la fuite en avant de Bamako - International - El Watan
Certains acteurs à Bamako veulent, alors même que les groupes rebelles ont fait des concessions significatives pour convaincre de leur disponibilité au dialogue, bloquer les voies du dialogue en misant exclusivement sur la perspective du déploiement de la force internationale.
Après que le président français François Hollande eut souligné, la semaine dernière, la nécessité que le «dialogue politique s’intensifie entre les autorités maliennes et les représentants des populations du nord du Mali qui rejettent le terrorisme», c’était au tour, jeudi, du haut représentant de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel, Pierre Buyoya, d’insister une nouvelle fois sur l’urgence de l’installation par les autorités maliennes de la structure (commission nationale) pour le dialogue avec la rébellion du Nord.
Ce rappel à l’ordre de la part du haut représentant de l’organisation panafricaine s’explique notamment par le fait que de lourdes incertitudes pèsent sur les assises nationales maliennes, prévues théoriquement d’avoir lieu à partir du 26 novembre. Il est, rappelle-t-on, attendu des participants à ces assises qu’ils élaborent une feuille de route comportant un calendrier électoral pour restaurer l’ordre constitutionnel et, surtout, qu’ils définissent les termes de référence et la composition de la commission nationale qui sera chargée des négociations avec les représentants des populations du Nord-Mali.
Ces incertitudes sont corroborées par les atermoiements observés du côté de certaines composantes des autorités de transition. De cette attitude, indique une source algérienne, découlent deux remarques. La première tant à confirmer que ces autorités sont profondément divisées et que certains leaders se projettent déjà dans la prochaine élection présidentielle. Partant de ce constat, de nombreux observateurs soutiennent l’idée que la situation a un besoin urgent de cohérence au sommet de la pyramide institutionnelle de transition, d’autant que ces autorités n’ont aucun contrôle sur les forces de sécurité et de défense.
En second lieu, l’on soupçonne fortement certains acteurs à Bamako de vouloir, quelque part, alors même que les groupes rebelles ont fait des concessions significatives pour convaincre de leur disponibilité au dialogue, bloquer les voies du dialogue en misant exclusivement sur la perspective du déploiement de la force internationale. Beaucoup considèrent, en effet, comme une avancée importante le fait qu’Ançar Eddine, un groupe rebelle targui d’obédience islamiste, et le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), les nationalistes touareg, se soient dits prêts au dialogue avec Bamako.
Les calculs de cheikh Modibo Diarra
Leurs représentants ont d’ailleurs été reçus, ensemble, le 16 novembre à Ouagadougou par le président burkinabé, Blaise Compaoré, médiateur dans la crise. Dans une déclaration commune, les deux groupes rivaux ont également appelé l’armée malienne à cesser les hostilités contre les civils. L’inconvénient, c’est qu’effectivement à Bamako (autant qu’à Niamey d’ailleurs. Lire un article du même auteur concernant le sujet paru dans notre édition du 15 novembre 2012), on ne semble pas du tout prêt à négocier avec un quelconque groupe armé intervenant au Nord.
Pourtant, depuis son retour de Paris fin juillet, le président par intérim, Dioncounda Traoré, a promis à plusieurs reprises de mettre en place une structure de dialogue avec les groupes armés du Nord. Mais trois mois plus tard, rien n’a bougé. C’est justement ces tergiversations qui ont convaincu «Monsieur Sahel» de l’Union africaine de rappeler aux autorités maliennes de transition leurs responsabilités, dont l’une d’elles consiste justement à installer en urgence cette fameuse commission du dialogue nationale. Tous les acteurs engagés dans le règlement de la crise du Nord-Mali se disent persuadés, en tout cas, qu’avec les dernières évolutions, les autorités maliennes ne peuvent pas faire fi du consensus international qui se dégage clairement en faveur du dialogue et de la négociation. Et ce consensus inclut également la France qui est pourtant en pointe concernant la question de l’intervention militaire au Sahel.
Zine Cherfaoui
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