Le Mali accepte-t-il l'autonomie du nord ? Ce que dit le nouveau projet d'accord algérien
Ce que dit le nouveau projet d’accord algérien
Le 25 février 2015, le médiateur algérien a proposé aux représentants du Mali, des groupes armés du nord et des milices d’autodéfense pro-Mali un projet dont nous décrivons ci-dessous les points saillants et les pièges.
Adhésion formelle à l’intégrité du territoire et à la laïcité de la République.
A l’article 1, le projet d’accord présenté par l’Algérie souligne l’attachement des parties au rejet de la violence et au « respect de l’unité nationale, de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’Etat du Mali, ainsi que de sa forme républicaine et son caractère laïc ». La manoeuvre est fort adroite: elle permet de faire avaler le reste de la pilule qui, au vrai, a un goût de nivaquine. En effet, la belle profession de foi chantonnée plus haut est aussitôt édulcorée par l’obligation faite aux parties de promouvoir « la diversité culturelle et linguistique » et de permettre « la prise en charge par les populations de la gestion effective de leurs propres affaires, à travers un système de gouvernance prenant en compte leurs aspirations et leurs besoins spécifiques ».
Rhétorique séparatiste.
En poursuivant la lecture, on découvre que le projet d’accord prévoit « un développement équilibré de l’ensemble des régions du Mali ». La chose n’est pas mauvaise en soi, sauf qu’elle reprend la rhétorique du MNLA: chaque fois qu’il plastronne sur les plateaux de télé étrangers, ce groupe séparatiste ne parle, en effet, que de « spécificités » du nord, de « prise en charge de leurs propres affaires par les populations locales » et de « développement équilibré de l’ensemble des régions » du Mali. Sous-entendu: toute oeuvre de développement doit désormais prioriser le nord qui aurait été délaissé depuis l’indépendance par l’Etat malien.
Révision constitutionnelle.
Le texte algérien annonce qu’au besoin, l’accord sera mis en oeuvre à travers une révision des lois et de la Constitution du Mali. Cette annonce est lourde de périls car toute révision de la Constitution nécessite un référendum populaire; or, on peut d’ores et déjà tenir pour certain que le peuple malien, majoritairement situé au sud, rejettera tout accord, même passablement favorable aux groupes rebelles. Que ferait-on en cas de rejet ?
Reconnaissance de l’Azawad
. A l’article 2, le texte reconnaît l’« Azawad » comme « une realité socioculturelle, memorielle et symbolique partagée par différentes populations du nord Mali, constituant des composantes de la communauté nationale ». Pas sûr que le mot « Azawad », qui caractérise depuis des années le discours des rebelles, soit gobé par les Maliens.
Autodétermination par la base.
Le texte fait la part belle aux séparatistes en prévoyant la mise en place de « Collectivités territoriales dotées d’organes élus au suffrage universel et de pouvoirs étendus ». Il sera aussi institué « un système de défense et de sécurité basé sur les principes d’unicité, d’inclusivité et de représentativité ». Derrière ces jeux de mots, se cache à peine la ferme volonté de rebâtir l’armée et les forces de sécurité maliennes sur des bases ethniques; sinon, comment parler de « représentativité » dans l’armée comme s’il s’agissait d’une entité élue ? D’autre part, élire les dirigeants des collectivités territoriales et les doter de « pouvoirs étendus » revient à diviser le pays par la base. Une manière de concéder l’audétermination locale des régions du nord, n’est-ce pas ? Ainsi, chaque région du nord aura à sa tête une assemblée dirigée par un président élu au suffrage universel direct et qui sera « le chef de l’Exécutif et de l’Administration de la région ». Elu comme IBK et président comme lui, pourquoi ce chef régional irait-il lui rendre des comptes ? Comment ce chef local élu serait-il révoqué ? Qui assuerait sa tutelle administrative alors que l’article 9 du texte algérien déclare que « les délibérations des collectivités territoriales sont exécutoires dès leur publication et transmission au représentant de l’Etat » ? Il en ira de même des cercles qui, selon le projet d’accord, seront dirigés par des « présidents de conseil de cercle » élus. Soulignant les pouvoirs de cette foule de baronnies qui parsèmeront, telles des épines, le territoire malien, le texte donne à chaque cercle ou région de prendre « la dénomination officielle de leur choix ». Pour couronner le tout, les chefs de tribus et autres grands chômeurs du nord entreront – sans élection – dans un Sénat qui verra le jour.
L’Etat spolié de ses pouvoirs au profit des régions
. L’article 8 du projet d’accord donne aux régions du nord tous les pouvoirs pour régir elles-mêmes toutes questions liées aux domaines suivants: développement économique, social et culturel; aménagement du territoire; éducation de base et formation professionnelle, santé, environnement, culture, infrastructures routières et de communication, énergie, hydraulique et assainissement; agriculture, élevage, pêche, gestion forestière, transports, commerce, industries, artisanat, tourisme, transports interrégionaux; budgets et comptes administratifs; établissement et application d’impôts et de recettes propres; coopération décentralisée et jumelage; police territoriale et protection civile.
Sécurité et armée ethnicisées.
Le projet d’accord impose « une participation active et significative des populations, en particulier celles du nord à la gestion de la sécurité locale ». Et c’est quand l’armée et les forces de sécurité auront été ainsi « reconstituées » qu’elles entameront leur redéploiement « progressif » au nord. La « reconstitution » selon les critères dictés par les rebelles est donc une condition du retour de l’armée dans cette partie du territoire. Où est donc l’indépendance du Mali ? L’article 22 enfonce le clou en stipulant: « Les forces (armées) devront inclure un nombre significatif de personnes originaires du nord, y compris dans le commandement, de façon à conforter le retour de la confiance et faciliter la sécurisation progressive de ces régions ». En clair, tant que l’armée n’aura pas été inondée de Ag et de Ould, les groupes armés ne se sentiront pas en « confiance » ! Et que ferait-on des officiers touaregs et arabes qui ont déserté l’armée puis ouvert le feu leurs anciens compagnons d’armes maliens ?
Zone spéciale de développement du nord.Le projet d’accord prévoit « une Zone de Développement des Regions du Nord, dotée d’un Conseil consultatif interrégional et d’une Stratégie Spécifique de développement adaptée aux réalités socioculturelles et géographiques ainsi qu’aux conditions climatiques ». La fameuse « stratégie spécifique » susvisée tend, selon l’article 35 du projet, « à hisser les régions du nord au même niveau que le reste du pays en termes d’indicateurs de développement, et ce dans un délai n’excédant pas 10 à 15 ans ». Enfin, l’article 14 engage l’Etat malien à tansférer 30% de ses revenus aux régions, avec une « attention particulière pour les régions du nord ».
En somme, le nouveau projet ressemble comme deux gouttes d’eau au premier qui, après examen, a été rejeté par le gouvernement du Mali.
Il porte les germes de la partition du pays même s’il se garde d’utiliser ce mot. Il semble que les représentants maliens à Alger, y compris le ministre des Affaires Etrangères, Abdoulaye Diop, aient marqué leur adhésion au texte dont le médiateur algérien aurit dit qu’il était « à prendre ou à laisser ». Si les groupes armés font mine de bouder le projet, c’est par ruse de guerre : le texte consacre l’autonomie parfaite du nord du Mali qui est même autorisé à s’appeler « Azawad » de Kidal à Tombouctou. Il ne faut cependant pas exclure un revirement de la position malienne: après avoir annoncé que le premier projet d’accord algérien était « une bonne base de discussion », Abdoulaye Diop n’a-t-il pas fini par être désavoué par le gouvernement malien ?
Tiékorobani
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