On ne comprendra pas les enjeux sécuritaires du nord-Mali en ignorant Iyad Ag Ghali. Fondateur du mouvement jihadiste Ançar Dine, c'est lui le vrai maître du nord. Son influence sur les groupes armés est tentaculaire. Par exemple, il contrôle le Haut Conseil pour l'Unité de l'Azawad (HCUA), principale composante de la Coordination des Mouvements de l'Azawad (CMA), à travers son cousin Cheick Ag Haoussa, lequel est à la fois n° 2 et chef militaire du HCUA. Si le MNLA dispose d'une lumière médiatique hors du commun, Iyad a les hommes et les armes qui permettent aux groupes armés de coloniser le nord.
Ce sont ses troupes, venues de la frontière algéro-malienne, qui ont mis l’armée malienne en déroute en mai 2014. Bien qu’il soit officiellement recherché par les services occidentaux, Iyad circule librement dans le désert, toujours accompagné d’une longue colonne de 20 véhicules, sans essuyer le moindre tir de drone américain ou français. Son impunité, le compère la doit au fait qu’il est le joker de l’Algérie : Ançar Dine est née de la volonté algérienne de faire barrage au MNLA, créé par la France et la Mauritanie pour installer un Etat au nord-Mali et potentiellement menaçant pour l’hégémonie algérienne au Sahel.Iyad contrôle non seulement la CMA, mais il tient aussi les nombreux groupes de narco-trafiquants sous son aisselle. Seul interlocuteur malien d’AQMI, c’est lui qui fournit à ce groupe terroriste des armes, de la drogue et des otages. Un connaisseur nous confie: « Quand des narco-trafiquants acquièrent ces « marchandises », ils ne savent pas comment les écouler; ils sont obligés de passer par le réseau d’Iyad Ag Ghali qui achète les marchandises et se charge ensuite de les revendre. Le lieu des échanges entre les émissaires d’Iyad et les trafiquants est Tin-Fatimata, localitée située à 45 km de Ménaka, dans la région de Gao. Là, on trouve en vente publique toutes sortes de denrées : des grenades à la cocaïne. On y vend aussi des combattants à raison de 500 000 FCFA par tête ».
A-t-on eu raison, dès le départ, d’écarter des pourparlers inter-maliens un personnage aussi incontournable qu’Iyad ? Cette stratégie d’exclusion a été dictée par le couple franco-américain qui estime peu convenable de traiter avec un « terroriste ». Mais alors, pourquoi la France a-t-elle utilisé Iyad pour récupérer certains de ses otages ? Ce constat prouve à suffisance que le mot-épouvantail « terroriste » n’est brandi par les Occidentaux que quand leurs intérêts ne sont pas en cause. Il faudrait peut-être, pour ramener la paix au nord, que le Mali impose sa propre logique : inviter dans la discussion tous ceux qui entretiennent l’insécurité, y compris et surtout Iyad. A quoi servirait, en effet, un accord avec la CMA si Iyad devait continuer à ensanglanter le nord ? D’ailleurs, les différents groupes armés étant autant de vases communicants, à quoi bon signer avec la CMA si celle-ci devait, le lendemain, sous-louer ses combattants à Iyad ?
Tiékorobani
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