Faut-il se contenter d’une intervention militaire au nord du Mali ?
Par Didier Billion | ven, 07/12/2012 - 12:13
Le 12 octobre, le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU) a adopté à l’unanimité une résolution présentée par la France appelant les organisations régionales – c’est-à-dire la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et l’Union africaine (UA) – à présenter sous 45 jours un plan d’intervention armée visant à reconquérir militairement le nord du Mali tout en préconisant la mise en œuvre d’un processus de négociation entre le gouvernement malien et les rebelles. Cette résolution représente une étape intermédiaire avant que le Conseil de sécurité de l’ONU, par une deuxième résolution, donne son accord formel à l’opération militaire demandée par le Mali. Ensuite, le déploiement d’une force militaire prendra certainement plusieurs mois à se mettre en oeuvre. La France s’est beaucoup investie dans ce processus sous égide de la légalité internationale. Elle n’a pourtant cessé de répéter qu’elle ne prendrait pas directement part à une opération militaire et a constamment demandé que ce soit les Etats africains qui organisent eux-mêmes une telle intervention. L’Algérie, qui reste probablement le pays décisif pour contribuer à résoudre la situation a, pour sa part, longtemps refusé l’idée même d’une intervention militaire en privilégiant la voie de la négociation politique.
Pas de bonnes solutions pour le Mali
Craignant un enlisement dans le cas d’une intervention militaire, le pouvoir algérien considérait en effet que le préalable à toute action était la nécessaire relégitimation du pouvoir malien et la reconstitution de son armée. Le 11 novembre, 20 Etats africains réunis à Abuja, capitale du Nigeria, ont approuvé l’envoi d’une force africaine destinée à reconquérir le nord du Mali. Une force de 3300 soldats doit être organisée et un plan stratégique est en train d’être élaboré avant d’être transmis à l’UA puis à l’ONU. Nous sommes dans une situation où il n’y a pas de bonne solution. D’une part, il y a une légitimité à agir car la situation sur le terrain induit une véritable urgence. Tout d’abord à cause du contrôle par la violence du nord du Mali par des mouvements extrémistes qui semblent se renforcer en termes de recrutement, d’arsenal militaire et d’actions terroristes. Ensuite, conséquence logique, parce que les populations du Nord subissent des exactions quotidiennes et qu’un drame humanitaire se prépare avec plus de 200.000 déplacés ou réfugiés. Enfin, parce que des risques de déstabilisation se développent dans toute la zone sahélienne et pourraient avoir des conséquences dans l’Afrique sub-saharienne et en Europe occidentale. Des alliances existent en effet entre quatre forces politiques pour le contrôle des divers trafics de drogue, d’armes et d’êtres humains. Toutefois les revendications de ces groupes sont totalement divergentes puisqu’elles vont de l’indépendance de l’Azawad (Mouvement national pour la libération de l’Azawad – MNLA) à l’exigence de la mise en œuvre de la charia (Ansar Dine) ou à la volonté d’instaurer un émirat de la Mauritanie à la Somalie (Al-Qaida au Maghreb islamique – AQMI - et son allié, le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest - Mujao). Ainsi quand les séparatistes touaregs ont proclamé l’indépendance de l’Azawad, le 6 avril 2012, les forces djihadistes ont dénoncé l’initiative expliquant que pour eux l’essentiel était de poursuivre le combat pour l’instauration de la charia. Depuis, ces groupes djihadistes, mieux armés, ont temporairement pris le dessus. Ces divergences politiques entre les groupes rivaux doivent non seulement être prises en compte mais aussi exploitées pour accroître leurs divisions et les affaiblir. Si le principe d’une intervention militaire se confirme, quatre dimensions devraient être menées de pair pour espérer régler réellement positivement la situation. La dimension militaire tout d’abord : elle suppose la reconstitution de l’armée malienne mise à mal par un coup d’Etat et une défaite militaire face aux rebelles du Nord ; le déploiement des forces africaines ; l’appui logistique par la formation, le renseignement et les forces spéciales provenant de la France, de l’Algérie et peut-être des Etats-Unis.
Les conditions d’une intervention
L’intervention devra ainsi être très ciblée face à des milices extrêmement mobiles. Au-delà de la reconquête des villes de Gao, Kidal et Tombouctou, se posera la difficile question du contrôle d’un immense territoire désertique. Les 1000 combattants jihadistes doivent être dissociés des 4000 combattants touaregs du MNLA, à qui il faut par exemple proposer des opportunités de reconversion. Il importe aussi de tarir les circuits d’approvisionnements en armes qui proviennent de Libye et transitent par l’Algérie. La dimension diplomatique suppose que les pays qui s’estiment trahis par la façon dont la résolution 1973 votée à propos de la Libye en mars 2011 à été appliquée, soient assurés que cette fois-ci l’intervention militaire planifiée sera strictement encadrée par une résolution de l’ONU et respectée par ladite communauté internationale. De ce point de vue la France doit faire un important effort d’explication et donner des assurances concrètes à l’Algérie pour qu’elle lève ses réticences et accepte d’assumer ses propres responsabilités dans la stabilisation de la région. La dimension politique implique que les rivalités qui minent les différentes factions du régime malien cèdent la place à l’unité au nom de la sauvegarde de la nation.
L’absence de remèdes économiques
Si du point de vue du droit international l’indépendance de l’Azawad n’a aucune légitimité, il n’en demeure pas moins que les dirigeants maliens doivent avoir la lucidité d’accorder une plus grande autonomie à la région touarègue du nord du Mali, voire envisager une solution fédérale. La dimension économique enfin reste la dimension absente des projets en cours. Les causes profondes de la crise au Mali renvoient pourtant, comme pour les autres pays de la région, à la conjonction d’une explosion démographique, d’une jeunesse sans perspectives, de la prolifération des trafics, de crises environnementale et sanitaire, et de l’extension d’un islam radical sous l’influence de puissances non africaines. C’est pourquoi la question de l’aide au développement est essentielle et que les puissances les plus riches doivent se mobiliser sans attendre pour aider le Mali et ses voisins. C’est en articulant ces quatre dimensions que sera évité un enlisement du conflit ou son déplacement vers d’autres zones géographiques proches. Il en va de l’avenir de la région.
dbillion@iris-france.org
Pas de bonnes solutions pour le Mali
Craignant un enlisement dans le cas d’une intervention militaire, le pouvoir algérien considérait en effet que le préalable à toute action était la nécessaire relégitimation du pouvoir malien et la reconstitution de son armée. Le 11 novembre, 20 Etats africains réunis à Abuja, capitale du Nigeria, ont approuvé l’envoi d’une force africaine destinée à reconquérir le nord du Mali. Une force de 3300 soldats doit être organisée et un plan stratégique est en train d’être élaboré avant d’être transmis à l’UA puis à l’ONU. Nous sommes dans une situation où il n’y a pas de bonne solution. D’une part, il y a une légitimité à agir car la situation sur le terrain induit une véritable urgence. Tout d’abord à cause du contrôle par la violence du nord du Mali par des mouvements extrémistes qui semblent se renforcer en termes de recrutement, d’arsenal militaire et d’actions terroristes. Ensuite, conséquence logique, parce que les populations du Nord subissent des exactions quotidiennes et qu’un drame humanitaire se prépare avec plus de 200.000 déplacés ou réfugiés. Enfin, parce que des risques de déstabilisation se développent dans toute la zone sahélienne et pourraient avoir des conséquences dans l’Afrique sub-saharienne et en Europe occidentale. Des alliances existent en effet entre quatre forces politiques pour le contrôle des divers trafics de drogue, d’armes et d’êtres humains. Toutefois les revendications de ces groupes sont totalement divergentes puisqu’elles vont de l’indépendance de l’Azawad (Mouvement national pour la libération de l’Azawad – MNLA) à l’exigence de la mise en œuvre de la charia (Ansar Dine) ou à la volonté d’instaurer un émirat de la Mauritanie à la Somalie (Al-Qaida au Maghreb islamique – AQMI - et son allié, le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest - Mujao). Ainsi quand les séparatistes touaregs ont proclamé l’indépendance de l’Azawad, le 6 avril 2012, les forces djihadistes ont dénoncé l’initiative expliquant que pour eux l’essentiel était de poursuivre le combat pour l’instauration de la charia. Depuis, ces groupes djihadistes, mieux armés, ont temporairement pris le dessus. Ces divergences politiques entre les groupes rivaux doivent non seulement être prises en compte mais aussi exploitées pour accroître leurs divisions et les affaiblir. Si le principe d’une intervention militaire se confirme, quatre dimensions devraient être menées de pair pour espérer régler réellement positivement la situation. La dimension militaire tout d’abord : elle suppose la reconstitution de l’armée malienne mise à mal par un coup d’Etat et une défaite militaire face aux rebelles du Nord ; le déploiement des forces africaines ; l’appui logistique par la formation, le renseignement et les forces spéciales provenant de la France, de l’Algérie et peut-être des Etats-Unis.
Les conditions d’une intervention
L’intervention devra ainsi être très ciblée face à des milices extrêmement mobiles. Au-delà de la reconquête des villes de Gao, Kidal et Tombouctou, se posera la difficile question du contrôle d’un immense territoire désertique. Les 1000 combattants jihadistes doivent être dissociés des 4000 combattants touaregs du MNLA, à qui il faut par exemple proposer des opportunités de reconversion. Il importe aussi de tarir les circuits d’approvisionnements en armes qui proviennent de Libye et transitent par l’Algérie. La dimension diplomatique suppose que les pays qui s’estiment trahis par la façon dont la résolution 1973 votée à propos de la Libye en mars 2011 à été appliquée, soient assurés que cette fois-ci l’intervention militaire planifiée sera strictement encadrée par une résolution de l’ONU et respectée par ladite communauté internationale. De ce point de vue la France doit faire un important effort d’explication et donner des assurances concrètes à l’Algérie pour qu’elle lève ses réticences et accepte d’assumer ses propres responsabilités dans la stabilisation de la région. La dimension politique implique que les rivalités qui minent les différentes factions du régime malien cèdent la place à l’unité au nom de la sauvegarde de la nation.
L’absence de remèdes économiques
Si du point de vue du droit international l’indépendance de l’Azawad n’a aucune légitimité, il n’en demeure pas moins que les dirigeants maliens doivent avoir la lucidité d’accorder une plus grande autonomie à la région touarègue du nord du Mali, voire envisager une solution fédérale. La dimension économique enfin reste la dimension absente des projets en cours. Les causes profondes de la crise au Mali renvoient pourtant, comme pour les autres pays de la région, à la conjonction d’une explosion démographique, d’une jeunesse sans perspectives, de la prolifération des trafics, de crises environnementale et sanitaire, et de l’extension d’un islam radical sous l’influence de puissances non africaines. C’est pourquoi la question de l’aide au développement est essentielle et que les puissances les plus riches doivent se mobiliser sans attendre pour aider le Mali et ses voisins. C’est en articulant ces quatre dimensions que sera évité un enlisement du conflit ou son déplacement vers d’autres zones géographiques proches. Il en va de l’avenir de la région.
dbillion@iris-france.org
Paris
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