Situation au nord du Mali: Autopsie d’une crise - maliweb.net
Historiquement, le Mali porte le nom de l’ancien Empire mandingue. Il gardera ce nom à la suite de la dissolution en 1960 de la Fédération du Mali constituée avec le Sénégal en 1959.
Un engagement militaire à moyen terme, ayant pour objectif le rétablissement de l’intégrité territoriale malienne, pourrait avoir des conséquences insoupçonnées pour tous les Etats de la région:
-Un début d’une déstabilisation régionale pour un demi-siècle, pouvant entraîner dans son sillage,-une implosion sur le long terme des Etats nés de la décolonisation avec une nouvelle carte géographique redessinée, tenant compte principalement des ressources naturelles au profit des Puissants.
Les perdants seront toujours les populations civiles qui, d’un stade d’errance, (réfugiés), se verront rattachées à des espaces territoriaux bousculant leur mode vie, leurs us et coutumes, un déracinement sans précédent.
Introduction à l’occupation du nord du Mali
Historiquement, le Mali porte le nom de l’ancien Empire mandingues. Il gardera ce nom à la suite de la dissolution en 1960 de la Fédération du Mali constitué avec le Sénégal en 1959. Ancien Soudan français, capitale Bamako, le Mali est une République de 11 millions d’habitants sur une superficie de 1.240.000 kilomètres carrés. La langue officielle est le français et la principale langue véhiculaire est le bambara. La monnaie est le franc CFA. La population est rurale à 74%. Les principales ethnies sont les Bambaras, Foulbés, Sarakolés, Malinkés, Dogons, les Touareg et les Maures. La religion dominante est l’Islam avec 1% de christianisme et 9% de religion traditionnaliste.
Géographiquement, le Nord est désertique et appartient au Sahara méridional, prolongé au centre par le Sahel. C’est une zone steppique à longue saison sèche. Le Sud plus peuplé, a un climat humide de savanes et de forêts. Zone de culture, (mil, riz, coton, arachide, manioc), le Mali a perdu sa place de premier producteur d’Afrique de coton. La pêche fluviale constitue un appoint appréciable. Les ressources minières, (or, diamant, bauxite, manganèse), sont peu exploitées. Politiquement, l’instauration d’un visa entre les deux pays serait plus favorable à l’Algérie en raison de l’avenir qui se dessine. Le flux de Maliens qui ont toujours déferlé en transit pour se rendre au Maroc en vue de rejoindre l’Europe, a parfois mis dans la gêne aussi bien les Algériens mais aussi les Marocains qui n’ont jamais hésité à les renvoyer en Algérie lorsqu’ils utilisent la compagnie nationale aérienne comme moyen de transport. Comme ils ne sont pas soumis à un visa préalable à leur entrée dans le Royaume, munis d’un pécule consistant, c’est à juste titre que la compagnie algérienne accepte leur embarquement vers le Royaume.
La crise du Mali en six points
1. Les divergences géographiques et ethniques du Nord et du Sud,
2. La question targuie, (la rébellion de 1990-1995),
3. Les conséquences de la destitution du régime El Gueddafi, (l’armement),
4. Le coup d’Etat militaire, destitution du Président sortant, non-candidat à sa propre succession,
5. La prise par les Touareg du Nord et la déclaration d’indépendance de l’Azawad,
6. L’entrée en scène des groupuscules islamistes assistés et financés par deux Etats arabes les plus rétrogrades de la planète.
Pour ce qui est du premier point, les éléments explicatifs sont retracés dans l’introduction.
Le second point: les Touareg n’ont jamais accepté l’autorité de Bamako pour des raisons: -raciales: inacceptable pour le Targui de se voir ordonner sous quelque forme que ce soit, l’autorité de son esclave d’hier,- économiques, sociales et culturelles: sur ces trois aspects, la vie targuie occupant le Nord, (les deux tiers du territoire malien) s’oppose sur plusieurs facettes au Sud habité par une population noire et ethnique diverses. La rébellion décisive de 1990-1995 a trouvé un temps de répit grâce aux bons offices de l’Algérie. L’effondrement du régime d’El Gueddafi a fourni aux Touareg l’occasion de s’armer lourdement. La confusion politique à Bamako traduite par l’éloignement par les militaires du Président sortant non candidat à sa propre succession et le soutien «sentimental» des frères éparpillés à travers les six pays limitrophes, favorisé leur prise de décision pour passer à l’action.
Le troisième point: l’effritement du régime d’El Gueddafi a eu une conséquence désastreuse pour la région: un déferlement d’armement lourd qui a profité à tous les groupuscules insoumis ou en sédition.
Le quatrième point: le Président sortant n’était pas candidat à sa propre succession. Aux premières loges de la direction politique du pays, il savait mieux que quiconque ce qui se tramait pour le destin du Mali. Le refus de ses deux voisins immédiats arabes d’une aide militaire conséquente, l’a amené à susciter un coup de force militaire. Cet état de fait trouve ses fondements dans les éléments suivants: -le mieux placé à connaître les tenants et aboutissants de la crise, -ne pouvant mener l’élection présidentielle à son terme, il était, donc directement désigné à assurer une transition difficile à réaliser, -un simple officier et quelques militaires ont été poussés au premier plan. Ni préparés, ni politisés, ils se sont jetés dans la gueule du loup, propulsés par un nationalisme primaire, un ras-le-bol certain et un horizon bouclé.
-ensuite, dans ce «faux vrai coup d’Etat militaire», le Président n’a pas été inquiété. Il était à l’abri de toute crainte à sa vie ou celle de sa famille. Il n’a fait l’objet d’aucune arrestation ni incarcération, une sorte de mise à l’écart. Des communiqués ont fait même état de sa bonne et parfaite santé et sa domiciliation dans un lieu tenu discret. -aucun officier supérieur de l’armée malienne n’a figuré dans le processus du coup de force militaire. Tout semblait être tramé, planifié et suivi par la présidence de la République. L’ex-président malien, animal politique, a su tirer sa révérence sans impliquer sa personne. L’histoire implacable de demain divulguera le véritable processus à l’origine de cette situation vécue par le Mali.
Le cinquième point: les Touareg, organisés à travers un mouvement de revendications politiques, a saisi l’opportunité inespérée de la situation politique du Mali ci-dessus décrite pour s’emparer de la région Nord du pays, (l’Azawad). Considérée comme la terre de leurs ancêtres, à partir de Paris, les Touareg ont déclaré unilatéralement l’indépendance de l’Azawad. En conséquence, toute discussion avec le partenaire malien ne peut omettre d’inclure le paramètre «Touareg». Le destin des pays du Sahel dépendra de sa solution. L’ignorer, c’est reporter à une date ultérieure le conflit.
Le sixième point: a son tour, le mouvement targui a été évincé par des groupuscules islamistes. Alliés de fait en premier ressort, ces derniers ont déniché le terrain idéal à leur expérience d’instauration d’un territoire sous emprise de la charia comme Constitution et code de conduite. L’antagonisme, aux racines sociales et culturelles profondes des uns envers les autres, (Touareg, Arabes et Noirs), ne permettait pas dans une étape mouvementée de s’accorder sur une plate-forme de transition. La force a fait le reste.
L’intervention militaire africaine qui se dessine, la préparation et ses moyens de la réalisation:
Gouverner, c’est prévoir
J’ai signalé dans un précédent article:
-a) «Une déstabilisation sur un demi-siècle avec à la clé une menace d’implosion des Etats nés de la décolonisation et donc d’une nouvelle carte géographique régionale redessinée».
-b) «Les islamistes ont une profonde conviction de la portée du combat à mener. Ils ont une maitrise du maniement des armes. Ils sont aguerris aux conditions de vie les plus dures et ne craignent pas la mort».
-c) Tous les spécialistes militaires diront que pour affronter ce genre de situation, il faut mener le combat dans les mêmes conditions. L’armée classique n’est pas préparée à ce genre d’affrontement guerrier. Pour ces trois raisons principales, les militaires africains appelés à faire partie du contingent d’intervention doivent être très bien payés, bien armés et assurés d’une couverture aérienne. La préparation et la tactique à mener dans ce genre de conflit doivent être élaborées guidées et orientées par des conseillers «étrangers» au continent. Ceci dit, je réitère qu’il n’est pas dans l’intérêt de l’Algérie de participer à une intervention armée dans un conflit qui se déroulerait à ses frontières. «Dans une confrontation militaire, il est facile de s’engager mais on ne sait jamais comment s’en sortir», ministre nigérien de la Défense»). Les militaires algériens semblent avoir convaincu leurs homologues nigériens de s’abstenir de faire partie du contingent d’intervention. La France a déclaré qu’elle apportera une contribution logistique mais confirme son refus de l’envoi de troupes au sol. La vision française peut faire valoir la raison d’Etat pour engager la France dans ce conflit militaire malgré la présence d’otages français. (Pour se justifier à l’égard de son opinion, le politique français examinera et engagera préalablement toutes les voies et tous les moyens pour sauvegarder la vie des otages. En tout cas, l’un des deux pays arabes est bien placé pour être appelé à sous-traiter cette question humanitaire). Ce pays arabe ne cesse de se manifester ces temps-ci, notamment en France pour répandre sa masse de dollars sous le couvert d’investissement. Il pourrait se substituer à l’Etat ad hoc et régler la note. Une présence militaire multinationale avec la bénédiction de la communauté internationale, (mandat de l’ONU), n’est pas de nature à faciliter la gestion de nos frontières durant tout le long du conflit dont la durée peut être incertaine notamment pour sécuriser la gestion des ressources (l’uranium du Niger par exemple). La France peut être appelée à prendre certaines dispositions via le contingent d’intervention militaire africain à demeurer sur place pour sécuriser l’exploitation minière. Un mouvement des populations civiles désemparées est pratiquement inévitable. D’autres conséquences gravissimes peuvent découler de cette présence militaire multinationale pour tous les pays de la région, notamment des solutions qui peuvent être imposées à certaines questions qui se posent à la région. Les deux pays arabes suscités vont trouver l’occasion de fourrer leur nez dans une zone loin de leur cadre géographique concerné en attisant le feu parce qu’ils rentrent dans la stratégie comme parrains de la feuille de route tracée par les Puissants. L’Algérie, qui s’est illustrée par une certaine attitude durant le printemps arabe et la crise syrienne, peut être ciblée et offrirait l’occasion à ces deux pays arabes d’exercer et de riposter par une revanche. On ne peut conclure sans citer la vision américano-algérienne réaliste qui considère que la question du Sahel peut être examinée dans un processus d’approche globale à plusieurs degrés, (contacts, dialogues, négociations) dont l’option militaire ne peut être envisagée que comme étape suprême. Cette situation explosive à nos frontières relèvera de la gestion des Hommes de 2014. Le premier cercle du pouvoir aura la lourde tâche du choix des hommes à diriger le pays durant cette étape cruciale de «survie». Le chef de la diplomatie, un homme de réflexion et le sens de l’analyse doivent être les deux paramètres sur lesquels repose le choix de sa nomination. Le panier du clientélisme, la cooptation ou le piston, (car ces critères engendrent la médiocrité, l’absence de la réflexion et le réflexe de l’initiative), doivent être bannis dans la désignation des «représentants de l’Etat» chargés à l’étranger de suivre les événements. L’oeil alerte, savoir lire dans les yeux de l’interlocuteur, le réflexe de signaler en son temps l’événement déclencheur d’une situation inextricable sont les paramètres essentiels de leur désignation, (surtout les rapports doivent décrire une situation réelle avec un sens de la réflexion et de l’analyse et non rédiger des textes qui plaisent. Ils ne sont pas désignés pour plaire. Il s’agit du destin du pays). Ceci dit, une diplomatie offensive dès 2014 doit s’installer. Elle doit être alerte, réfléchie et répondant aux intérêts exclusifs de l’Algérie, ni en retard, ni en avance, avec comme corollaires, la sauvegarde de l’unité nationale, l’intégrité territoriale et la souveraineté nationale. Une attitude ambiguë doit être évitée car c’est une lame à double tranchant.
lexpressiondz.com/ Par Ahmed LAGRAA - Jeudi 11 Octobre 2012
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