jeudi 5 juillet 2012

Mali : les fantômes du Sahel | africamix

Mali : les fantômes du Sahel | africamix

(Paris) - Direction nord - nord-est, au Mali, à vive allure sur les pistes de latérite et de sable. Nous sommes dans la région septentrionale de l’ancien Soudan français, proclamée unilatéralement Etat depuis le 6 avril par le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), après une offensive militaire éclair sur les principales villes : Agueloc, Tessalit, Kidal, Gao et Tombouctou.

Depuis l’indépendance du Mali, en 1960, trois rébellions dites « touareg » ont marqué l’histoire de cette partie du pays, grande comme deux fois la France. Aujourd’hui, la situation est complexe et chaotique : indépendantistes touareg, islamistes, djihadistes, « trafiquants » d’otages occidentaux… Sans oublier un pouvoir transitoire à Bamako après le coup d’Etat militaire du 22 mars, une Algérie, puissance régionale incontournable, peu diserte, un Burkina Faso actif diplomatiquement.
Les restes d'un véhicule blindé de l'armée malienne dans les environs
de Kidal.
© DR
 C’est dans ce contexte très instable qu’Olivier Joulie et Laurent Hamida sont partis en mai pour Gao et de là jusqu’à la frontière algérienne, à la rencontre du MNLA. Qui sont ces combattants ? Quelles sont leurs relations avec les katibas (brigades) d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI).
Rendez-vous à Gao, la grande ville du nord-est située sur la rive gauche du fleuve Niger et nouvelle « capitale de l’Azawad », où l’on rencontre le colonel Hassan Medhi, ancien officier de l’armée malienne qui a choisi de rejoindre le MNLA à la fin de 2011. Il s’agit ici de contrôler les principaux axes routiers afin d’empêcher les armes provenant de Libye d’arriver en ville.
« Il y a de fortes craintes que des armements rentrent, plus particulièrement par la frontière du Niger. Nous avons pas mal de problèmes avec des milices, des groupements armés qui ont toujours créé une psychose. Nous essayons aujourd’hui de mettre fin à cela », précise le militaire de carrière.
Dans le centre de la ville, la situation sécuritaire semble beaucoup plus fluctuante : on y croise des 4 × 4 arborant le drapeau noir d’Ansar Eddine, mouvement islamiste touareg, des véhicules appartenant à AQMI et au Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao). Selon certains, ce dernier mouvement aurait été notamment créé afin que les rançons obtenues par AQMI, en contrepartie de la libération d'otages occidentaux, ne partent plus vers l'Algérie, mais restent en territoire malien... Impossible de vérifier sur place de telles allégations... Tournage derrière des vitres teintées…
Des combattants du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA).
© DR
 Direction la frontière algérienne : vallées abandonnées, villages désertés. Comme celui d’Ali, combattant du MNLA, engagé depuis plus de vingt ans dans les différentes rébellions. Il a perdu quarante-sept membres de sa famille, tués par l’armée malienne dans les années 1990 : « L'armée est arrivée le matin, les gens étaient là avec leur bétail. C'était deux jours après l'attaque de la ville de Ménaka. Un blindé s'est positionné de ce côté-là et un autre vers les maisons là-bas. Ils ont ouvert le feu sur les gens et le bétail rassemblés ici. On a passé une semaine à les enterrer. Tous ceux qui ont échappé à ce massacre ont fui et ont tout abandonné. »
Et le combattant de poursuivre : « L'empreinte que le Mali m'a laissé et qui m'a fait prendre les armes, c'est ça. Voilà ce que le Mali m'a laissé, le massacre de ma famille. Et c'est ça dans tout le peuple touareg. Aujourd'hui, j'ai la tête haute et je ne laisserai jamais le Mali revenir ici, jusqu'à la dernière goutte de mon sang. » Depuis, une vie d’errance et de combats.
Aux portes de l’Algérie, aux abords de Tin Zaouaten, situation ubuesque : côté malien, un camp de réfugiés très sommaire ; côté algérien, une petite ville saharienne équipée de l’essentiel : eau, électricité, école, hôpital... Une frontière officiellement fermée. Dans le ciel, des passages de Soukhoï et d’hélicoptères de l’armée algérienne…
Sous des tentes de fortune, quelque 500 familles tentent de survivre. Sous couvert d'anonymat, Saada témoigne. Avec ses six enfants, elle a quitté Kidal il y a quelques semaines : « L'aviation malienne est arrivée et a bombardé. Il y a eu douze blessés et deux morts. La même nuit, on a fui. Ici, en deux mois, on a reçu que quelques tomates et quelques sachets de farine de semoule. Depuis, plus rien... »
Sur les terres ancestrales touareg, aujourd’hui devenues aussi des fiefs djihadistes, Olivier Joulie et Laurent Hamidou nous montrent le retour de certains fantômes : rébellions, exactions, réfugiés, dénuement. Une zone grise si proche de l’Europe. Des images rares et des témoignages poignants.
Réunion de cadres dirigeants du MNLA à Gao. © DR
  Mali : les fantômes du Sahel, d'Olivier Joulie et Laurent Hamida
(France, 2012, 32 minutes). Sur Arte, samedi 30 juin, à 18 h 50 (heures françaises).
 Le site Arte+7 permet de voir et/ou revoir pendant 7 jours les programmes d'Arte gratuitement.

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