vendredi 20 juin 2014

Les dessous de Serval au Mali

« En réalité les terroristes ne sont pas l’objectif de cette guerre. Ils sont seulement le prétexte »

serval
« Et vous verrez, quand l’opération sera terminée, la France conservera, bien entendu, des bases militaires au Mali. Ces bases serviront aussi aux Américains et, en même temps, parce que cela se passe toujours comme ça, des sociétés occidentales mettront la main sur des contrats juteux qui priveront, de nouveau, les pays re-colonisés de leurs richesses et de leurs matières premières. »

L’intervention française au Mali, comme toute intervention militaire étrangère, suscite de nombreuses interrogations. Au lendemain de son déclenchement déjà, des voix hostiles avaient dénoncé les incohérences dans les actions anti-terroristes de la France.

D’un côté, elle aide des rebelles djihadistes en Syrie pour renverser le régime de Bachar Al-Assad. De l’autre, sous couvert de la lutte contre le terrorisme et l’obscurantisme, elle dépêche ses soldats au Mali.

Si au Mali, la question de l’opportunité et la nécessité de l’intervention militaire française ne posait pas à son déclenchement, les opinions commencent à se contraster de nos jours. Et depuis le nouvel embrasement du nord au mois de mai dernier, le doute qui était palpable dans l’opinion publique malienne s’est désormais transformé en réelle conviction de l’existence d’un agenda caché pour Serval.

Une guerre pour des ressources naturelles

Les richesses naturelles sont souvent assimilées en Afrique à des « malédictions ». Cette perception résulte de l’observation d’une profonde réalité : il existe une multitude de conflits armés sur toutes les terres africaines réputées riches en ressources naturelles.

Le nord du Mali est considéré par beaucoup de spécialistes de la question comme une zone extrêmement riche en uranium et autres minerais.

Michel Collon, un journaliste belge, qui lutte contre la désinformation, pense que « les terroristes ne sont pas l’objectif de cette guerre. Ils sont seulement le prétexte. » Pour lui, l’intervention française au Mali camoufle un projet d’accaparement des richesses naturelles du pays.

Selon lui, les medias sont les principaux vecteurs de la propagande en cachant « les intérêts en jeu ». Ces intérêts sont d’ordre économiques mais aussi stratégiques car, défend M. Collon, l’intervention militaire au Mali n’est pas que pour « les richesses du Mali. C’est sa position stratégique…»

Objectif : « des bases militaires, tout en favorisant entreprises »

Pour Laurent Louis, « l’objectif de cette guerre au Mali est très clair ». A long terme, le député belge soutient que l’objectif pour la France est de maintenir en permanence sa présence militaire au Mali, en faire un Etat sous tutelle des occidentaux pour leur réserver l’exclusivité des richesses du pays.

« Et vous verrez, quand l’opération sera terminée, la France conservera, bien entendu, des bases militaires au Mali. Ces bases serviront aussi aux Américains et, en même temps, parce que cela se passe toujours comme ça, des sociétés occidentales mettront la main sur des contrats juteux qui priveront, de nouveau, les pays re-colonisés de leurs richesses et de leurs matières premières. »
Dans un cadre plus général, il croit que « sous les apparences de bonnes actions » l’intervention française au Mali » ne vise d’autres objectifs que la défense « des intérêts financiers, dans une totale logique néocolonialiste. »

Le maintien des soldats français au Mali est désormais officiel depuis quelques mois. Toujours, sous couvert de la lutte anti-terroriste, les autorités françaises ont décidé de mettre un terme à Serval qui n’était qu’éphémère. Il s’agit maintenant de trouver la bonne formule pour légitimer la présence militaire sur un territoire souverain. On a donc décidé de l’inscrire dans un cadre, dit-on, plus global s’étalant sur tout le Sahel.

Un accord de défense avec le Mali est en vue pour peaufiner les contours de cette réorganisation militaire. Ce qu’il faut savoir c’est que le Mali a exclu, dans l’accord militaire qui lie actuellement les deux pays, toute installation de base militaire française sur son territoire. Le nouvel accord permettra de lever cet obstacle.

Serval et le spectre de l’invasion islamiste imminente de Bamako : une invention selon Jean-Christophe Notin

Ce spécialiste des interventions militaires françaises à l’étranger écrit dans son livre « La Guerre de la France au Mali » que « les autorités françaises n’ont disposé d’aucun élément tangible », au moment de la prise de décision d’intervenir au Mali, prouvant que des colonnes de djihadistes se dirigeaient sur la capitale malienne.

« Pas plus que les avions de reconnaissance, aucun satellite, français comme américain, n’a jamais pris de mouvement massif en flagrant délit. Jamais un conseiller n’a déposé sur la table du président de la République les clichés fatidiques, qui seraient à la guerre ce que l’analyse ADN est dans une enquête criminelle : une preuve irréfutable. »

Le jeu trouble de la France au nord du Mali

Si depuis longtemps des voix dénoncent l’intervention française au Mali, pour le malien, il s’agissait d’une mission de sauvetage pour laquelle il ne se serait autorisé d’aucune manière de jeter un quelconque doute quant à sa finalité réelle. Cette époque passée, la réalité des actions françaises amènent de plus en plus de Maliens à s’interroger sur les vraies raisons de Serval au Mali.

Au mois de mai, une résurgence des affrontements entre l’armée malienne et les groupes armés a permis de prouver une chose : la France n’est pas préoccupée par l’intégrité territoriale du Mali ; ou du moins, tant que ces territoires du nord restent sous la main de ses alliés rebelles.

Le problème avec le Mali, contrairement à la Syrie, c’est qu’en 2012 les garants (groupes rebelles) des intérêts que la France entrevoyait au nord du Mali, n’était plus en phase avec les terroristes qui les avaient chassés de leurs positions. L’intervention n’aurait surement pas lieu si les djihadistes du Mali étaient, comme ceux de la Syrie, en parfaite symbiose avec les rebelles.

Ces garants ont été les premiers à fouler les territoires reconquis par la France en 2013. Une manière de mettre l’Etat malien devant le fait accompli d’une réoccupation provoquée par cette même France qui était censée rétablir l’intégrité territoriale du Mali.

Pour Francis Simonis, « L’autorité de l’État n’a pas été retrouvée (à Kidal) et ne peut pas l’être, puisque la France l’interdit. »

Ce spécialiste du Mali affirme que la partition du pays n’est pas à craindre, « ce qui à craindre c’est que la situation actuelle se perpétue, c’est-à- dire une zone de non-droit dans la région de Kidal, qui échappe de fait au gouvernement malien. »

La revendication principale de ces groupes tolérés par la France était d’obtenir rien de plus, rien de moins que l’indépendance de tout le nord du Mali. La France, sachant bien qu’ils ne peuvent étendre leur mainmise sur cette vaste région, les a invités à changer de discours. C’est désormais une autonomie qu’ils demandent. Le vice-président du MNLA ne cache pas que cela ne sera qu’un préalable à l’indépendance de « Azawad ».

L’autonomie est une formule qui arrangerait la France car ces régions auront une indépendance financière. Avec un tel pouvoir, il ne fait aucun doute la France sera la première à bénéficier, de la part des garants de ses intérêts, de l’exclusivité de l’exploitation des richesses de cette partie du Mali.

En janvier 2012, Alain Juppé, le ministre français des affaires étrangères n’avait-il pas appelé à la discussion avec le MNLA ? Il proposait un an plus tard « des solutions de décentralisation poussée, voire d’autonomie. » Qu’est-ce qui bloquait pendant tout ce temps ? L’Etat malien.
En effet, comme il a pu être constaté en mi-mai, les Maliens avaient toujours gardé l’espoir de la reconquête totale par la force souveraine. Mais, c’était également l’occasion pour la France de casser définitivement le moral des maliens en leur prouvant leur incapacité.

L’armée malienne qui était présente à Kidal avec à peine 200 militaires n’avait aucune chance de vaincre les milliers de combattants rebelles et leurs alliés djihadistes « modérés » (ceux du HCUA, le nouveau nom d’Ançardine, un groupe financé par AQMI, l’organisation des qataris). La France savait très bien que tôt ou tard ces « évènements de Kidal » allaient survenir car, poussés par la fierté commune à tout patriote, guidés par la passion et l’exaspération, les maliens seront amenés, à leur dépens, à vouloir un jour récupérer leurs terres.

Le plan a suffisamment marché pour mettre l’armée malienne dans une situation morale comparable à celle d’après l’humiliation de la déroute de 2012. Ne parlons pas de perte quelconque, autre que le moral, car l’armée malienne ne s’est nullement améliorée du point de vue de son armement.

L’Etat malien est sous tutelle depuis l’intervention française et les nouveaux colons lui interdisent tout achat d’armement. Et quand bien même il déciderait de le faire, le FMI et la banque mondiale sont toujours là pour lui tirer les oreilles, l’asphyxier économiquement pour qu’il n’ose plus se dérober à la pensée unique du « maître à penser ».
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