jeudi 5 juillet 2012

Tombeau pour Tombouctou - Editorial - La Vie

Tombeau pour Tombouctou - Editorial - La Vie

Tombeau pour Tombouctou

Consternation, révolte, impuissance, alors que nous parvient l’écho du sac de Tombouctou. Au nord du Mali, sur un territoire plus grand que la France, la terreur règne sans partage. Couples bastonnés, enrôlements forcés, pillages… la barbarie porte un nom : Ansar Eddine, autrement dit « les défenseurs de la foi ». Après la fuite des soldats maliens, l’ancienne rébellion touareg a été vite évincée par ces émules d’al-Qaida. Habiles ­propagandistes, ils savent qu’un acte de barbarie peut aussi être un acte de com­mu­nication. À l’heure de la circulation instantanée des images, la violence culturelle sert de moteur à ce groupuscule pour véhiculer, à moindres frais, un message puissant, effarant, abject.

La destruction de plusieurs mausolées, que l’Unesco aura vainement tenté de protéger en les inscrivant au patrimoine de l’humanité, rappelle celle des bouddhas de Bamiyan par les talibans. Les tombeaux et les fragiles manuscrits de cette cité mythique figurent parmi les trésors de la culture universelle. Chacun de nous devrait ressentir leur anéantissement comme une perte personnelle. Il n’en demeure pas moins vrai que, comme au temps de la révolution culturelle, l’impact est d’abord interne. Plutôt que de choc des civilisations, expression qui n’a guère de sens, il faut parler de crise de civilisation. L’islamisme reste le cancer de l’islam, avec ses métastases de pays en pays. Ses plus nombreuses victimes restent musulmanes. La religion traditionnelle meurt sous les coups de boutoir des salafistes, proches du wahhabisme saoudien, après avoir étouffé ailleurs sous le joug du laïcisme ou du panarabisme. L’islam politique se venge en éliminant systématiquement l’islam spirituel, le monde traditionnel, celui des saints et des confréries soufies. L’islamisme est antireligieux. Que les peuples le comprennent et se révoltent contre ces oppresseurs déguisés en sauveurs serait le véritable printemps arabe.

Les chrétiens subissent et subiront encore longtemps le contrecoup de cette crise. C’est à ce titre qu’il faut comprendre la triste litanie des violences commises au nord du Nigeria, où les attentats se succèdent à un rythme soutenu, de préférence contre les lieux de culte et pendant la prière. En un peu plus de deux ans, on impute un millier de morts au mouvement Boko Haram, dont le nom signifie selon les traductions « la culture occidentale est impie » ou « les livres sont interdits ». Désormais, le mal s’étend au Kenya, où l’on a compté dimanche dernier 16 morts dans deux églises.

Qui veut se soucier de fidèles, de croyants catholiques et protestants, Africains, qui plus est ? À l’heure où la France s’apprête à créer un observatoire du plu­ralisme culturel et religieux, le massacre d’hommes, de femmes et d’enfants en plein exercice de leur culte laisse encore indifférentes trop de bonnes consciences. Les « humanistes » oseraient-ils se laver les mains du sang des chrétiens parce qu’il s’agit de chrétiens ? Faut-il s’abstenir de parler pour ne pas « stigmatiser les musulmans » ? Justement, non ! Il est plus que temps de se lever pour l’honneur de tous – chrétiens, musulmans, boud­dhistes, athées. De Tombouctou au Kenya, une guerre contre la culture reste une guerre contre la culture. Un crime contre l’humanité reste un crime contre l’humanité. Le silence ? Une lâcheté ! Il faudra en rendre compte devant l’Histoire.

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