mercredi 13 mai 2015

Maliactu • Trahison de protecteurs ? La colère d’Achille des Touareg du Mali — Maliactu.info

Maliactu • Trahison de protecteurs ? La colère d’Achille des Touareg du Mali — Maliactu.info

La question : la communauté internationale a-t-elle trahi les Touareg du Mali ? De soutien des maîtres du monde, ils en ont bénéficié activement à tous les niveaux. Cela est sûr et certain et ce soutien va continuer. Cependant, des promesses ont-elles été faites mais pas tenues ?

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Toute la question se trouve à ce niveau de veille de la signature de l’Accord d’Alger pour la paix. Qui va la signer ? Le Mali, c’est certain : depuis la chute de GMT les gouvernements successifs ont concurrencé pour obéir à l’œil et au doigt et signer tous les accords qui liaient leurs mains et libéraient les champs pour la rébellion. Lesdits groupes armés de la plate-forme signeront aussi. On ne sait pas trop pourquoi et on ignore encore beaucoup de choses sur eux. Idem pour les yeux, les oreilles et les mains des maîtres du monde, la médiation. Celle-ci signera aussi des deux mains car l’Accord sert avant tout les intérêts de leurs mandataires tapis dans l’ombre. Il reste maintenant les composantes arabo-touarego-islamistes réunies sous la bannière de la Cma. Ils sont très en colère. Une colère noire pire que celle d’Achille le demi-dieu contre le tueur de son ami intime (« par traitrise » !) Hector.

Les Touareg ont été chouchoutés par les futurs maîtres du monde alors qu’ils étaient dans l’opposition. Le soutien se faisait alors par presse et intellectuels de gauche interposés– comme Le Monde en France, le journal de l’intelligencia de gauche. Un label avait été trouvé pour faire leur promotion et celle de leur « cause » en tant que « minorité » opprimée et bafouée (la gauche a progressé dans sa quête du pouvoir à coup de soutien aux minorités dans le monde entier) : celui des « Hommes bleus ». Et une fois que la gauche avait accédé au pouvoir en occident (années 80) le soutien est devenu plus concret, plus efficace et plus opérationnel. Moussa Traoré a été balayé sur fond de rébellion touareg. ATT a été choisi pour diriger la transition sur suggestion touareg. Il reviendra au pouvoir après Alpha car « étant le seul à pouvoir poursuivre l’œuvre » sans anicroche. Et c’est le même dossier qui va le faire rater la porte de sortie de l’histoire.

Et puis on l’a oublié trop tôt car on n’en a pas fait attention : le Mnla a fait campagne pour faire élire IBK en 2013. Et c’est la même crise qui fait déjà que certains réclament son départ.

Les origines du coup de sang

Pour mieux comprendre le problème ici posé – la colère des Touareg, continuons à faire de l’histoire ; celle un peu récente cette fois ci. Remontons aux Accords de Ouaga juin 2013. Quelles sont les parties qui ont signé cet accord ? D’un côté le Mali et de l’autre le Mnla, le Hcua et le Maa. Cet accord mettait donc exactement au même niveau les 4 «partenaires » de la paix. Les « A » à la fin des trois sigles signifiant Azawad. Ce qui revient à dire que d’entrée de jeu, cet accord reconnaissait aux arabo-touaregs et aux islamistes camouflés le droit à une patrie nommée Azawad. D’autres éléments s’y trouvent mais contentons-nous de cet éclairage qui suffit pour jeter la lumière sur le sujet. Donc au sortir de Ouaga, les aspirants à bâtir un Etat racial (et raciste ?) tenaient fermement entre leurs deux mains une feuille de route absolument bétonnée qui leur permettait de dormir sur les deux oreilles.

Sautons à présent pour atterrir dans les environs de Gao en début d’année 2015. Cette année-là commence mal pour le Mnla ; très mal. Mai 2014 avait été euphorique et plein de succès inouïs dont on ne pouvait même pas rêver. Malgré le fait d’avoir tué deux journalistes français en pleine journée et en plein Kidal, une raclée d’enfer avait été donnée à l’armée malienne qui va être chassée de Kidal pour commencer et de partout en suite. IBK était vite fait bien fait pour quémander une trêve sans condition. Et le Mali avait été humilié pour eux avec, entre autres, l’arrivée du président mauritanien qui est allé à Kidal signer un document pour le Mali en l’absence du Mali. Les souteneurs zélés de la cause islamico-touarego-arabe ont donné tout cela à leur poulain caressé tous les jours dans le sens du poil.

Les négociations ont donc commencé et un beau jour la Minusma tire sur un véhicule de guerre du Mnla dans les parages de Tabankort : première surprise et stupéfaction. La Minusma est caillassée à Kidal comme un mal propre et elle doit vider les lieux. Pour réparer la situation, la Minusma tente de vider Tabankort au profit du Mnla. Echec et mat puisque cela va l’amener à tirer sur les populations civiles et tuer à Gao. Tout se complique davantage et pour sortir de l’impasse, les maîtres du monde urgent la reprise des négociations à Alger pour détourner les attentions et calmer la situation.

Les négociations d’Alger s’étaient ouvertes juste après la défaite du Mali en mai et connaîtrons des suspensions – dont certaines assez longues. A noter qu’il n’y a pas de négociations directes entre les deux parties (le gouvernement du Mali et les groupes dits armés) qui discutent et rédigent un texte d’accord au fur et à mesure. Non, ce sont les médiateurs qui leur parlent à tour de rôle et à la fin ils libèrent tout le monde pour rédiger un texte d’accord pour ensuite les convier pour le récupérer le lire et le parapher. C’est ainsi qu’est né le dernier texte que le Mali a paraphé le 1er mars.

Les composantes de la Cma ont pris un coup sur la tête en découvrant le texte. Ils ont d’abord dit qu’ils allaient consulter leurs bases – pour gagner du temps, revenir de leur surprise et décider quoi faire. Mais au fur et à mesure que le temps passe leur colère, frustration et rage décuplent. Pourquoi ?

Azawad, Azawad… ? Ah, une entité que certains…

Coté texte d’accord de paix, Alger est un net recul par rapport à Ouaga pour la Cma. Ici d’entrée de jeu, l’Azawad n’est plus l’égal du Mali et les azawadistes ne sont pas les égaux des Maliens. L’accord n’est plus signé entre d’une part le Mali et de l’autre …Azawad, …Azawad et …Azawad. Non, l’Azawad est juste mentionné dans le texte comme une prétendue entité négligeable dont on va perler après : comment aller présenter cela à des populations que l’on a pompé 25 ans durant ? Qu’on a fait rêver comme des bêtes sur une chimère qui finit en château non pas en Espagne mais sur la plage ? Et on leur demande de signer cela ! A laisser ou à prendre.

Les arabes et les islamistes ont des marges de manœuvres. Ils peuvent compter sur des centaines de millions d’individus sur plus de 50 pays – dont certains très riches.

Le Mnla ne peut pas aligner 500 combattants valides et sans le soutien de leurs mentors occidentaux et arabes – qui les ont roulés dans la farine – ils ne peuvent pas faire rouler leurs véhicules plus d’une journée. Les Touareg rebelles s’aperçoivent qu’ils ont été utilisés par tout le monde (arabes du Mali, arabes d’ailleurs, islamistes djihadistes et International socialiste).Comme on presse un citron que l’on jette après.

Ils sont devant un choix difficile et les lendemains sont loin d’être prometteurs. Le rêve d’un Etat est utopique et c’était mal connaître leurs mentors que de croire qu’ils allaient hériter d’un Etat blanc au nord du Mali comme le prélude à la création d’un Etat unitaire touareg dans la sous région. Le 15 s’ils signent, ils faciliteront la tâche aux occidentaux et aux autres. Mais s’ils refusent, on les amadouera encore et encore. Jusqu’au moment où l’on va sortir le bâton.



Amadou Tall

Source: Le Matin

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