lundi 10 décembre 2012

Mali: le dialogue avec les Touaregs s'impose | Slate Afrique

Mali: le dialogue avec les Touaregs s'impose | Slate Afrique

Mali: le dialogue avec les Touaregs s'impose

L’urgence de la menace terroriste au Nord-Mali a poussé le Conseil de sécurité de l’ONU à voter la résolution 2071. Johnnie Carson, le sous-secrétaire d'Etat américain pour l'Afrique analyse pour SlateAfrique la situation au Mali.

Des Maliens de la région de Gao, septembre 2012 © REUTERS/Stringer
partager

taille du texte
Mise à jour du 29 octobre 2012: La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton est arrivée le 29 octobre à Alger pour discuter avec le président algérien Abdelaziz Bouteflika du nord du Mali voisin, aux mains d'islamistes radicaux dont Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), a constaté un journaliste de l'AFP.
"L'Algérie étant l'Etat le plus puissant du Sahel, elle est devenue un partenaire crucial pour s'occuper d'Aqmi", a indiqué un responsable du département d'Etat à bord de l'avion de Mme Clinton, qui a atterri peu avant 05H30 GMT à l'aéroport international d'Alger.
****
SlateAfrique - Comment les Etats-Unis peuvent-ils aider le Mali?
Johnnie Carson - Les Etats-Unis essayent de trouver des solutions pour collaborer avec les Etats de la région, les organisations régionales, les pays amis comme la France, la Belgique et l’Union européenne, afin d'aider dans la mesure du possible le Mali, afin qu’il puisse faire face à la crise politique et humanitaire qui le frappe.
Nous allons également encourager le Mali à avancer sur la voie de la réforme démocratique. Les Etats-Unis avaient pris des mesures coercitives à l’encontre du Mali. En effet, la loi américaine exige de ne fournir de l'assistance qu’à un gouvernement légitime et démocratique.
A la suite du coup d'Etat de mars 2012, nous avons réduit toutes les aides au développement à caractère non humanitaire au Mali. Nous avons conservé un certain nombre de programmes mis en place comme les programmes de prévention du VIH/sida, du paludisme mais aussi continué à fournir des médicaments.
Il est nécessaire de préserver ce type d’assistance, afin de ne pas pénaliser les malades. Nous avons adopté la même politique pour les programmes agricoles s’ils sont nécessaires à la population.
L’un des défis que le Mali doit relever est humanitaire. La sécheresse et l’insécurité alimentaire ont été aggravées par les mouvements massifs de population, c'est pourquoi nous avons maintenu nos programmes de sécurité alimentaire.
Nous avons également mis fin à la construction d’une piste d’autoroute à Bamako, et le terminal que nous avions débuté, nous ne l’avons pas achevé. La construction a été interrompue car ce projet n’est pas de nature humanitaire.
Nous avons coupé toutes nos aides militaires, interrompus tous nos programmes «Peace corps»(coopérants) et tous ceux qui n’étaient pas de nature humanitaire.
Plus de 400 millions de dollars ont été investis au Mali et dans plusieurs autres pays depuis les problèmes qui affectent la région depuis ces 12 derniers mois.
Nous avons également sanctionné le capitaine Sonogo (auteur du coup d’Etat de mars 2012) et d'autres dirigeants maliens sont interdits d’obtention de visa des Etats Unis: ils ne sont pas non plus autorisés à d'entreprendre des transactions financières qui impliquent les Etats-Unis.
Il est important de maintenir une pression, afin que les militaires ne soient pas engagés dans la politique au Mali. La politique n’est pas du ressort des militaires.
SlateAfrique - Vous proposez de négocier avec les Touaregs, mais ceux qui sont prêts à négocier ont été marginalisés militairement. Est-ce vraiment efficace de négocier avec les mouvements qui ont été marginalisés?
Johnnie Carson - Il y a deux approches: le gouvernement doit tendre la main aux Touaregs et aux autres communautés marginalisées dans le nord et de leurs dirigeants qui ne sont pas, je le souligne, des salafistes ou des terroristes.
Il faut inciter ces groupes à négocier avec le gouvernement, mais un gouvernement qui reconnaît qu'il doit améliorer le quotidien de ces populations du nord, plus qu’il ne l’avait fait auparavant.
S’assurer qu'il y ait un engagement à respecter les promesses d'intégration politique et de développement économique. Il est crucial de savoir que le gouvernement s’engage dans la construction des écoles, des cliniques ou des infrastructures gouvernementales, et qu’il s’y tiendra.
La deuxième approche concerne la communauté malienne, en plus d'aider leur pays et les communautés régionales à chasser les terroristes, la population doit également s’engager à aider le gouvernement à respecter toutes les promesses de développement faite à l’encontre des Touaregs.
Johnnie Carson © U.S. Departement of State/ Africa regional Services
SlateAfrique - Est-il possible de trouver une solution à la crise malienne sans l’aide de l'Algérie? Ce pays n’est il pas la «grande puissance» régionale?
Johnnie Carson - L'Algérie est un pays important au Maghreb, et un acteur clé car, il partage la deuxième plus grande frontière avec le Mali.
Les populations qui vivent dans le sud de l'Algérie et celles du nord du Mali ont beaucoup de point commun: le Sahara, les Touaregs, les Arabes contribuent à l'économie de la région en effectuant des va-et-vient de chaque côté de la frontière.
On souhaite que l'Algérie puisse jouer un rôle positif et utile pour résoudre la crise malienne. Il est dans l'intérêt de l'Algérie d'incarner ce rôle, vu la longueur de la frontière qu'elle a en commun avec le Mali, la population qu'elle partage avec le Mali mais aussi les relations commerciales qui existent entre ces deux pays.
L'Algérie a un poids considérable dans la région et c'est très important. Ses préoccupations doivent être prises très au sérieux. On souhaite qu'il soit un acteur majeur dans la résolution de cette crise en phase avec la Cédéao (Communauté des Etats de l'Afrique de l'Ouest) et les autres communautés régionales et nationales.
SlateAfrique - Barack Obama ne s'est rendu qu'une seule fois en voyage officiel en Afrique lors son mandat, le continent intéresse-t-il les Etats-Unis?
Johnnie Carson - Le président des Etats-Unis est profondément et passionnément intéressé par l'Afrique. Notre intérêt pour l'Afrique est de nature historique, économique, commerciale et politique. Barack Obama a eu un calendrier serré. Il a donné la priorité à l'économie américaine qui a présenté de nombreux défis en raison de la crise économique dans laquelle nous sommes plongés actuellement.

SlateAfrique - Le président américain a effectué son discours phare à Accra, au Ghana, le 11 juillet 2009. Comment expliquer qu’il ne se soit pas rendu au Nigeria? Est-ce à dire que le Nigeria n’était pas considéré comme aussi démocratique que le Ghana?
Johnnie Carson - Il a confié la responsabilité des Affaires étrangères à Hillary Clinton, la secrétaire d'Etat. En trois ans et demi, elle s'est rendue à deux reprises au Nigeria, où elle a rencontré le président Goodluck Jonathan. En outre, avant la mort de Umaru Musa Yar'Adua en août 2009 (l’ex-président décédé avant le terme de son mandat), je me suis rendu au Nigeria.
SlateAfrique - Pourquoi le Nigeria est-il un partenaire aussi important?
Johnnie Carson - Il existe au moins une dizaine de raisons qui expliquent en quoi le Nigeria est un interlocuteur essentiel pour le président américain: le Nigeria possède la population la plus importante du continent avec ses 160 à 170 millions d'habitants. C'est le plus grand pays d'Afrique. Le Nigeria est le 6e pays où l'on trouve la plus forte population musulmane du monde, l'Egypte est le premier pays africain mais devrait bientôt être supplanté par le Nigeria.
Ce pays est le cinquième pays exportateur de pétrole. D'ailleurs le Nigeria est l'un des plus grands partenaires commerciaux des Etats-Unis en Afrique. S'ajoute à cela le fait que les Etats-Unis investissent énormément au Nigeria. Enfin, nous partageons des liens historiques, politiques qui contribuent à perpétuer nos intérêts communs.
Propos recueillis par Maïmouna Barry, Pierre Cherruau et Afolake Oyinloye
Retrouvez la première partie de l'interview
Pour comprendre la crise malienne, notre dossier Mali: un pays coupé en deux

Aucun commentaire: