Le coup d’Etat qui a tout foutu en l’air(Liberté Togo 01/10/2012)
Il y a des coups d’Etat salvateurs et des coups d’Etat néfastes. Celui du 22 mars 2012 au Mali constitue, à n’en pas douter, un événement à classer dans la deuxième catégorie eu égard à ses nombreuses conséquences néfastes. La crise policière qui s’est invitée le mercredi passé dans les débats et qui a encore secoué Bamako est l’une des conséquences de l’intrusion malheureuse des militaires dans la vie politique malienne à quelques semaines de la présidentielle qui devait consacrer la consolidation de la démocratie et la succession de Toumani Touré par un président sorti démocratiquement des urnes.
Le chemin a été long, très long, qui a conduit l’Onu à se saisir enfin la semaine dernière, du dossier malien dans le cadre de la 67ème Assemblée générale des Nations unies, après toute une série de rebondissements assez malheureux dans la crise malienne. En débit de la grande lenteur et des multiples divergences, les autorités du Mali ont fini par s’entendre et saisir la CEDEAO de la requête autorisant le déploiement des troupes de l’organisation sous régionale.
Aujourd’hui, on peut se poser à juste titre la question de savoir si le coup d’Etat survenu dans la nuit du 21 au 22 mars 2012 et qui a contraint ATT à signer sa démission sans avoir eu l’opportunité de passer librement la main à un successeur sorti des urnes valait la peine, vu qu’il a fait plus de torts que de bien à ce pays dont la démocratie était dans un processus de consolidation. Depuis la mi-janvier 2012, le Mouvement national de libération de l’Azaouad (MNLA) a déclenché une nouvelle insurrection qui a abouti à la prise de quelques villes et villages comme la ville stratégique de Tinzawaténé, Ménaka, Aguelhok, Léré, etc.
Au lendemain de la destitution du président ATT, ce coup d’Etat précipite la désorganisation de l’armée malienne avec la fuite ou l’assassinat de plusieurs militaires maliens des zones occupées. Successivement Kidal, Tombouctou et Gao, trois villes importantes de l’Azaouad, tomberont aux mains de la rébellion. Le MNLA proclamera le 6 avril l’indépendance de la région demeurée d’actualité jusqu’en ce mois de septembre où la CEDEAO et l’UA transmettront à l’ONU la demande du Mali en vue d’un soutien logistique, financier et en renseignement pour l’aider à se libérer des ses envahisseurs.
Entre-temps, le MNLA enregistrera l’arrivée en soutien de quelques autres groupes organisés que sont Ansar Dine avec qui il signera le 26 mai un accord de fusion. Bien vite, cet accord sera dévoyé par le fait que le groupe Ansar Dine tient à la pratique de la charia, contrairement au MNLA qui tient à la laïcité. Il y aura l’arrivée de Mujao et des membres d’Aqmi. Tous ces éléments vont occuper les 2/3 du territoire et ce sera le début d’un long calvaire pour les populations du Nord-Mali.
Ce calvaire sera caractérisé par des exodes massifs de populations vers les pays voisins comme le Niger, la Mauritanie, l’Algérie et d’autres vers le Sud, notamment Bamako et sans grands moyens de survie. Egalement par des souffrances morales, psychologiques, physiques, financières et matérielles. Les centres de santé manqueront de médicaments et de tout, faute de ravitaillement. Combien de Maliens ont pu perdre leur vie dans cette situation en voulant donner la vie ou par maladie ? Dieu seul sait.
A cela, il faut ajouter l’application de la loi islamique qu’est la charia avec des amputations de mains et/ou de pieds pour accusation de vol, sans oublier des cas de simple présomption. Le nord-Mali avec l’imposition de l’islam pur et dur mettra très mal à l’aise les populations restées sur place faute de mieux et n’ayant pas d’autres choix que de subir. Parmi les désagréments il y a le refus de jouer de la musique moderne, l’exigence de port de voile intégral pour les femmes, .. Bref, il s’agit d’un recul de plusieurs années par rapport au progrès de l’humanité.
Il faut ajouter à tout cela, ce qui paraît de loin le plus scandaleux : la destruction des sites historiques datant de plusieurs siècles dans la ville dite des 333 saints (Tombouctou) et à Gao et qui, même reconstruits à l’identique perdront leur symbole et toute leur originalité. Ces sites sont classés par l’UNESCO dans le patrimoine universel.
Suite à la lourde chape de plomb qui pèse sur le pays plusieurs semaines après le coup d’Etat militaire mené par le Capitaine Haya Amadou Sanogo, une tentative de renversement de la situation a eu lieu le 30 avril 2012 et qui fut réprimée par les hommes de la junte avec des cas d’exécutions sommaires et de disparitions de plusieurs hommes de la garde présidentielle (les bérets rouges). Suivra l’agression contre le professeur Dioncounda Traoré dans son bureau le 21 mai 2012. Ce qui le conduira pour un séjour de plusieurs semaines en France. Ce long séjour en France aura davantage contribué à retarder la recherche d’une solution durable à la crise dans le nord du Mali.
Alors que la communauté internationale était à l’œuvre pour la mise sur pied de la mission de la Cédéao au Mali (Micéma) et qu’au Mali, les dirigeants planchaient sur le cas malien, voilà que le mercredi dernier, une crise qui est une conséquence elle aussi du dernier coup d’Etat perpétré au Mali par le Capitaine Sanogo, éclate entre policiers. Cette crise est liée à de récentes nominations au sein de la police nationale, nominations qui ont fait beaucoup de mécontents. Et c’est pour manifester leur mécontentement que certains se sont servis de leurs armes.
Ces nominations intervenues lors de l’anniversaire de l’indépendance le 22 septembre avaient pour but de récompenser les éléments du syndicat de la police qui ont participé au coup d’Etat de mars. Des sergents-chefs sont devenus des commissaires de police, des sergents stagiaires et même des chauffeurs sont montés au grade d’inspecteur. Pourtant, le statut de la police exige que pour devenir commissaire de police, il faut être titulaire d’une maîtrise. Ceci, juste pour montrer comment l’approximation et l’esprit de facilité empêchent le progrès dans nos différents pays africains.
Par ce petit tour d’horizon, nous avons tenu à profiter de la réunion qui vient d’avoir lieu à New-York sur le Mali alors que les populations commençaient par perdre tout espoir, pour relever les graves implications d’un coup d’Etat qui s’est avéré totalement inutile dans un pays profondément engagé dans un processus démocratique salué par tous. Il n’y a pas de démocratie à 100% parfaite. Faute d’accepter ce qui avait cours au Mali, voilà où l’improvisation des gens qui croient qu’il suffit d’avoir des armes pour tout régler, a conduit le Mali d’Alpha Omar Konaré et d’Ahmadou Toumani Touré.
Alain SIMOUBA
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