mercredi 11 juillet 2012

Les Inrocks - "Le Mali en voie d'afghanisation"

Les Inrocks - "Le Mali en voie d'afghanisation"
d’afghanisation”
10/07/2012 | 11h14
Adama Diarra/Reuters

Depuis sa conquête par les islamistes, le nord du Mali est soumis au chaos. Entretien avec Sadou Diallo, maire de la ville de Gao réfugié à Bamako, de passage à Paris pour alerter la communauté internationale.

Au nord du Mali, des groupes islamistes rebelles ont instauré la charia et détruisent progressivement tous les lieux saints traditionnels musulmans. De passage à Paris après avoir été contraint de fuir sa ville, Sadou Diallo, maire de Gao, porte d’entrée du nord du
 pays, relate le calvaire vécu par la population. Pin’s aux couleurs et à la forme du Mali accroché au revers de sa veste, l’édile réclame l’aide de la France et met en garde la communauté internationale contre le risque d’une “afghanisation du pays”.
Pourquoi avez-vous décidé de quitter votre ville et le nord du Mali ?
Sadou Diallo – Ma tête avait été mise à prix par les insurgés islamistes d’Ansar Dine et du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) qui contrôlent aujourd’hui le nord du Mali. Depuis l’invasion de ma ville, le 30 mars, les islamistes ont détruit et pillé tous les biens publics et privés, dont les cinq hôtels que je possédais. Pendant ce temps, je me suis caché pour éviter d’être tué. Au bout de sept jours, j’ai pu bénéficier de l’aide du fils d’un ami qui, devant ma surprise de le voir porter une arme, m’a expliqué qu’il y était contraint afin de sauver sa tête. Le 7 avril, ce jeune et certains de ses camarades ont accepté de m’exfiltrer avec ma famille au Niger. Comme moi, il vit aujourd’hui en exil à Bamako, mais ses amis qui nous ont aidés ont été exécutés à leur retour dans la ville de Gao.
Quelle est la situation à Gao ?
Depuis le 30 mars, ma ville de 78 000 habitants vit des atrocités quotidiennes. Il y a eu plus d’une centaine de viols, des gens sont bastonnés sans arrêt dans les rues. Comme les abords de la ville ont été minés, la population est véritablement prise en otage.
Comment la population vit-elle l’instauration de la charia ?
Très durement. Le MNLA et Ansar Dine prétendent défendre la population touarègue mais elle ne se reconnaît pas dans cette rébellion sanglante. Un islam rigoriste a été imposé aux populations. Les femmes sont obligées de porter le voile, les vêtements de coupe occidentale sont désormais prohibés. Dans les rues, on est puni de cent coups de fouet si l’on fume des cigarettes. Un droit de cuissage par dix djihadistes est imposé à chaque mariée qui se met à divorcer. La destruction des mausolées a également traumatisé la population qui l’interprète comme une volonté de supprimer son identité culturelle.
Espérez-vous toujours un sauvetage par Bamako et l’armée officielle ?
Le coup d’Etat du 22 mars a fortement ébranlé et déstructuré l’armée officielle. Les villes du Nord, qui sinon auraient résisté, sont tombées sans combattre. Selon les experts, il faudra au moins cinq ans pour que l’armée officielle du Mali soit en état de combattre. Personnellement, je crois en ses capacités pour peu que des moyens logistiques lui soient donnés. Mais compte tenu de son état actuel, il est urgent que la communauté internationale intervienne dans les plus brefs délais.
Pourquoi plaidez-vous pour une intervention militaire ?
Pour sauver la population des souffrances mais aussi du risque d’endoctrinement terroriste. Il n’y a pas besoin d’attendre l’autorisation du gouvernement malien ou le concours de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), il faut intervenir. Il y a urgence. Je lance un cri du coeur à la France afin qu’elle reproduise ce qu’elle a fait en Libye, qui était pourtant une colonie italienne. Nous sommes une ancienne colonie française, la France a un devoir moral d’intervention. Si la France n’intervient pas, l’Afghanistan sera à vos portes.
Craignez-vous une talibanisation du Mali du Nord ?
Le Mali est en voie d’afghanisation. Si on laisse cette zone très fortement musulmane aux mains des intégrismes religieux, on ne pourra plus revenir en arrière. Je ne donne pas deux mois pour que la région devienne à jamais un sanctuaire du terrorisme, plus dangereux encore que celui que nous avons connu en Afghanistan. Le MNLA et Ansar Dine recrutent dans les écoles des jeunes de 16 ans. Il y a déjà sept camps d’entraînement terroriste dans ma ville de Gao et trois à Tombouctou qui recrutent de jeunes enfants mineurs. La région est devenue un vivier pour les djihadistes.
le 10 juillet 2012 à 11h14

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