lundi 10 décembre 2012

Les ONG face à la crise – Le Maligraphe

Les ONG face à la crise – Le Maligraphe
Les conséquences des évolutions politiques et des troubles que subit le Mali du Nord au Sud sur les ONG (Organisations non Gouvernementale) sont multiples. Les grandes ONG ont sensiblement recentré leurs efforts sur une dynamique plus humanitaire en dépréciant temporairement le travail au développement tandis que certaines structures moins importantes ont été mises en sommeil pour des raisons évidentes de sécurité. Un officiel du gouvernement américain spécialiste de la question a bien voulu répondre à nos questions sous couvert d’anonymat.
Musiciens lors du Cinquantenaire de l'USAID au Mali © Kaourou Magassa
Musiciens lors du Cinquantenaire de l'USAID au Mali © Kaourou Magassa



L’Etat ne bénéficiera d’aucune aide directe

Le Maligraphe - Quels ont été les impacts des troubles dans le pays sur vos activités?
Réponse - Le coup d’état militaire du 22 mars 2012 a entraîné un changement dans l’assistance du Gouvernement américain au Mali conformément à la politique et à la législation américaine. A l’exception de l’aide humanitaire, tous les volets de l’aide au développement ont été suspendus. Après avoir procédé à une revue minutieuse de chaque programme le Gouvernement américain a approuvé la reprise de certains pour appuyer la sécurité alimentaire et les services de santé de base et probablement l’organisation d’élections démocratiques, libres et transparentes. Jusqu’à la tenue de celles-ci, l’Etat ne bénéficiera d’aucune aide directe. Les programmes de l’USAID (Agence des États Unis pour le développement international)/Mali ont, depuis, été conçus de manière à répondre aux besoins qui sauvent des vies en fournissant des vivres aux familles vulnérables, en appuyant les programmes de prévention et de traitement de la malnutrition, et d’amélioration de l’accès aux liquidités, aux semences et aux outils, en améliorant la sécurité alimentaire et en renforçant la résilience du peuple malien. Les États-Unis, avec les pays du monde entier, les organisations internationales, et les ONG, ont répondu de façon décisive quand le besoin s’est révélé. Le Gouvernement a contribué à plus de 378 millions de dollars cette année pour répondre à la crise alimentaire au Sahel, ainsi que 92 millions de dollars pour répondre aux besoins humanitaires des maliens, à la fois au Mali et dans les camps de réfugiés dans les pays voisins.
Les États-Unis fournissent également 70 millions de dollars d’aide au développement pour répondre aux besoins cruciaux de santé et de sécurité alimentaire des maliens. Ils sont fiers de faire partie de cette action humanitaire, et restent engagés aux côtés du peuple malien au moment où ce dernier entreprendra les actions indispensables pour renforcer sa sécurité, participer à des négociations essentielles avec les populations du Nord, et à la préparation des élections vitales pour I ‘avenir démocratique, le progrès économique, et la sécurité du Mali.
Le Maligraphe – Avez-vous constaté un changement dans votre rapport aux populations?
Réponse – A ce niveau, nous n’avons pas constaté de changement. Nous intervenons directement à travers les structures communautaires, tels que les centres de santé communautaires, les collectivités locales et les ONG locales. Notre credo est de pouvoir aider à sauver les vies des populations maliennes partout où cela est possible. Ceci a permis de forger entre nous et les populations des relations constamment positives.

Les partenaires veillent à ce que l’aide ne soit pas détournée

Le Maligraphe – Est-ce que vous parvenez à avoir un suivi des opérations que vous avez menées au Nord Mali ? Ces opérations souffrent elles de votre absence?
Réponse - Nous sommes en mesure de poursuivre plusieurs volets de notre assistance en intervenant à travers des partenaires fiables. Les interventions de l’USAID au Nord s’inscrivent exclusivement dans le cadre de l’humanitaire. L’USAID appuie les partenaires du Nord en vue de mener des activités qui sauvent des vies comme l’accès à l’eau potable, la sensibilisation des communautés au sujet de la propagation des maladies liées à l’eau, et les transferts d’argent en faveur des éleveurs pour s’assurer qu’ils ne vendent pas les biens précieux et les biens de production générateurs de revenus. Les partenaires veillent également à ce que l’aide ne soit pas détournée. Par exemple, dans les programmes de transfert d’argent, les bénéficiaires reçoivent des bons qu’ils échangent contre des vivres et des biens auprès des commerçants. Les commerçants, à leur tour, échangent ces bons contre de l’argent au Niger ou au sud du Mali, diminuant du coup les risques de détournement par les groupes armés. Nous envisageons de reprendre notre assistance plus directe au profit des populations du Nord dès que la situation sécuritaire le permettra.
Le Maligraphe – Est-ce que un dialogue s’est instauré entre les ONG humanitaires nouvellement arrivées sur le terrain et vos structures?
Réponse – Le Système des Nations-Unies a mis en place un système de ‘’Cluster’’ pour assurer la coordination de l’aide humanitaire. L’USAID et l’Agence canadienne pour le Développement international (ACDI) représentent les Partenaires Techniques et Financiers (PTF) de l’aide humanitaire au sein de l’Equipe chargée de piloter l’Assistance Humanitaire dans le pays. Elles encouragent le dialogue et la concertation entres les PTF et les agences humanitaires. L’USAID tient des réunions de concertation avec ses partenaires au développement et ceux de l’aide d’urgence. Les ONG qui sont arrivées récemment pour répondre aux besoins d’urgence travaillent en étroite collaboration avec les ONG qui intervenaient au Mali avant l’insécurité alimentaire et les crises politiques survenues au Mali. En fait, bon nombre d’ONG intervenant au Mali avant les crises ont un double mandat, c’est-à-dire qu’elles font face à la fois aux besoins d’urgence et aux besoins en matière de développement.
Ces ONG ont pu déployer du personnel axé sur l’urgence à partir de leurs sièges respectifs ou d’autres pays. Les nouvelles ONG et celles qui étaient présentes sur le terrain auparavant coordonnent et collaborent aux niveaux national et régional à travers le système de cluster des Nations-unies qui a mis en place des groupes de travail sectoriels. Ceux-ci offrent aux ONG un cadre de partage d’informations et de ressources et permettent d’assurer la complémentarité entre les programmes.

Trouver une solution durable

Le Maligraphe – Depuis la chute d’Amadou Ttoumani Touré, rencontrez-vous plus de difficultés à concerter et collaborer avec les institutions dirigeantes du pays? Si oui, dans quelles mesures?
Réponse - Depuis les évènements du 22 mars 2012, l’USAID communique avec les départements ministériels partenaires pour assurer la coordination de notre assistance. Bien que les dispositions de la législation américaine suite à un coup d’état aient imposé une réduction de notre appui direct en faveur du Gouvernement malien, nous continuons à travailler avec plusieurs services de l’Etat et ONG sur plusieurs questions. Nous sommes heureux d’affirmer que les évènements actuels n’ont pas changé le caractère de collaboration positive de nos relations avec les principales institutions maliennes.
Le Maligraphe – On sait que la diaspora Malienne est un poids lourd dans l’aide au développement du Mali, notamment dans la région de Kayes. Quels sont vos échos sur la situation de ces micro-entreprises?
Réponse - Une grande partie de la diaspora malienne est originaire de la région de Kayes. Cette diaspora contribue à l’essor économique de la région par les transferts de fonds. Cependant, nous ne disposons pas d’informations sur le montant de l’apport de la diaspora au développement local dans la région de Kayes.
Le Gouvernement américain, à travers l’USAID et d’autres agences des Nation-unies tel que le Programme alimentaire mondial (PAM), intervient dans la région de Kayes. Il s’agit d’atténuer les effets de la sécheresse au Sahel qui a durement affecté la région. En outre, la région de Kayes a accueilli un grand nombre de personnes déplacées suite au conflit armé au Nord. Ainsi, pour répondre à la situation de crise, le Gouvernement américain, a contribué à plus de 19 millions de dollars en faveur des victimes de la sécheresse et de l’insécurité alimentaire au Mali en général et dans la région de Kayes en particulier.
Le Maligraphe – Quel regard portez-vous sur l’intervention à venir? La soutenez-vous?
Réponse - Les Etats-Unis, le Gouvernement malien, les partenaires sous régionaux et la communauté internationale travaillent main dans la main pour trouver une solution durable aux multiples défis auxquels le pays et la sous-région sont confrontés.
Pour réaliser des progrès dans chacun des domaines (pourparlers sur les problèmes essentiels du Nord avec les Maliens qui partagent l’idée d’un Mali laïc et unifié, la préparation à une intervention militaire pour déloger les extrémistes, des efforts vers la tenue d’élections libres et transparentes dès que possible et la poursuite de l’assistance humanitaire), il est essentiel d’avancer simultanément sur tous ces quatre aspects de la réponse, car ils se renforcent mutuellement. Nous appuyons les efforts de la communauté internationale pour trouver la voie de sortie dans les quatre domaines.

Kaourou Magassa, Tom Piel et Ambroise Védrines
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