Rébellion cyclique au nord du Mali : « L’Azawad ne signifie pas grand-chose » dixit le Pr. Bakary Kamian | Mali Actualités
Rébellion cyclique au nord du Mali : « L’Azawad ne signifie pas grand-chose » dixit le Pr. Bakary Kamian
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Pr. Bakari Kamian
La révolte touareg de 1963, la rébellion armée touareg de 1990 et celle en cours au Mali. La rébellion touareg persiste et perdure.
Les Accords de Tamanrasset le 6 janvier 1991, la signature du Pacte national le 11 avril 1992 à Bamako avec la médiation l’Algérienne, l’organisation des Concertations régionales en juillet 1994 et leur synthèse nationale en août 1994 et les Accords de Bourem du 11 janvier 1995 entre le Gandakoy (MPMGK) et le FPLA, enfin la Flamme de la Paix de Tombouctou du 27 mars 1996, n’ont pas changé la donne. Le rôle trouble et historique de la France et de l’Algérie n’a pas été occulté. Lisez plutôt les éclairages du doyen Bakary Kamian, que nous avons rencontré pour vous.
Ancien compagnon du Président, Modibo Keita, à 85 ans, son souhait est de voir le Mali devenir uni et prospère. Dans cet entretien, il nous parle avec beaucoup de prudence et de réserve, sagesse oblige. Nos autorités doivent se rapprocher de lui pour l’histoire et les archives du Mali.
Dans sa logique de recherche de solutions pour le retour de la paix dans le septentrion du Mali, l’Etat a, en avril 1993 et en octobre 1996, intégré 2.540 combattants des MFUA dans les forces armées et de sécurité et à la fonction publique.
Ces nouveaux intégrés ont été répartis pour 2.090 militaires de l’Armée, de la gendarmerie et de la garde nationale; 150 policiers, 100 douaniers, 50 agents des eaux et forêts, et 150 autres dans les administrations civiles. Cette intégration, faut-il le signaler, a été complétée par un recrutement spécial de 250 jeunes du MPMGK dont 147 au titre des forces armées, 73 à la gendarmerie et 30 dans d’autres corps civils de la fonction publique.
Les velléités sécessionnistes, l’occupation des 2/3 du pays par la rébellion, l’imposition de la charia par les islamistes armés, les violations répétées des droits de l’homme, le trafic de drogue, les milliers de refugiés et de déplacés, etc.…. font légitimement suspecter la faiblesse de l’administration politique de la république, le laxisme de l’Etat et un semblant d’abandon de l’Etat vis-à-vis des populations du nord.
Mais pour l’éminent historien, le professeur Bakary Kamian, à cela il faudra ajouter les aspirations des nomades poussés par des intérêts extérieurs. On peut noter aussi les séquelles de la colonisation française. En 1957, il avait été créé à l’intérieur du gouvernement français un ministère du Sahara pour gérer les ressources minières de l’aire.
La France voulait même créer une organisation commune des régions sahariennes, mais les parlementaires africains dont Senghor, Modibo Kéita, Sékou Touré, s’y sont opposés. Mais l’idée n’a pas été pour autant abandonnée en 1960, car 300 notables de la boucle du Niger, des Touaregs, des Maures et certains Songhoy, ont envoyé une lettre au général De Gaulle, alors Président de la république française, pour lui demander qu’on ne donne pas l’indépendance aux Noirs et aux Blancs en même temps.
En effet, ils ont demandé qu’il y ait un Etat de nomades qui soit indépendant des entités politiques au nord et au sud du Sahara. Qui ne soit lié ni aux Etats maghrébins du Maroc, de l’Algérie, de la Tunisie et de Lybie, ni aux Etats négro-africains de l’Afrique occidentale. Ils ont donc demandé un territoire entre les blancs et les noirs.
LE MALI UN VIEUX PAYS
Le Mali est un vieux pays par rapport à beaucoup de pays d’Afrique. Il a connu des histoires très anciennes qui l’ont lié aux autres pays évolués du monde, à son temps. Si l’on veut partir de l’histoire véritable de la création de villes, de centres de développement, telles que les villes de Djenné créée au Vème siècle avant J.C et de Dia, créée vers 810 avant Jésus Christ. De vieilles métropoles qui ont développé une civilisation locale très importante et qui ont été à la base du départ de certaines ethnies qui ont constitué des unités politiques très importantes et qui ont eu une influence considérable sur, non seulement le Soudan, mais sur une grande partie de l’Afrique de l’ouest, notamment l’Empire de Ghana, l’Empire Songhoy et l’Empire du Mali.
L’empire de Ghana, dira le professeur Kamian, a été le premier Etat constitué en Afrique de l’ouest et qui, a un moment donné, a eu sous sa dépendance, une partie du Mali, de la Mauritanie, du Sénégal et de la Gambie. A la longue, l’empire a vu se développer l’Islam au 9e siècle et, à partir du 10 siècle, un mouvement islamiste, le mouvement almoravide, va naitre à la frontière Sénégalo-mauritanienne, qui, plus tard, renversera l’empire du Ghana. Le mouvement almoravide se révèle alors comme un mouvement religieux qui procédera à une conversion forcée des populations à l’islam. Ainsi, on aboutit vers1904 à la dominance de l’arabe sur la langue soninké qui était la langue de communication des relations intercommunautaires de l’Afrique ouest saharien.
L’AZAWAD NE SIGNIFIE PAS GRAND-CHOSE
Se prononçant sur la République de l’Azawad revendiquée par le MNLA (Mouvement National de Liberation de l’Azawad), l’historien émérite, expliquera que l’Azawad ne signifie pas grand-chose.
C’est une zone de pâturage pour les bergers, une zone de nomadisme pour les maures et les touaregs entre Tombouctou et Arawane. Une zone de pâturage pour les chameaux, les bœufs, les moutons et les chèvres. Où, il n’y avait pas de village, où, il n’y avait pas de centre économique, où, il n’y avait pas un seul centre urbain qui se soit manifesté.
Puis d’ajouter, que c’est exactement le cas de l’appellation de la forêt de Tiénfala ou le delta de Macina. Or, dire le Macina, c’est pratiquement ne rien dire de concret, parce qu’il y a beaucoup de régions à l’intérieur du Macina. La zone de bourghou qui est dans un îlot entre le bras du Niger occidental et le bras principal. Mais après il y a eu un Macina politique, un Macina du moyen âge, un Macina de Sékou Amadou. Le Macina du bourghou avait pour capitale Tenenkou, le Macina de Sékou Amadou avait pour capitale la ville de Hamdallaye et le Macina des toucouleurs qui était français avait pour capitale Bandiagara. Donc quand on dit Macina, il y a Tenenkou, Hamdallaye et Bandiagara. Or tel n’est pas le cas de l’Azawad qui n’était pas habité.
LA REBELLION TOUAREG S’INSCRIT DANS UNE LOGIQUE DE CRISE CYCLIQUE DE 500 ANS DE PERIODE
Par approche d’événements historiques marquants, M. Bakary Kamian fera observer que la crise que traverse le Mali est une crise grave, mais ce n’est pas la première « On dirait que tous les 500 ans il y a eu une telle crise.
Par exemple en 1076, quand les almoravides ont attaqué la ville de Ghana, capitale de l’Etat de Ghana, ils ont détruit la ville et soumis les habitants de force à l’Islam. De ce fait certains ont été contraints, soit à l’immigration, soit à se faire tuer. C’était comme à l’époque de la guerre d’Algérie, les français qui y vivaient, avaient le choix entre la valise ou le cercueil, c’est-à-dire partir ou mourir. Eh bien au Mali aussi, pendant le mouvement almoravide, les populations avaient le choix soit se convertir, soit d’immigrer. C’est ainsi qu’on a eu cette diaspora Sarakolé qui a sillonné toute l’Afrique occidentale.
Presque 500 ans après, entre 1590 et 1591, il y a eu l’invasion marocaine. Après le fameux pèlerinage de Kankou Moussa en 1324 et 1325, les marocains se sont rendus compte que le Soudan recelait de beaucoup de richesses, notamment de l’or. Il fallait faire main basse sur cette richesse fabuleuse dont le roi Kankou Moussa avait donné la preuve de l’existence pendant son pèlerinage à la Mecque.
Ils ont envoyé plusieurs expéditions pour attaquer l’empire de Ghana. Une première en 1545, une seconde en 1566, une troisième en 1584, une quatrième qui a failli réussir en 1588 et la dernière qui fut la bonne en 1590-1591. Qui, du reste, s’est transformée en une occupation, puis au renversement du régime politique en place, c’est à dire l’empire Songhoy.
A partir de 1878 -1879, il y a eu une deuxième colonisation française, parce qu’il y’eût une première colonisation française avec la création des premiers forts sur le fleuve Sénégal… »
POURQUOI L’ALGERIE DOIT SOUTENIR LE MALI ?
Rien que pour être cohérente et crédible par rapport à ses exigences vis-à-vis de la France, l’Algérie ne devrait être juste vis-à-vis du Mali et combattre à ses côtés. A cette question, le professeur Kamian répond qu’il y a un rôle que les maliens veulent que l’Algérie joue et il y a le rôle réel qu’Alger joue qui est conforme à ses intérêts.
Si vous regardez l’éclatement de la fédération du Mali, vous vous rendrez compte qu’il avait pour cause directe l’appui que le Soudan de Modibo Kéita a apporté aux combattants du FLN. Parce qu’on avait ouvert un troisième front de guerre sur le territoire malien, alors qu’on n’était pas indépendants. On avait risqué. On a pris position pour l’Algérie de façon claire et nette. Alors nous voulons une sorte de reconnaissance. Et surtout qu’il y a à la tête de l’Algérie un homme qui a été témoin de tout cela, Bouteflika. Mais les pays n’ont pas d’amis, mais des intérêts à défendre, a-t –il regretté.
Qu’est ce que le pays a fait de son indépendance ? Gabegie, corruption, dépravation de mœurs. Quelle a été la responsabilité des différentes composantes ? Pas de véritable politique nationaliste, idéaliste. « Les enfants, évitons de parler trop en cette période, car les gens veulent nous aider à recouvrer notre intégrité territoriale. La paix ne se négocie pas, ça s’impose.
Seul un Etat fort peut régler définitivement cette crise. Vous les journalistes vous avez un rôle important à jouer donc éviter certaines légèretés car l’ennemi nous observe », a-t-il conseillé. A mon âge, mon seul souhait est de voir mon pays uni et prospère, « là je pourrais mourir en paix car cette situation me coupe le sommeil ».
ABD et Ange
L’Enqueteur
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