mardi 28 mai 2013
Le 13 mai 2013, après de longues et interminables tractations, Tiébilé Dramé acceptait d’être nommé conseiller spécial du président par intérim Dioncounda Traoré. Son job : faire en sorte que la prochaine présidentielle soit faisable, autrement dit que les Touareg jouent le jeu et que leur fief de Kidal ne soit pas en marge de l’opération électorale. La préoccupation de Tiébilé Dramé, avant d’accepter la mission, était double : avoir suffisamment de liberté d’action et ne pas se voir reprocher d’être juge et partie : en tant que président du Parti pour la renaissance nationale (PAREN), il est, aussi, candidat à
la présidentielle 2013.
L’offensive française dans le Nord-Mali a permis aux Touareg de se réinstaller à Kidal, dans l’extrême-Nord du pays, et d’en faire non pas tant un fief qu’un symbole : c’est la forteresse de Montségur où les Cathares refusèrent jusqu’au supplice, en 1244, de céder aux « croisés ». Le MNLA règne à Kidal depuis février 2013 et ni l’armée ni l’administration de Bamako n’y ont droit de cité. Pour Koulouba comme pour l’Elysée, si Kidal n’est pas en mesure de voter le 28 juillet 2013, « cela entraînera le report du vote dans tout le pays ». Autrement dit : qui tient Kidal tient la « démocratie » malienne sans laquelle la communauté internationale ne desserra pas les cordons de la bourse.
Koulouba et l’Elysée étant dans l’impasse, c’est du côté de Kosyam, le palais présidentiel de Ouaga 2000, que tous les regards se tournent. Coup de chance : c’est là aussi que se trouve, aujourd’hui, lundi 20 mai 2013, Tiébilé Dramé. Il est reçu en audience ce jour afin que « le Mali, avec l’appui de la communauté internationale, s’achemine vers la tenue des élections sur toute l’étendue du territoire, en juillet ». « Pour que cela soit possible, a ajouté, Djibrill Y. Bassolé, ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale, il faut naturellement que les groupes armés maliens qui tiennent encore quelques positions acceptent de désarmer et acceptent de rentrer dans un processus de normalisation ».
Le communiqué officiel de la présidence du Faso évoque bien des « groupes armés maliens » et non pas des « islamistes », des « terroristes » ou des « rebelles » pas plus que des « Touareg » d’ailleurs. Et il précise que Dramé « va contribuer à engager le dialogue avec tous les protagonistes de la crise malienne, afin que la laïcité, l’intégrité territoriale du Mali puissent être respectées avant la tenue des élections de juillet prochain ». Cette formulation très diplomatique laisse penser que bien des bras ont été tordus à Bamako et qu’il n’est pas question, à 69 jours de la présidentielle, de jeter de l’huile sur le feu.
Reste à savoir si Dramé sera capable de mettre de… l’huile entre Kidal et Bamako. Il ne faut pas en douter : il a la confiance de Paris, Ouaga et Nouakchott. Ce n’est pas, loin de là, un nouveau venu sur la scène diplomatique africaine. Il a été ministre des Affaires étrangères et des Maliens de l’extérieur dans le gouvernement de transition du lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré à compter du 27 décembre 1991 (il prenait la suite du chef d’escadron Souleymane Sidibé) et a conservé ce portefeuille jusqu’à l’accession au pouvoir d’Alpha Oumar Konaré, au printemps 1992.
Tiébilé Dramé est né le 9 juin 1955, à Nioro, à la frontière entre le Mali et la Mauritanie, au Nord-Ouest de Bamako. Après ses études à l’Ecole normale supérieure de Bamako, il obtiendra un DEA Histoire de l’Afrique à l’université Paris I/Panthéon Sorbonne. De 1977 à 1980, il a été un des cadres dirigeants de l’Union nationale des élèves et étudiants du Mali (UNEEM), s’est opposé au régime de Moussa Traoré et a été emprisonné à plusieurs reprises. C’est ce qui le décidera à s’exiler en Europe où il travaillera pour Amnesty International (1988-1991) avant de rejoindre le gouvernement d’ATT pendant la période de transition. Ayant quitté le gouvernement, il reprendra du service à Londres au sein d’Amnesty International.
En décembre 1994, il conduira une mission au Nigéria, à Lagos, Abuja et Port-Harcourt, afin de comprendre la situation qui régnait alors en pays Ogoni où la répression gouvernementale avait abouti à la pendaison (10 novembre 1995) de Ken Saro-Wiwa et de huit autres militants Ogoni. « Un meurtre légal », dénoncera-t-il (Jeune Afrique du 7 décembre 1995). Il se rendra aussi en Haïti, et au Burundi toujours au bord du génocide, en 1995, mais cette fois pour le compte d’une mission d’observation des droits de l’homme des Nations unies. C’est cette même année qu’il va rompre politiquement avec le Congrès national d’initiative démocratique (CNID), dont le leader, l’avocat Mountaga Tall (candidat contre Alpha Oumar Konaré à la présidentielle), était qualifié « d’autocrate » par certains adhérents. Il va alors participer à la fondation du Parti pour la renaissance nationale (Parena), dont il sera promu secrétaire général. Rapidement, le Parena va se rapprocher de l’Alliance pour la démocratie au Mali (ADEMA), le parti présidentiel, dans le cadre de la Convergence nationale pour la démocratie et le progrès (CNDP). Le 25 juillet 1996, un remaniement ministériel limité permettra l’entrée au gouvernement (dont Ibrahim Boubacar Keïta est premier ministre depuis le 4 février 1994) du président du Parena, Yoro Diakité, nommé ministre d’Etat, en charge de l’Intégration africaine, et de Tiébilé Dramé, ministre des Zones arides et semi-arides.
Une activité gouvernementale de courte durée. 1997 est une année électorale : présidentielle et législatives. Deux consultations qui vont se dérouler dans la plus totale confusion, entraînant leur boycott par la majeure partie de l’opposition. Dramé sera un des huit députés élus sous l’étiquette du Parena (il l’est bien sûr chez lui à Nioro) ; le Parena est alors la deuxième formation politique de l’Assemblée nationale mais loin de l’ADEMA qui compte 128 députés tandis que six partis se partageaient les onze autres sièges. Il prendra la présidence du Parena en 1999 et sera élu président du comité interparlementaire de l’UEMOA en 2001. Il va alors se présenter à la présidentielle de juin 2002 à laquelle Konaré n’est pas candidat conformément à la Constitution. Tiébilé arrivera en quatrième position avec 4,02 % des suffrages, derrière ATT, Soumaïla Cissé, Ibrahim Boubacar Keïta mais devant son ancien mentor l’avocat Mountaga Tall. L’élection d’ATT à la présidence de la République va susciter un mouvement politique consensuel et aux législatives le Parena rejoindra la Convergence pour l’alternance et le changement, un conglomérat de partis qui avait soutenu la candidature d’ATT au second tour.
* Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a annoncé, le 17 mai 2013, la nomination d’Albert Gerard « Bert » Koenders comme représentant spécial et chef de la mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma). Koeders, ancien ministre néerlandais de la Coopération pour le développement (2007-2010) était, depuis 2011, représentant spécial du secrétaire général et chef de l’ONUCI en Côte d’Ivoire, poste auquel il a été remplacé par la Nigérienne Aïchatou Mindaoudou (cf. LDD Spécial Week-End 0585/Samedi18-dimanche 19 mai 2013).
Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique
Koulouba et l’Elysée étant dans l’impasse, c’est du côté de Kosyam, le palais présidentiel de Ouaga 2000, que tous les regards se tournent. Coup de chance : c’est là aussi que se trouve, aujourd’hui, lundi 20 mai 2013, Tiébilé Dramé. Il est reçu en audience ce jour afin que « le Mali, avec l’appui de la communauté internationale, s’achemine vers la tenue des élections sur toute l’étendue du territoire, en juillet ». « Pour que cela soit possible, a ajouté, Djibrill Y. Bassolé, ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale, il faut naturellement que les groupes armés maliens qui tiennent encore quelques positions acceptent de désarmer et acceptent de rentrer dans un processus de normalisation ».
Le communiqué officiel de la présidence du Faso évoque bien des « groupes armés maliens » et non pas des « islamistes », des « terroristes » ou des « rebelles » pas plus que des « Touareg » d’ailleurs. Et il précise que Dramé « va contribuer à engager le dialogue avec tous les protagonistes de la crise malienne, afin que la laïcité, l’intégrité territoriale du Mali puissent être respectées avant la tenue des élections de juillet prochain ». Cette formulation très diplomatique laisse penser que bien des bras ont été tordus à Bamako et qu’il n’est pas question, à 69 jours de la présidentielle, de jeter de l’huile sur le feu.
Reste à savoir si Dramé sera capable de mettre de… l’huile entre Kidal et Bamako. Il ne faut pas en douter : il a la confiance de Paris, Ouaga et Nouakchott. Ce n’est pas, loin de là, un nouveau venu sur la scène diplomatique africaine. Il a été ministre des Affaires étrangères et des Maliens de l’extérieur dans le gouvernement de transition du lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré à compter du 27 décembre 1991 (il prenait la suite du chef d’escadron Souleymane Sidibé) et a conservé ce portefeuille jusqu’à l’accession au pouvoir d’Alpha Oumar Konaré, au printemps 1992.
Tiébilé Dramé est né le 9 juin 1955, à Nioro, à la frontière entre le Mali et la Mauritanie, au Nord-Ouest de Bamako. Après ses études à l’Ecole normale supérieure de Bamako, il obtiendra un DEA Histoire de l’Afrique à l’université Paris I/Panthéon Sorbonne. De 1977 à 1980, il a été un des cadres dirigeants de l’Union nationale des élèves et étudiants du Mali (UNEEM), s’est opposé au régime de Moussa Traoré et a été emprisonné à plusieurs reprises. C’est ce qui le décidera à s’exiler en Europe où il travaillera pour Amnesty International (1988-1991) avant de rejoindre le gouvernement d’ATT pendant la période de transition. Ayant quitté le gouvernement, il reprendra du service à Londres au sein d’Amnesty International.
En décembre 1994, il conduira une mission au Nigéria, à Lagos, Abuja et Port-Harcourt, afin de comprendre la situation qui régnait alors en pays Ogoni où la répression gouvernementale avait abouti à la pendaison (10 novembre 1995) de Ken Saro-Wiwa et de huit autres militants Ogoni. « Un meurtre légal », dénoncera-t-il (Jeune Afrique du 7 décembre 1995). Il se rendra aussi en Haïti, et au Burundi toujours au bord du génocide, en 1995, mais cette fois pour le compte d’une mission d’observation des droits de l’homme des Nations unies. C’est cette même année qu’il va rompre politiquement avec le Congrès national d’initiative démocratique (CNID), dont le leader, l’avocat Mountaga Tall (candidat contre Alpha Oumar Konaré à la présidentielle), était qualifié « d’autocrate » par certains adhérents. Il va alors participer à la fondation du Parti pour la renaissance nationale (Parena), dont il sera promu secrétaire général. Rapidement, le Parena va se rapprocher de l’Alliance pour la démocratie au Mali (ADEMA), le parti présidentiel, dans le cadre de la Convergence nationale pour la démocratie et le progrès (CNDP). Le 25 juillet 1996, un remaniement ministériel limité permettra l’entrée au gouvernement (dont Ibrahim Boubacar Keïta est premier ministre depuis le 4 février 1994) du président du Parena, Yoro Diakité, nommé ministre d’Etat, en charge de l’Intégration africaine, et de Tiébilé Dramé, ministre des Zones arides et semi-arides.
Une activité gouvernementale de courte durée. 1997 est une année électorale : présidentielle et législatives. Deux consultations qui vont se dérouler dans la plus totale confusion, entraînant leur boycott par la majeure partie de l’opposition. Dramé sera un des huit députés élus sous l’étiquette du Parena (il l’est bien sûr chez lui à Nioro) ; le Parena est alors la deuxième formation politique de l’Assemblée nationale mais loin de l’ADEMA qui compte 128 députés tandis que six partis se partageaient les onze autres sièges. Il prendra la présidence du Parena en 1999 et sera élu président du comité interparlementaire de l’UEMOA en 2001. Il va alors se présenter à la présidentielle de juin 2002 à laquelle Konaré n’est pas candidat conformément à la Constitution. Tiébilé arrivera en quatrième position avec 4,02 % des suffrages, derrière ATT, Soumaïla Cissé, Ibrahim Boubacar Keïta mais devant son ancien mentor l’avocat Mountaga Tall. L’élection d’ATT à la présidence de la République va susciter un mouvement politique consensuel et aux législatives le Parena rejoindra la Convergence pour l’alternance et le changement, un conglomérat de partis qui avait soutenu la candidature d’ATT au second tour.
* Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a annoncé, le 17 mai 2013, la nomination d’Albert Gerard « Bert » Koenders comme représentant spécial et chef de la mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma). Koeders, ancien ministre néerlandais de la Coopération pour le développement (2007-2010) était, depuis 2011, représentant spécial du secrétaire général et chef de l’ONUCI en Côte d’Ivoire, poste auquel il a été remplacé par la Nigérienne Aïchatou Mindaoudou (cf. LDD Spécial Week-End 0585/Samedi18-dimanche 19 mai 2013).
Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique
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