jeudi 20 juin 2013

Blaise Compaoré à Dioncounda Traoré : « N’oublie pas qui t’a fait roi ! ». - leFaso.net, l'actualité au Burkina Faso

Blaise Compaoré à Dioncounda Traoré : « N’oublie pas qui t’a fait roi ! ». - leFaso.net, l'actualité au Burkina Faso
jeudi 20 juin 2013
Blaise Compaoré à Dioncounda Traoré : « N’oublie pas qui t’a fait roi ! ».
C’était ce matin (lundi 17 juin 2013) dans Sidwaya, le quotidien national burkinabè. Un papier de Koumia Alassane Karama, « de retour de Vienne ». Blaise Compaoré était dans la capitale autrichienne, la semaine dernière, pour participer à la 40ème session de la Commission préparatoire de l’Organisation du traité d’interdiction complète des essais nucléaires (OTICE).

 


Un séjour du 12 au 14 juin. Alors que tout le monde espérait que le dossier de la crise malo-malienne serait rapidement bouclé après la médiation menée du 8 au 10 juin. On sait qu’il n’en est rien et qu’en cette fin de journée du lundi 17 juin les conversations se poursuivent dans la capitale burkinabè. Les médias publics burkinabè sont discrets sur cette médiation. La RTB fait, dans ses journaux, l’impasse sur les tribulations des diplomaties burkinabè, africaines et internationales et ne rapporte que les événements protocolaires. Autrement dit, rien depuis le samedi 8 juin, jour d’ouverture (retardée) des discussions. Blaise, quant à lui, ne communique pas sur les affaires en cours. Il fallait donc le suivre à Vienne, non pas pour en savoir un peu plus mais pour percevoir son état d’esprit.
C’est Karama qui vend la mèche. Avec, n’en doutons pas, le feu vert de la communication présidentielle. Son papier est titré : « Les péripéties de la médiation dévoilées à Vienne ». Dans la capitale autrichienne, le président du Faso a animé un point presse avec des journalistes autrichiens, internationaux et burkinabè. La question lui a donc été posée de l’évolution de sa médiation. Et ce qui retient l’attention, c’est cette phrase de Karama : « Quels sont les amendements que les autorités maliennes veulent apporter à la proposition d’accord de l’équipe de médiation ? A cette question d’un journaliste, Blaise Compaoré a jugé bon de situer, d’abord, la complexité de la double crise au Mali : rébellion au Nord du pays et coup d’Etat à Bamako ».
Il faut effectivement rappeler, ce que tout le monde semble oublier, qu’il y a eu deux événements majeurs entre janvier et mars 2012 : la rébellion et le coup d’Etat. Et la situation qui prévaut en 2013 résulte de cette situation. A commencer par le fait que Dioncounda Traoré n’est qu’un président « intérimaire » dont l’accession au pouvoir résulte de la médiation menée par Blaise Compaoré au titre de la Cédéao afin de mettre sur la touche la junte militaire qui avait renversé Amadou Toumani Touré et entendait exercer pleinement le pouvoir. A tel point d’ailleurs qu’elle n’a pas hésité à coller une « branlée » à Traoré quand celui-ci a été nommé « intérimaire ». La réponse de Blaise est donc explicite : « Nous avons estimé urgent de régler la question constitutionnelle qui a abouti à l’installation de Dioncounda Traoré, précédemment président de l’Assemblée nationale, comme président intérimaire, conformément aux dispositions de la constitution malienne ».
On ne peut pas être plus clair. Traoré n’était que président de l’Assemblée nationale ; il est président intérimaire conformément à la Constitution mais par la grâce de la médiation menée dans le cadre de la Cédéao par le Burkina Faso. Si cette médiation n’avait pas été menée ainsi, en imposant la règle constitutionnelle, le Mali serait toujours sous la férule d’une junte militaire et Traoré ne serait même plus en mesure d’exhiber ses foulards blancs sur la scène diplomatique africaine. Autrement dit : « N’oublie pas qui t’a fait roi ! ».
Ce préalable ayant été posé, Blaise Compaoré a rappelé la règle du jeu concernant la « reconquête » de Kidal par Bamako : « Nous avons voulu que cela soit progressif, avec un accompagnement des forces internationales ». C’est que le président du Faso, à l’instar des autres acteurs du dossier, sait que l’humiliation subie par Bamako depuis le déclenchement de la « guerre » par le MNLA, en janvier 2012, est telle que le pire était à craindre à Kidal. L’avantage de Blaise par rapport à « l’intérimaire » qu’est Traoré c’est qu’il est un militaire et un politique. Et sait ce qu’est un rapport de forces. Il l’avait dit, en substance, à Laurent Gbagbo, en 2002, quand la « rébellion » avait coupé la Côte d’Ivoire en deux et que le président ivoirien (qui, lui, avait été élu) rechignait à négocier : « De quoi tu te plains, Soro occupe plus de la moitié de ton pays et pourrait exiger une vice-présidence ! ». Ce n’est pas faire l’éloge de la violence ; c’est prendre en compte la réalité des faits.
On comprend l’exaspération des Burkinabè face à des Maliens qui ont tendance, ces derniers mois, à se « hausser du col ». Et à penser que la souveraineté est un acquis. Même la presse privée burkinabè exprime son incompréhension face aux attaques dont elle fait l’objet notamment de la part de malijet.com : dès lors que l’on s’interroge sur le bien-fondé de la démarche de Bamako, c’est que l’on est à la solde du MNLA. Le foulard blanc autour du cou de Traoré n’en fait pas une colombe de la paix ! Et il y a au-delà des intérêts de l’actuelle classe dirigeante au pouvoir à Bamako, l’intérêt de la République du Mali ; une République qui a été restaurée par la médiation burkinabè dans le cadre de la Cédéao et non pas par Traoré et les siens.
« Pour s’élever, il faut faire un effort et pour se rabaisser, il suffit de se laisser aller », écrivait ce matin (lundi 17 juin 2013) L’Observateur Paalga dans son édito alors qu’il dénonce le procès que lui fait la presse malienne pour ses prises de position sur le dossier. « Un accord, même à minima, vaut mieux qu’une confrontation militaire à l’issue incertaine. L’armée malienne a beau être regonflée à bloc, rien n’indique que sans le soutien de la communauté internationale, elle pourra venir à bout des groupes armés touaregs qui l’avaient humiliée et repoussée jusque dans ses derniers retranchements au Sud » écrit le quotidien burkinabè qui, à la veille du week-end (vendredi 14 juin 2013), mettait en garde Bamako qui « aurait tort de trop tirer sur la corde ». Bamako a pris cela pour une menace ; une insupportable ingérence dans les affaires de la République malienne. L’Obs rappelait simplement d’où venait le Mali et qu’aujourd’hui il ne serait nulle part si le Burkina Faso et la Cédéao d’une part, la France et la « communauté internationale » d’autre part, n’avaient pas pris leurs responsabilités.
J-40. Bamako a une présidentielle a organiser. Le pays a « foiré » cette opération en 2012. On ne peut pas toujours se tromper. Les communautés africaine et internationale ne cessent de lui tendre la main ; le Mali ne devrait pas oublier que s’il a encore les siennes c’est que la France n’a pas permis aux « islamistes » de venir les lui couper. Changeons de ton, changeons de comportement. Tiébilé Dramé, en grande proximité avec la médiation burkinabè, sent passer le vent du boulet. « Nous sommes dans les meilleures dispositions. Nous ne souhaitons pas du tout une suspension des louables efforts de la médiation » a-t-il déclaré ce lundi alors que les discussions se poursuivent à Ouagadougou. Mais on peut être inquiet sur le devenir d’un pays qui démontre aussi peu de compétence non seulement dans la gestion de ses crises mais l’analyse même de celles-ci.
Le Mali de Traoré n’est pas, toutes proportions gardées, sans rappeler la Côte d’Ivoire d’Alassane D. Ouattara. Abidjan se comporte, trop souvent, comme s’il s’agissait de poursuivre les « années Houphouët », oubliant qu’entre temps il y a eu Bédié, l’ivoirité, Gueï, Gbagbo, Soro, la partition du pays, son occupation par des troupes étrangères, une transition interminable, une élection contestée, une « guerre civile », etc. A Bamako, même scénario. Aucun des acteurs politiques actuels, aucun des candidats à la présidentielle du 28 juillet 2013 ne semble avoir politiquement conscience que ce pays a totalement failli au cours des années passées et que cette faillite est, d’abord, de la responsabilité de ses « élites ». Il conviendrait qu’elles n’aient pas la « mémoire courte » et qu’elles fassent preuve de bien plus d’humilité. Sans oublier que le président du Mali sera le président de tous les Maliens.
Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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