lundi 10 décembre 2012

« J’ai honte d’être Malien ! » - maliweb.net

Message d’un habitant de Tombouctou : « J’ai honte d’être Malien ! » - maliweb.net
essage d’un habitant de Tombouctou : « J’ai honte d’être Malien ! »
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Dans ce message que nous adresse ce jeune habitant de Tombouctou pour publication, l’auteur décrit non seulement la situation chaotique dans laquelle vivent comme lui, tous les tomboutiens restés sur place, mais aussi, il lance un véritable défi à nos consciences.
« Je n’écris pas ce texte pour demander une quelconque aide. Qu’elle soit en espèce ou en nature. Trop de « secouristes » le font déjà depuis Bamako, quand bien même, leurs moissons ne nous arrive ici à Tombouctou que très rarement.
D’ailleurs, la seule aide qui vaille pour nous, habitants de Tombouctou, c’est celle qui contribuera à nous rendre notre liberté confisquée et à laver notre honneur souillé.
J’écris ce texte pour défier les consciences des Maliens qui en disposent encore.
En effet, ici à Tombouctou, depuis maintenant 8 mois qui paraissent pour nous, comme une éternité, nous vivons dans la honte, l’humiliation, la torture physique et morale. Ici, tout s’est arrêté. Même le temps.
Nos magasins, nos ateliers, nos domiciles ont été pillés, nos biens volés. En plus, nos écoles, les symboles de notre culture, de nos croyances, de l’Etat ont été détruits ou incendiés.
Tout cela, devant l’indifférence totale de nos autorités nationales et la communauté internationale.
Figurez-vous qu’à Tombouctou, il n’y a d’électricité qu’entre 17 heures et 3 heures du matin. Ce qui fait que, pour nous, la nuit devient le jour et le jour, la nuit.
Pire, l’eau manque cruellement, alors que dans toute la ville, il n’y a aucun puits ou forage qui fonctionne.
Face à la situation, nombre de nos concitoyens ont regagné Bamako ou d’autres localités dans le sud du pays.
Quel sort pour ceux (comme moi) restés sur place parce que n’ayant nulle part où aller ?
Voici mon quotidien qui est pareil en essence à celui de tous les autres.
Je suis, à 25 ans, chef de famille de 7 membres après le décès de mon père survenu depuis maintenant 5 ans. Avec à ma charge, ma vieille mère paralysée et mes 5 frères et sœurs tous mineurs, j’ai dû abandonner le lycée (classe de terminal) pour me consacrer à la profession de cordonnier que j’ai héritée de feu mon père.
Tant bien que mal, j’arrivais à assurer au moins une fois par jour le repas à ma famille, en vendant ça et là quelques paires de chaussures. Hélas, d’année en année, les touristes, potentiels clients de mes produits ne séjournaient plus à Tombouctou pour cause d’insécurité.
Comment alors assumer mes responsabilités de jeune chef de famille, faute de clients pour mes chaussures en cuir ?
La seule solution qui me restait était de vendre petit à petit les biens de la famille. Et à ce jour, nous ne disposons même plus d’une chaise ou d’un matelas.
Certes, les habitants de Tombouctou sont très solidaires, mais, comme on le dit, qui n’a rien, n’a nul partage à faire.
Actuellement (et je n’ai pas honte de le dire), les peaux de moutons, de chèvre ou de vache que je reçois gracieusement d’amis bouchers, ne me servent plus à confectionner des chaussures, mais, de repas pour la famille.
Par ailleurs, qui n’a pas vu, à Tombouctou, un jeune couple se faire publiquement fouetter par les criminels qui occupent la ville, au motif qu’il entretenait une relation amoureuse extra conjugale ?
Qui aurait cru que cette célèbre et paisible ville de Tombouctou, vieille de près de 1000 ans puisse vivre dans cette situation ?
A Tombouctou, nous les habitants sur place sommes tous dans l’agonie. Pendant ce temps, à Bamako et ailleurs dans le monde, ceux qui ont le devoir de sauver nos vies attendent la fin de leurs conférences et dialogues pour agir.
J’ai honte pour eux !
Maliens et Citoyens du monde libre, vous aurez sur la conscience votre indifférence face à notre malheur.
Pour terminer, je crie haut et fort que, de la fierté maladive que j’avais d’être malien, il n’en reste plus rien.
Au contraire, aujourd’hui, j’ai honte d’être Malien. » D’ailleurs, le suis-je vraiment ?

M. Alidj Touré
Tombouctou

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