vendredi 17 mai 2013

Rien n’est réglé au Mali - maliweb.net

Rien n’est réglé au Mali - maliweb.net
François Hollande raccompagne le président malien de transition, Dioncounda Traoré, après un entretien à l'Élysée, le 17 mai.
François Hollande raccompagne le président malien de transition, Dioncounda Traoré, après un entretien à l’Élysée, le 17 mai.
Le rapide succès de l’opération Serval ne doit pas masquer l’impasse politique et militaire dans laquelle est plongé l’État malien.

C’est une coquette somme – plus de 3,25 milliards d’euros – que la communauté internationale a promis de verser au Mali pour la reconstruction du pays. Pour sa part, la France s’est engagée à débourser 280 millions sur deux ans à titre bilatéral, en plus des 104 millions qu’elle va apporter à l’aide européenne à destination de Bamako. Il s’agit d’un « effort important à un moment où nous connaissons des difficultés financières », a souligné François Hollande à l’issue de la conférence des donateurs, mercredi, à Bruxelles. Toutefois, cette aide française inclut déjà les 150 millions d’euros qui avaient été gelés après le coup d’État du 22 mars 2012 au Mali.


« Aux Maliens de respecter les engagements pour la réconciliation, pour la sécurité, pour l’État de droit et pour la bonne gouvernance », a ajouté le président français. Problème, si l’opération Serval lancée par la France le 11 janvier 2013 est indéniablement une réussite - les djihadistes ont été chassés du nord du Mali en moins d’un mois -, la pacification totale du pays est, elle, loin d’être acquise. « Des éléments djihadistes sont encore présents dans le nord du pays, où ils commettent des attentats kamikazes », souligne au Point.fr André Bourgeot, directeur de recherche émérite au CNRS.


12 600 Casques bleus


Les combattants islamistes qui n’ont pas été tués (ils seraient autour de 600) auraient trouvé refuge à l’étranger, notamment en Libye, devenu le paradis des milices depuis la chute de Muammar Kadhafi. Mais d’autres djihadistes seraient toujours présents dans le septentrion malien, où ils se seraient fondus dans les villages. Cela n’a pas empêché un premier contingent d’une centaine de soldats français, sur les 4 000 présents au Mali (six Français ont été tués), de quitter le pays en avril.


Deux mille autres devaient suivre en juillet, et il ne devrait en rester qu’un millier à la fin de l’année 2013. Ils auront pour mission de lutter directement contre les derniers djihadistes, tandis que les activités de maintien de la paix incomberont à la Mission intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), qui doit être déployée sur le terrain à partir du 1er juillet prochain. Les 12 600 Casques bleus qui la composeront devraient être recrutés en partie dans les effectifs de la Misma, la force conjointe des pays de l’Ouest africain, qui assiste la France et l’armée malienne depuis janvier.


Faiblesse de l’armée malienne


Or, pour Francis Simonis, maître de conférences à l’université d’Aix-Marseille, les forces africaines pèchent par leur inefficacité sur le terrain, notamment face aux situations de guérilla. C’est une « force totalement incapable qui n’a pas été à la hauteur », s’est même laissé aller en avril un haut responsable américain du Pentagone. Quant à l’armée malienne, que la France a officiellement soutenue dans le cadre de l’opération Serval, « elle n’existe pas en réalité », estime Francis Simonis. « Ce ne sont pas de vrais soldats combattants, mais de simples Maliens qui manquent de formation et de condition physique », insiste ce spécialiste du Mali.


Est-ce donc un hasard si l’armée malienne éprouve les plus grandes difficultés à reprendre la ville de Kidal (nord) aux forces du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) ? Ces rebelles touareg ont profité du départ des djihadistes pour s’installer et administrer cette commune de l’extrême nord du pays. « Ce sont les autorités politiques et militaires françaises qui ont laissé le MNLA occuper Kidal », rectifie le chercheur André Bourgeot. Déjà, par le passé, Paris a joué la carte du MNLA pour tenir à distance les islamistes dans la région. Seulement, ces Touareg revendiquent l’autonomie du nord du Mali et refusent de rendre les armes avant toute négociation avec le pouvoir central. D’où leur refus de voir des élections nationales être organisées sur leur territoire.


Jeu trouble de la France


Le pays est actuellement dirigé par des autorités de transition, nommées à la suite du putsch militaire qui a renversé, le 22 mars 2012, le président malien Amadou Toumani Touré, après dix années de règne. « Nous ferons tout pour que, le 28 juillet, les élections commencent », a assuré, mardi à Bruxelles, le président malien de transition, Dioncounda Traoré, qui a toutefois précisé que ni lui ni aucun membre de son gouvernement ne se porteraient candidats au nouveau scrutin.


Une échéance que le chercheur Francis Simonis juge « surréaliste ». « Rien n’est réglé politiquement », assure ce spécialiste du Mali. Outre la question de l’occupation touareg de Kidal, le Mali frappe par la faiblesse de sa classe politique vieillissante. « Il existe beaucoup de partis politiques et pas de leader charismatique, ce qui laisse craindre un émiettement des voix », explique Francis Simonis. Les autres limites à la tenue du scrutin sont d’ordre technique.


Pression française


Comment les autorités comptent-elles faire voter les quelques centaines de Maliens déplacés ou réfugiés à l’extérieur du pays dans des camps ? Enfin, la perspective d’élections en juillet prochain, en pleine saison des pluies, va inévitablement causer des problèmes de déplacement, et donc restreindre considérablement le nombre de votants. « Quelle serait la légitimité d’avoir un président élu par 25 % des Maliens ? se demande ainsi André Bourgeot. Il n’y a pas aujourd’hui au Mali d’engouement autour de ces élections, car aucune condition n’est réunie pour leur bonne tenue. »


Ce constat implacable n’empêche pas le président Hollande d’insister pour que le scrutin se tienne fin juillet « sur tout le territoire malien », quitte à conditionner le versement de l’aide au respect de ce calendrier. D’après Francis Simonis, cet impératif répond à un enjeu de politique intérieure. « Il est plus facile de justifier auprès du public français le maintien de ses troupes au Mali et son coût si l’on peut se targuer d’aider un gouvernement légitime, car démocratiquement élu. »

Par / Le Point.fr – Publié le 17/05/2013 à 17:55

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