dimanche 29 juin 2014

Interview Exclusive du Président Ibrahim Boubacar Keita

Interview Exclusive du Président Ibrahim Boubacar Keita

Interview Exclusive du Président Ibrahim Boubacar Keita

Quelle est la responsabilité du président Ibrahim Boubacar Keïta dans les combats du 21 mai dernier ? Qu’attend-il des futures négociations ?
Quelle est la responsabilité du président Ibrahim Boubacar Keïta dans les combats du 21 mai dernier ? Qu’attend-il des futures négociations ?

Un mois après les affrontements meurtriers de Kidal, dans le nord du Mali, le gouvernement malien annonce qu’il est prêt à engager des négociations avec les groupes armés du Nord dans la première quinzaine de juillet à Alger.

Quelle est la responsabilité du président Ibrahim Boubacar Keïta dans les combats du 21 mai dernier ? Qu’attend-il des futures négociations ?
IBK est actuellement à Malabo où il assiste au 23e sommet de l’Union africaine. Il répond aux questions de notre envoyé spécial, Christophe Boisbouvier.
 RFI : Qu’est-ce que vous attendez de cette reprise du dialogue avec les groupes armés du nord le mois prochain à Alger ?
Ibrahim Boubacar Keïta : Le meilleur. J’espère que cette fois-ci, nous sommes engagés dans une très bonne voie qui va nous permettre de déboucher sur un accord, cette fois-ci, de confiance, un accord global et définitif pour que nous n’ayons plus à déplorer ces morts d’un côté comme de l’autre. Pour moi, ce sont toujours des Maliens qui tombent. Et je crois qu’avec nos frères, le temps de l’entente est venu.
A l’origine, vous souhaitiez que ces pourparlers aient lieu sur le territoire malien. Vous avez fait un geste. Pourquoi ?
Il faut savoir faire des concessions. Et au terme de discussions finales, nous souhaitons que ce soit au Mali. Pas pour des raisons de durcissement ou de coquetterie mais nous pensons que ce sera là un test de confiance revenue entre nous.
Est-ce qu’on peut dire qu’après les combats du 21 mai dernier à Kidal, la confiance était rompue et qu’il fallait la rétablir, et que c’est pour cela qu’il faut aller à Alger ?
Je crois que les groupes n’ont jamais perdu confiance. Moi j’ai le réflexe de le penser et de le croire. Tout le monde sait que ce qui s’est passé à Kidal le 21 mai n’était pas du tout ce que j’avais souhaité. Et je ne peux pas avoir deux jours auparavant, avoir dit malgré la douleur vive qui était la mienne et celle du peuple malien, par rapport à la tragédie survenue le 17, qu’on avait envie de préférer égorger à Kidal. En dépit de cela, j’avais dit, pour autant convenons qu’il y aura un retour à la paix et allons à la table des négociations. J’ai dit cela. Je ne peux pas le lendemain ordonner qu’on reprenne les armes. Donc je ne pouvais pas ne pas réagir à cela. Vous avez bien vu que j’ai mis fin aux fonctions de la Défense. J’ai estimé que mes instructions n’avaient pas du tout été correctement transmises et respectées. On m’a vu en plein Conseil des ministres lorsqu’on m’a informé, dire ‘Cela suffit. Cessez-le-feu immédiat. C’est contraire à mes instructions’. Tout le monde dans le cabinet autour de moi peut en témoigner.
Vous êtes le chef des Armées, il y a eu une défaillance dans la chaîne de commandement ?
C’est clair, je l’assume. Et l’assumant, j’ai pris la mesure, la première qui s’imposait. Celui que j’avais mis en charge de la Défense nationale en a payé les frais.
Mais est-ce que ça suffit ? Est-ce qu’il n’y a pas aussi défaillance au niveau de l’état major ?
Chaque chose en son temps. Je n’ai pas besoin maintenant de perturber cette chaîne de commandement qui vient juste d’être mise en place. Les responsabilités seront situées et les corrections seront apportées.
Avec le recul, est-ce que vous vous dites qu’il aurait peut-être fallu mieux préparer la visite de votre Premier ministre Moussa Mara le 17 mai à Kidal ?
On a beaucoup épilogué sur cette affaire-là, mais on m’a donné l’assurance que les choses étaient en ordre. La preuve, c’était la tournée que le chef de l’état-major général des forces armées avait faite dans la région, jusqu’à la frontière algérienne. La surprise a été la soudaineté de l’attaque et son caractère massif et la puissance de feu. Le chemin de la paix est le seul possible et souhaitable.
Lors de ces pourparlers d’Alger, les groupes armés du nord vont réclamer une plus grande autonomie. Est-ce que vous êtes prêts à les écouter ?
Je pense que la décentralisation vraiment poussée dans ses meilleurs effets, une bonne régionalisation avec une gouvernance revue et corrigée où nous pourrons nous retrouver… Inch’Allah ! [NDLR : va permettre de trouver un compromis]
Beaucoup disent que depuis les évènements du mois dernier à Kidal, il y a moins de va-t-en-guerre à Bamako. Est-ce que Kidal pourrait être un mal pour un bien ?
Je ne sais pas s’il y avait beaucoup de va-t-en-guerre (rires). Après cette histoire de Kidal, on a entendu beaucoup de choses. On a entendu des poussées anti-françaises. Je vais dire seulement ceci : dans ce genre de situation, on cherche toujours un bouc émissaire. Ce qui est clair, c’est que le gouvernement malien et le chef de Etat du Mali n’ont jamais perdu confiance, ni en la France, ni en la Minusma (Mission des Nations unies au Mali). Nous savons trop le prix qui a été payé par la France pour la libération du Mali.
Le 2 novembre, les journalistes de RFI Ghislaine Dupont et Claude Verlon ont été assassinés. Leurs assassins courent toujours ?
Cela m’est une immense douleur et je ne pourrais jamais comprendre et admettre que Ghislaine et Claude, je les appelle ainsi, dans une mission dont je sais toute la beauté, toute la rigueur et tout l’intérêt, de paix, de compréhension avec les hommes, aient été aussi lâchement, froidement et cruellement assassinés. Nous avons des difficultés parce que dans la zone, telle qu’elle est aujourd’hui, le travail des magistrats et enquêteurs n’est pas facile. Pour autant, nous ne lâcherons pas. Et à Kidal nous sommes persuadés qu’il n’y avait pas que nos frères du MNLA, du HCUA et du MAA. Nous sommes certains que les éléments de la grande nébuleuse qui est une menace pour le monde entier, en étaient également.
Et ce qu’on ne risque pas de fermer les yeux sur les assassins du 2 novembre au nom de la raison d’Etat ?
Non, ça croyez-le bien, non. Je suis un homme d’honneur, réputé comme tel, et je dis non. J’ai dit que la vie de Claude et de Ghislaine sont nettement au-delà de la raison d’Etat.
 RFI.fr
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