qui est tout de même parvenu à se maintenir à son poste, face à un Dioncounda Traoré qui ne fait pas le poids…
Ce président par intérim —nommé en tant qu’ancien président de l’Assemblée nationale, comme le prévoit la Constitution, pour remplir le vide laissé par la chute d’Amadou Toumani Touré— a fait son retour au Mali, après deux mois de convalescence à Paris.
Des coups de marteau lui ont été assenés sur la tête, le 21 mai, par de «gros bras» qui l’avaient agressé dans son bureau. Des hommes que l’on suppose liés aux putschistes du 22 mars et qui étaient entrés au palais de Koulouba comme dans un moulin…
Depuis, il a certes nommé un nouveau gouvernement de transition, mais sans réussir à évincer Cheick Modibo Diarra, Premier ministre critiqué pour être trop proche des religieux du Haut conseil islamique (HCI), mais aussi des militaires putschistes de la junte d’Amadou Sanogo.
Et Dioncounda Traoré fait plus couler d’encre à Bamako, la capitale, pour son inaction que pour ses actions.
Les islamistes sont en effet à Douentza, une localité distante de seulement 150 kilomètres de Mopti, troisième ville du Mali, située en bordure du vaste territoire contrôlé depuis avril par différents groupes armés prônant l’instauration de la charia.
Les deux hommes se contredisent sans cesse, Dioncounda Traoré cherchant à reprendre la main —en vain.
Un jour, le président affirme qu’il faut dialoguer avec les islamistes. Une semaine après, le Premier ministre déclare au journal Le Monde qu’il est «trop tard» et que Bamako ne peut parler qu’avec les rebelles touareg du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA).
De son côté, Amadou Sanogo voit rouge dès que son allié Cheick Modibo Diarra prend des initiatives tout seul, sans lui en parler d’abord. Le fait que le Premier ministre appelle finalement à une intervention armée extérieure, le 29 septembre, ne lui aurait pas plu du tout…
Selon des proches d’Amadou Sanogo, tout le monde n’est pas le bienvenu au Mali… Les putschistes du 22 mars revendiquent d’ores et déjà un droit de regard sur la composition des forces ouest-africaines de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), qui pourraient être déployées au Nord-Mali sous mandat onusien.
Mohamed Ibn Chambas, l’ancien ministre ghanéen des Affaires étrangères, pressenti au poste d’envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies au Sahel, aura bien du fil à retordre.
Il lui faudra faire avec un problème de leadership national au Mali, mais aussi sous-régional en Afrique de l’Ouest.
Entre Abidjan, Lagos, Dakar et Ouagadougou, l’absence de vision et de consensus sur le problème malien est tel que la Mauritanie (non-membre de la Cédéao) a refusé de participer à la force militaire ouest-africaine.
Pourtant, ce pays est le seul qui se soit vraiment engagé dans la guerre contre al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), à coups d’incursions en territoire malien, avec le soutien logistique de la France.
Une solution qui n’en est pas une, dans la mesure où il n’y a rien à négocier avec AQMI —et pas grand-chose non plus avec le MNLA, en déconfiture totale face aux islamistes.
Dès le lendemain, le général était contredit par Johnnie Carson, responsable de l’Afrique au Département d’Etat américain, qui affirmait que l’intervention militaire serait nécessaire.
Selon le Washington Post, les Etats-Unis planchent déjà sur l’envoi de drones contre les combattants d’AQMI, comme au Pakistan et en Afghanistan contre les talibans.
Alors que la communauté internationale s’engage à reculons, le déploiement effectif d’une force ouest-africaine soutenue par la France, l’Allemagne et les Etats-Unis ne se fera vraisemblablement pas avant plusieurs mois, le temps de mettre tout le monde d’accord —y compris à Bamako, où l’hypothèse d’un nouveau coup d’Etat mené par des officiers mécontents n’est pas à exclure.
Sabine Cessou
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Cette ONG internationale a changé d’avis sur l’intervention militaire extérieure au Mali.
Cette option, déconseillée en juillet, en raison d’un risque de débordement de la crise hors des frontières du Mali, paraît la seule solution en septembre, pour cause d’incurie des autorités maliennes et sous-régionales.
Comme le diplomate français Laurent Bigot, ICG fustige les «batailles politiques pour se positionner à la tête d’un Etat qui risque de s’écrouler».
La critique vise en tout premier lieu Cheick Modibo Diarra, Premier ministre de transition très contesté, qui est tout de même parvenu à se maintenir à son poste, face à un Dioncounda Traoré qui ne fait pas le poids…
Ce président par intérim —nommé en tant qu’ancien président de l’Assemblée nationale, comme le prévoit la Constitution, pour remplir le vide laissé par la chute d’Amadou Toumani Touré— a fait son retour au Mali, après deux mois de convalescence à Paris.
Des coups de marteau lui ont été assenés sur la tête, le 21 mai, par de «gros bras» qui l’avaient agressé dans son bureau. Des hommes que l’on suppose liés aux putschistes du 22 mars et qui étaient entrés au palais de Koulouba comme dans un moulin…
Etrange guerre des chefs
Les espoirs suscités par le discours de Dioncouda Traoré à la nation, le 29 juillet, sont retombés comme un soufflé.Depuis, il a certes nommé un nouveau gouvernement de transition, mais sans réussir à évincer Cheick Modibo Diarra, Premier ministre critiqué pour être trop proche des religieux du Haut conseil islamique (HCI), mais aussi des militaires putschistes de la junte d’Amadou Sanogo.
Et Dioncounda Traoré fait plus couler d’encre à Bamako, la capitale, pour son inaction que pour ses actions.
«Sincèrement, que peut-on attendre d’un homme de 70 ans sauvagement agressé et bafoué? D'un Premier ministre parano qui prend la terre entière et toutes les galaxies autour pour ses ennemis jurés?», dénonce ainsi Birama Konaré, le fils d’Alpha Omar Konaré —premier président élu en 1992, à la retraite et résolument mutique sur la situation dans son pays.Patron d’une agence de communication à Bamako et membre du collectif Plus jamais ça, Birama Konaré conteste «un mode de gouvernance lâche, mou et irresponsable», qui perd beaucoup de temps en palabre, alors que le péril islamiste descend vers la capitale malienne.
Les islamistes sont en effet à Douentza, une localité distante de seulement 150 kilomètres de Mopti, troisième ville du Mali, située en bordure du vaste territoire contrôlé depuis avril par différents groupes armés prônant l’instauration de la charia.
Les deux hommes se contredisent sans cesse, Dioncounda Traoré cherchant à reprendre la main —en vain.
Un jour, le président affirme qu’il faut dialoguer avec les islamistes. Une semaine après, le Premier ministre déclare au journal Le Monde qu’il est «trop tard» et que Bamako ne peut parler qu’avec les rebelles touareg du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA).
De son côté, Amadou Sanogo voit rouge dès que son allié Cheick Modibo Diarra prend des initiatives tout seul, sans lui en parler d’abord. Le fait que le Premier ministre appelle finalement à une intervention armée extérieure, le 29 septembre, ne lui aurait pas plu du tout…
Le piteux état de l'armée
L’armée, elle aussi, est divisée, sur la meilleure manière de reconquérir le nord. Certains veulent voir l’armée malienne y jouer un rôle central. Même si, sur ses 7.300 hommes, seulement 2.000 seraient aptes au combat, murmure-t-on dans les chancelleries occidentales.Selon des proches d’Amadou Sanogo, tout le monde n’est pas le bienvenu au Mali… Les putschistes du 22 mars revendiquent d’ores et déjà un droit de regard sur la composition des forces ouest-africaines de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), qui pourraient être déployées au Nord-Mali sous mandat onusien.
Mohamed Ibn Chambas, l’ancien ministre ghanéen des Affaires étrangères, pressenti au poste d’envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies au Sahel, aura bien du fil à retordre.
Il lui faudra faire avec un problème de leadership national au Mali, mais aussi sous-régional en Afrique de l’Ouest.
Entre Abidjan, Lagos, Dakar et Ouagadougou, l’absence de vision et de consensus sur le problème malien est tel que la Mauritanie (non-membre de la Cédéao) a refusé de participer à la force militaire ouest-africaine.
Pourtant, ce pays est le seul qui se soit vraiment engagé dans la guerre contre al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), à coups d’incursions en territoire malien, avec le soutien logistique de la France.
Pendant ce temps, les islamistes avancent
Au niveau international, la situation n’est guère plus brillante. Abdou Diouf, l’ancien président du Sénégal, à la tête de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), est sorti de son habituel mutisme, fin septembre, pour préconiser une intervention militaire au Mali.«C’est un problème qu’on ne peut pas laisser entre les mains du Mali et de la Cédéao», a-t-il affirmé.De son côté, le général américain Carter Ham, à la tête des forces armées américaines en Afrique (Africom), a défendu le 30 septembre à Alger l’idée d’une «solution diplomatique ou politique», en faisant bien la différence entre les groupes terroristes et les autres.
Une solution qui n’en est pas une, dans la mesure où il n’y a rien à négocier avec AQMI —et pas grand-chose non plus avec le MNLA, en déconfiture totale face aux islamistes.
Dès le lendemain, le général était contredit par Johnnie Carson, responsable de l’Afrique au Département d’Etat américain, qui affirmait que l’intervention militaire serait nécessaire.
Selon le Washington Post, les Etats-Unis planchent déjà sur l’envoi de drones contre les combattants d’AQMI, comme au Pakistan et en Afghanistan contre les talibans.
Alors que la communauté internationale s’engage à reculons, le déploiement effectif d’une force ouest-africaine soutenue par la France, l’Allemagne et les Etats-Unis ne se fera vraisemblablement pas avant plusieurs mois, le temps de mettre tout le monde d’accord —y compris à Bamako, où l’hypothèse d’un nouveau coup d’Etat mené par des officiers mécontents n’est pas à exclure.
Sabine Cessou
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Ce que fait (vraiment) la France face à la crise malienne
Le temps joue contre les populations du Nord-Mali
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