jeudi 12 juillet 2012

Pourquoi Ansar Dine s'en prend aux lieux saints de l'Islam? | JOL Journalism Online Press

Pourquoi Ansar Dine s'en prend aux lieux saints de l'Islam? | JOL Journalism Online Press
Les islamistes qui sévissent au nord du Mali s’en prennent à leur patrimoine. Malgré les efforts de l’Unesco pour mettre en garde contre la destruction de monuments centenaires, les mausolées de Tombouctou tombent les uns après les autres. Comme un chrétien ne détruirait jamais une cathédrale, pourquoi les musulmans détruisent-ils leur patrimoine religieux ?

Les islamistes d'Ansar Dine se sont attaqués aux mausolées attenant à la mosquée de Djinguereber. Photo : Upyernoz/Flickr / cc

Au nord du Mali, où un conflit « tribal » fait rage, les islamistes d’Ansar Dine s’attaquent aux lieux saints de l’islam.

Destruction méthodique des lieux saints de l’islam

Lors d’une nouvelle attaque, mardi 10 juillet, ces extrémistes de l’islam, combattants pour la charia, se sont attaqués aux mausolées de la Grande mosquée Djingareyber, un monument majeur de Tombouctou. Véritable symbole de l’islam dans la région, plusieurs milliers de musulmans y affluent chaque vendredi au rythme des prières. Ces mausolées sont également un important lieu de pèlerinage vers lequel les musulmans convergent afin d’honorer la mémoire de deux saints considérés comme des « amis de Dieu », selon les mots de Serge Daniel, correspondant de RFI et de France 24 au Mali.
Pourtant, tôt dans la matinée, en ce mardi 10 juillet, une quarantaine d’islamistes, à l’aide de pioches et de burins, s’attaquaient à ce lieu saint, qui devrait logiquement être le leur. Un évènement de plus qui participe à la destruction méthodique de la cité des « 333 saints » de Tombouctou.

Deux formes d’islam incompatibles

Pourquoi un homme religieux s’attaquerait-il à ses propres lieux saints ? L’islam a différentes facettes et les extrémistes religieux influencés par des courants religieux extérieurs au Mali sont bien décidés à s’attaquer aux traditions ancestrales de l’islam malien.
« Les destructions opérées à Tombouctou par les miliciens islamistes répondent moins à l’inscription des richesses architecturales de la ville à l’inventaire de l’Unesco qu’à une réaffirmation classique d’un courant fondamentaliste bien connu de l’islam et qui impose de lutter contre toutes les résurgences ou survivances du paganisme, » explique Bernard Lugan, spécialiste des questions africaines.
Car pour les islamistes, le culte des saints inhumés dans les mausolées n’est pas concevable. « Il s’agit de deux formes d’islam difficilement compatibles. Pour la première, ces monuments sont le témoignage d’un islam d’ouverture, d’un islam rayonnant, tant dans le domaine des arts, de la littérature que des sciences ou de la médecine, mais aussi d’un islam de tolérance, où le non-musulman avait aussi sa place. Cette image d’islam tolérant, brillant par la culture et le savoir, est contraire à celle que prônent les mouvements intégristes et radicaux tels qu’Ansar Dine ou Aqmi (Al Qaïda au Maghreb islamique). Pour ces derniers, les cultes personnalisés dont font l’objet les saints inhumés dans ces mausolées sont incompatibles avec un islam où seul le Prophète peut être invoqué, » explique l’anthropologue et archéologue suisse Eric Huysecom dans la revue Sciences et Avenir.

Eradiquer l’idôlatrie

C’est ainsi que les islamistes d’Ansar Dine, influencés par les extrémistes pakistanais du mouvement Dawa ou encore par les religieux du Qatar s’opposent à la tradition islamique sahélienne « qui remonte au 13ème siècle et constitue une pratique modérée de la religion musulmane. L’islam que prétend défendre Ansar Dine est beaucoup plus rigoriste et fondamentaliste, » ajoute le spécialiste de l’Afrique saharo-sahélienne André Bourgeot, dans une interview à l’Express.
A Tombouctou, de nombreux musulmans se rendent en pèlerinage afin « de prier autour des tombeaux de saints locaux pour leur demander la guérison ou la réussite. Ceci est considéré par les fondamentalistes comme une forme d’idolâtrie qu’il importe d’éradiquer avec la plus grande fermeté car Allah, dieu unique qui seul mérite prière et invocation, interdit de demander à d’autres ce qui ne relève que de lui, » explique encore Bernard Lugan.
Si les islamistes ne s’attaquent qu’aux mausolées, de nombreuses mosquées ont également été touchées puisqu’elles sont souvent attenantes aux tombeaux. Une situation qui n’ira qu’en s’aggravant sans une intervention rapide. Le 28 juin dernier, l’Unesco plaçait, à la demande du gouvernement malien, plusieurs monuments sur la liste du patrimoine mondial en danger. Une action qui visait principalement à prévenir le trafic d’objets culturels mais qui a surtout réveillé la colère des islamistes.

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