le 11.10.12 | 10h00
Située au nord du Mali, plus exactement au sud-est de la région de Gao, la ville de Ménaka est depuis des mois totalement isolée du monde. Un responsable de la ville affirme que toute intervention militaire ne fera qu’unifier les rangs de toutes les factions avec les groupes terroristes
Des dizaines de personnes fuyant les exactions d’Ançar Eddine, du Mujao et d’Al Qaîda s’y réfugient mais font face à la misère et aux maladies. Faute de soins et de nourriture, bon nombre d’entre elles meurent quotidiennement. Les dernières pluies ont aggravé la situation et rien n’indique une quelconque amélioration.
C’est le tableau noir que nous dresse Lamine Ag Billal, porte-parole du commandement du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA). Dans cette ville, que dirige le colonel Mohamed Ag Akli, la seule ville que le mouvement contrôle depuis qu’Ançar Eddine et les deux organisations terroristes, Al Qaîda et le Mujao , se sont emparés de Kidal, Gao et Tombouctou. Contacté par téléphone satellitaire, le responsable lance un véritable cri de détresse en direction du monde et surtout des ONG humanitaires.
«Des centaines de familles ont rejoint Ménaka pour fuir les attaques des groupes islamistes armés à Gao et à Tombouctou. Il n’y a ni eau, ni électricité, ni nourritures et ni médicaments. Les rares camions que la Croix-Rouge internationale dépêche sont livrés directement aux groupes islamistes, abandonnant la population à son terrible sort. Même les équipes de Médecins du monde se sont rétrécies et leurs moyens devenus insignifiants», déclare notre interlocuteur.
Selon lui, le Mujao et Al Qaîda sont en train de multiplier le recrutement de jeunes dont l’âge n’atteint même pas les 16 ans, qu’ils entraînent et arment pour renforcer leurs rangs, précisant que des quantités énormes d’armes circulent dans toutes les régions du nord du Mali. «Nous avons remarqué qu’il y a de plus en plus d’étrangers au sein de ces groupes. Pas seulement des Algériens, Tunisiens, Pakistanais, Somaliens, Mauritaniens, Libyens, Soudanais et Yéménites, mais également des musulmans d’Afrique noire, des Français et même des Américains. Ces derniers nous les avons remarqués à Gao, où le Mujao détient les otages occidentaux, dont deux Français, et les diplomates algériens. Ces exactions ont poussé les gens à se réfugier à Ménaka, sous la protection du MNLA. Mais la situation dans cette ville est chaotique. Il faut que les Etats et les ONG humanitaires se penchent sur le cas de Ménaka, où des milliers de réfugiés vivent l’enfer», déclare Lamine Ag Billal, dont la crainte s’exacerbe à cause de cette menace d’intervention militaire brandie par Paris et Bamako.
«Tout le monde sait qu’une opération militaire dans le Nord aura de graves conséquences humanitaires, non seulement sur le Mali mais également sur les pays limitrophes. Une attaque militaire implique inévitablement une alliance stratégique entre toutes les factions qui activent sur le terrain, y compris le MNLA. Dans ces conditions, pour nous, il s’agira de défendre notre territoire contre des forces étrangères armées et équipées par la France, l’ancienne puissance coloniale. Nous ferons des troupes de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) une bouchée de pain, parce que ce sera toute la population de l’Azawad qui se soulèvera contre l’Occident…», explique Lamine Ag Billal.
Pour lui, la solution réside d’abord dans le dialogue entre les tribus de la région et dont font partie Ançar Eddine et le MNLA. «Nous voulons trouver un consensus autour de la nécessité de débarrasser le Nord des éléments qui lui sont étrangers pour mieux négocier en rangs serrés, avec le régime de Bamako, l’avenir de l’Azawad. Aucune force étrangère ne peut nettoyer la région des groupes terroristes sans avoir l’accord des autochtones. Nous pouvons combattre les groupes terroristes, pour peu que les Etats, ceux-là mêmes qui arment et équipent les 3000 hommes de la Cédéao, nous aident pour venir à bout de ces phalanges qui, faut-il le préciser, n’ont pas l’autorité sur tout le Nord, mais uniquement sur quelques points stratégiques dans les villes de Gao et de Tombouctou», révèle Lamine Ag Billal.
En fait, cette position rejoint celle que défend l’Algérie, qui consiste à privilégier une solution politique pour régler la crise et éviter, coûte que coûte, l’option militaire qui, en plus d’être très coûteuse en vies humaines, constitue un saut vers le chaos.
Si la France continue à faire pression pour intervenir militairement avant la fin de l’année, en dépit des échecs cuisants de ses troupes spéciales lors des deux opérations de libération d’otages français (détenus par Al Qaîda au nord du Mali), le secrétaire général de l’ONU ne semble pas vouloir suivre cette voie suicidaire.
Lors d’une conférence de presse à Paris, à l’issue de sa rencontre avec le président français, il a déclaré : «Ma position comme secrétaire général est qu’avant toute opération militaire, il faudrait qu’il y ait des négociations politiques et un dialogue». Ban Ki-moon estime que face à une opération militaire, «il faut être très clair, avoir des plans concrets et des modalités d’application et connaître les conséquences d’un déploiement de forces militaires dans la région». Interrogé sur une éventuelle échéance, telle que souhaitée par Paris (avant la fin de l’année), Ban Ki-moon répond : «Les membres du Conseil de sécurité sont d’accord pour discuter du sujet, mais la rapidité d’une décision revient aux Etats membres (…) Je ne peux pas dire qu’il n’y a pas de consensus.
Ils ont réclamé des planifications, davantage de plans et de propositions détaillées. Ils attendent des réponses des dirigeants africains.» En clair, l’ONU n’est pas prête à suivre Paris dans sa politique du chaos au Mali. Force est de constater que la solution politique, défendue par Alger, poursuit son petit bonhomme de chemin, même si, souvent, en cours de route, il y a des bâtons dans les roues.
Il est question de préserver des milliers de personnes qui risquent d’être tuées sur l’autel de la libération du nord du Mali des mains d’Al Qaîda, comme si tous les Touareg, qui se battent depuis des lustres pour le droit à la dignité, étaient des terroristes.
C’est le tableau noir que nous dresse Lamine Ag Billal, porte-parole du commandement du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA). Dans cette ville, que dirige le colonel Mohamed Ag Akli, la seule ville que le mouvement contrôle depuis qu’Ançar Eddine et les deux organisations terroristes, Al Qaîda et le Mujao , se sont emparés de Kidal, Gao et Tombouctou. Contacté par téléphone satellitaire, le responsable lance un véritable cri de détresse en direction du monde et surtout des ONG humanitaires.
«Des centaines de familles ont rejoint Ménaka pour fuir les attaques des groupes islamistes armés à Gao et à Tombouctou. Il n’y a ni eau, ni électricité, ni nourritures et ni médicaments. Les rares camions que la Croix-Rouge internationale dépêche sont livrés directement aux groupes islamistes, abandonnant la population à son terrible sort. Même les équipes de Médecins du monde se sont rétrécies et leurs moyens devenus insignifiants», déclare notre interlocuteur.
Selon lui, le Mujao et Al Qaîda sont en train de multiplier le recrutement de jeunes dont l’âge n’atteint même pas les 16 ans, qu’ils entraînent et arment pour renforcer leurs rangs, précisant que des quantités énormes d’armes circulent dans toutes les régions du nord du Mali. «Nous avons remarqué qu’il y a de plus en plus d’étrangers au sein de ces groupes. Pas seulement des Algériens, Tunisiens, Pakistanais, Somaliens, Mauritaniens, Libyens, Soudanais et Yéménites, mais également des musulmans d’Afrique noire, des Français et même des Américains. Ces derniers nous les avons remarqués à Gao, où le Mujao détient les otages occidentaux, dont deux Français, et les diplomates algériens. Ces exactions ont poussé les gens à se réfugier à Ménaka, sous la protection du MNLA. Mais la situation dans cette ville est chaotique. Il faut que les Etats et les ONG humanitaires se penchent sur le cas de Ménaka, où des milliers de réfugiés vivent l’enfer», déclare Lamine Ag Billal, dont la crainte s’exacerbe à cause de cette menace d’intervention militaire brandie par Paris et Bamako.
«Tout le monde sait qu’une opération militaire dans le Nord aura de graves conséquences humanitaires, non seulement sur le Mali mais également sur les pays limitrophes. Une attaque militaire implique inévitablement une alliance stratégique entre toutes les factions qui activent sur le terrain, y compris le MNLA. Dans ces conditions, pour nous, il s’agira de défendre notre territoire contre des forces étrangères armées et équipées par la France, l’ancienne puissance coloniale. Nous ferons des troupes de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) une bouchée de pain, parce que ce sera toute la population de l’Azawad qui se soulèvera contre l’Occident…», explique Lamine Ag Billal.
Pour lui, la solution réside d’abord dans le dialogue entre les tribus de la région et dont font partie Ançar Eddine et le MNLA. «Nous voulons trouver un consensus autour de la nécessité de débarrasser le Nord des éléments qui lui sont étrangers pour mieux négocier en rangs serrés, avec le régime de Bamako, l’avenir de l’Azawad. Aucune force étrangère ne peut nettoyer la région des groupes terroristes sans avoir l’accord des autochtones. Nous pouvons combattre les groupes terroristes, pour peu que les Etats, ceux-là mêmes qui arment et équipent les 3000 hommes de la Cédéao, nous aident pour venir à bout de ces phalanges qui, faut-il le préciser, n’ont pas l’autorité sur tout le Nord, mais uniquement sur quelques points stratégiques dans les villes de Gao et de Tombouctou», révèle Lamine Ag Billal.
En fait, cette position rejoint celle que défend l’Algérie, qui consiste à privilégier une solution politique pour régler la crise et éviter, coûte que coûte, l’option militaire qui, en plus d’être très coûteuse en vies humaines, constitue un saut vers le chaos.
Si la France continue à faire pression pour intervenir militairement avant la fin de l’année, en dépit des échecs cuisants de ses troupes spéciales lors des deux opérations de libération d’otages français (détenus par Al Qaîda au nord du Mali), le secrétaire général de l’ONU ne semble pas vouloir suivre cette voie suicidaire.
Lors d’une conférence de presse à Paris, à l’issue de sa rencontre avec le président français, il a déclaré : «Ma position comme secrétaire général est qu’avant toute opération militaire, il faudrait qu’il y ait des négociations politiques et un dialogue». Ban Ki-moon estime que face à une opération militaire, «il faut être très clair, avoir des plans concrets et des modalités d’application et connaître les conséquences d’un déploiement de forces militaires dans la région». Interrogé sur une éventuelle échéance, telle que souhaitée par Paris (avant la fin de l’année), Ban Ki-moon répond : «Les membres du Conseil de sécurité sont d’accord pour discuter du sujet, mais la rapidité d’une décision revient aux Etats membres (…) Je ne peux pas dire qu’il n’y a pas de consensus.
Ils ont réclamé des planifications, davantage de plans et de propositions détaillées. Ils attendent des réponses des dirigeants africains.» En clair, l’ONU n’est pas prête à suivre Paris dans sa politique du chaos au Mali. Force est de constater que la solution politique, défendue par Alger, poursuit son petit bonhomme de chemin, même si, souvent, en cours de route, il y a des bâtons dans les roues.
Il est question de préserver des milliers de personnes qui risquent d’être tuées sur l’autel de la libération du nord du Mali des mains d’Al Qaîda, comme si tous les Touareg, qui se battent depuis des lustres pour le droit à la dignité, étaient des terroristes.
Un groupe islamiste, deux organisations terroristes et un mouvement laïc poussé à l’exil :
Censé être libéré de l’occupation militaire malienne, le nord du Mali est aujourd’hui disputé par Ançar Eddine, un groupe intégriste dirigé par Ayad Ag Ghaly, le Mouvement pour l’unicité du jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) et le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA). Chacune de ces factions occupe un territoire où l’activité de contrebande, de crime organisé, de trafic de cocaïne et d’arme reste la plus fructueuse.Si le MNLA a été totalement dépassé par les événements, au point de se voir retranché aux frontières avec l’Algérie, à Tinzawatine (malienne) et avec le Niger, à Ménaka, les trois autres groupes, puissamment armés, fortement équipés et bien entraînés, ont tellement pris de l’ampleur qu’ils ont fini par avoir le contrôle sur les principales villes du Nord. Les trois s’entraident, s’échangent les informations et se rendent services, sans qu’ils n’aient la même stratégie ni les mêmes objectifs.
Ils se sont mis d’accord sur des lignes rouges que chacun des trois respecte ; aucun ne piétine le terrain de l’autre. Ainsi, les troupes de l’AQMI, que dirige Abou Zeïd, contrôlent la région d’Adrar, au nord-est du Mali, ainsi que Tombouctou. A part les membres de la direction, la majorité de ses éléments ne sont pas algériens. L’AQMI est le plus organisé et le plus doté en moyens humains et logistiques. Le Mujao occupe, quant à lui, la région de Gao, où il retient en captivité plusieurs otages occidentaux ainsi que les diplomates algériens, enlevés il y a plus de six mois du siège du consulat algérien à Gao.
Les conditions de la création de ce groupe, l’acquisition de ses moyens militaires et financiers ainsi que les objectifs qu’il cible laissent planer le doute quant à ses réels desseins dans la région. C’est la seule organisation terroriste d’Al Qaîda qui limite son territoire (Afrique de l’Ouest), sans y être et cible uniquement l’Algérie et les Sahraouis. Ses troupes sont composées essentiellement de ressortissants de l’Afrique noire, mais aussi d’Arabes, de quelques Touareg, de Pakistanais et de Mauritaniens.
A la différence de ces deux groupes, Ançar Eddine est plutôt un mouvement de Touareg issus de tribus assez influentes de la région de Kidal, où il est le plus présent. Les membres d’Ançar Eddine ne sont pas des «djihadistes» comme ceux du Mujao ou d’AQMI, mais plutôt des extrémistes religieux qui veulent imposer la charia au nord du Mali. Il se distingue des deux premiers parce qu’il estime que son objectif est d’instaurer une république islamique, arguant du fait que l’islam est la religion du Mali. Cependant, il existe, en son sein, deux forts courants qui le traversent.
Celui qui reste attaché à un islam ouvert sur le monde et modéré et celui plus rigoureux qui veut un Etat à l’image de celui instauré par les talibans. Mais il est important de relever que le Mujao et Ançar Eddine s’inspirent des modes opératoires d’AQMI pour passer à des actions ponctuelles à effet médiatique pour imposer le strict respect de la morale «islamique», comme l’interdiction de la mixité, l’amputation du bras pour les voleurs, la lapidation jusqu’à la mort pour les auteurs d’adultère, etc.
Aujourd’hui, cette région est devenue non seulement une base arrière pour les groupes islamistes armés, mais aussi un repaire des narcotrafiquants et des trafiquants d’armes et de véhicules. Les forces d’Ançar Eddine, du Mujao et d’AQMI lui ont barré la route. Avec un rapport de forces en faveur des islamistes et d’Al Qaîda, le MNLA s’est retranché dans ses bases les plus reculées.
Aujourd’hui, ses dirigeants espèrent renouer contact avec Ançar Eddine pour recréer les passerelles et faire en sorte de réunifier les rangs, pour chasser les groupes terroristes et discuter, par la suite, de l’avenir de la région et du mode de vie que la population aimerait avoir. La laïcité semble avoir été totalement écartée, y compris au sein du MNLA.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire