Jean-Yves Le Drian : « L’intégrité du Mali est essentielle pour la sécurité de l’Europe »
Dans un entretien à « La Croix », le ministre de la défense confirme qu’un contingent européen de 400 militaires formera l’armée malienne à partir de début 2013, afin de la préparer à reconquérir le Nord-Mali.
Jean-Yves Le Drian précise que l’armée française apportera « un soutien technique » à la force constituée de son côté par l’Afrique de l’Ouest.
Il se montre optimiste sur la relance de l’Europe de la défense en 2013.
Avec cet article
Jean-Yves Le Drian : La relance de l’Europe de la défense est une priorité du gouvernement. Elle a débouché sur des progrès ces six derniers mois. Les 13 et 14 décembre dernier, lors d’un sommet à Bruxelles, les dirigeants européens se sont engagés à établir, dans l’année qui vient, une feuille de route visant à développer concrètement l’Europe de la défense.
Avant même la tenue de cette réunion, la France a réussi à convaincre ses partenaires européens d’approuver le principe d’une mission de l’Union européenne au Mali afin d’aider l’armée malienne à se reconstituer. Voilà une avancée, comme le fut la décision prise fin 2008, au sein de l’UE, de lancer l’opération Atalante pour lutter contre la piraterie maritime au large de la Somalie.
Quelle forme prendra l’implication de l’Europe au Mali et dans quels délais sera-t-elle effective ?
J.-Y. L. D. : Un contingent européen de 400 militaires sera constitué au début de l’année prochaine, puis envoyé au Mali pour former l’armée malienne et la préparer à rendre à ce pays la souveraineté sur l’ensemble du territoire.
Ces militaires ne participeront pas aux opérations de combat. Mais l’UE considère qu’il faut aider le Mali à éradiquer la menace djihadiste. L’initiative européenne est indépendante de la résolution, qui a été adoptée par le conseil de sécurité des Nations unies afin de permettre à la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) d’intervenir militairement aux côtés de l’armée malienne.
J.-Y. L. D. : La France apporte un soutien technique à la Cedeao dans la constitution d’une force capable d’aider le Mali à retrouver l’intégralité de son territoire. Le concept opératoire est en train de s’affiner. L’intervention militaire pourra avoir lieu au premier semestre de l’année prochaine. C’est aux Africains d’intervenir militairement, pas aux Français ou aux Européens.
La France et les États-Unis apporteront à la coalition africaine un soutien dans le domaine de la logistique, de l’observation, du renseignement et de la formation. Pour l’instant, il n’y a pas de solution politique. Les États de la région ont conscience des risques que représentent, pour leur sécurité, les agissements des bandes terroristes armées, qui s’en prennent aux populations et se livrent à toutes sortes de trafics.
L’implication européenne ne va-t-elle pas compliquer la situation des otages français retenus par les terroristes au Sahel ?
J.-Y. L. D. : La situation des otages français est, de toutes les façons, compliquée. Les prises d’otages sont dans une logique infernale, que nous ne pouvons pas laisser évoluer ainsi. Nous nous occupons de très près des otages et faisons tout notre possible pour obtenir leur libération.
Mais cela ne nous empêche pas de considérer que l’enjeu de l’intégrité du Mali est essentiel pour la sécurité de ce pays, comme pour celle de la France et de l’Europe.
L’Union européenne peut-elle s’impliquer aussi dans une sortie de crise en Syrie ?
J.-Y. L. D. : Dans le cas de la Syrie, la question d’une implication de l’Europe ne se posera que s’il y a une décision internationale de mise en œuvre d’une force d’interposition.
La Russie peut-elle aider à sécuriser les armes biologiques et chimiques syriennes ?
J.-Y. L. D. : Ces armes peuvent être utilisées par un Assad aux abois, mais celui-ci sait que, dans ce cas, la France, l’Europe et les États-Unis considéreront que la ligne rouge aura été franchie. Il y a aussi le risque qu’elles tombent dans les mains de forces d’opposition aux intentions non louables.
Nous savons où sont ces armes et nous les surveillons. Mais nous ne sommes pas sur place. Si la Russie pouvait jouer un rôle positif dans la sécurisation de cet arsenal, ce ne serait pas plus mal.
Pourquoi la relance de l’Europe de la défense devient-elle nécessaire ?
J.-Y. L. D. : Pour trois raisons : rééquilibrage des intérêts stratégiques des États-Unis vers la région Asie-Pacifique, permanence de la menace terroriste en particulier au Sahel, contraintes budgétaires dues à la crise économique.
Cette relance ne doit pas en rester au stade des déclarations. Elle doit s’effectuer avec pragmatisme, quitte à ne concerner au départ que quelques États membres. La défense de l’Europe suppose, d’une part, de mener des opérations militaires en commun et, d’autre part, de mutualiser des programmes industriels de fabrication de matériels ou d’équipements militaires.
L’Europe a-t-elle la capacité de réaliser des interventions militaires ?
J.-Y. L. D. : Oui. Il existe des dispositifs de mobilisation des armées des pays européens qu’il suffit d’actionner. Je pense notamment à la formule des groupements tactiques, mise en place au sein de l’UE en janvier 2007. Comprenant chacune environ 1 500 hommes, ces unités doivent pouvoir être projetées dans les meilleurs délais. La constitution de ces forces d’action rapide est rendue possible dans le cadre d’une veille, qui est assurée tous les six mois conjointement par trois États membres, à tour de rôle. Durant le premier semestre 2013, cette veille sera assurée par l’Allemagne, la France et la Pologne.
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Les destructions de mausolées reprennent à Tombouctou
À coups de pioches, les islamistes qui occupent le nord du Mali ont à nouveau détruit, dimanche 23 décembre à Tombouctou, des mausolées de saints musulmans, promettant de les anéantir tous.Considérant la vénération des saints comme de l’idolâtrie, ils avaient débuté ces destructions en juillet 2012, puis en octobre. Par ailleurs, deux voleurs présumés ont eu la main amputée à Gao (nord-est) vendredi 22 décembre.
Ces exactions ont été commises après l’adoption la veille aux Nations unies d’une résolution autorisant, par étapes et sous condition, une intervention militaire pour reconquérir le nord du pays.
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