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Une adhésion populaire, même conditionnelle et a minima, permettrait que le vrai travail de stabilisation du pays commence
La porte de la paix s’est entrebâillée, il reste désormais à la pousser. Et cet acte décisif revient à la Coordination. Pour le moment, il faut se limiter à constater que la décision du MNLA et de ses alliés de prendre l’avis de leur base avant de parapher éventuellement le projet d’accord de paix global et définitif prolonge les incertitudes concernant le proche devenir du Septentrion et diffère l’espoir de redonner rapidement la priorité au redressement de notre pays. Les événements de la semaine dernière ont néanmoins eu l’utilité de faire apparaître le clair agacement de la communauté internationale devant les atermoiements de la Coordination. Les médiateurs, longtemps accusés par une large frange de l’opinion malienne de se montrer excessivement compréhensifs à l’égard du MNLA, ont en effet choisi d’avancer dans le processus de négociations en actant l’adhésion du gouvernement malien et des mouvements de la Plateforme au projet d’accord de paix.
Les développements dont l’hôtel El Aurassi a été le théâtre pourraient également aider à convaincre une partie de la société civile et des forces politiques opposées au pré accord précédemment présenté par la Médiation que la régionalisation proposée par le gouvernement, agréée par les médiateurs, mais activement combattue par les représentants de la Coordination, ne constitue pas une forme déguisée d’autonomie politique, encore moins un fédéralisme maquillé. Il faut d’ailleurs insister sur le fait que le principal challenge imposé par cette solution concerne beaucoup moins la prise de responsabilités de la part des populations que la présence aux côtés de celles-ci d’un Etat fort, efficace dans son accompagnement et incontestable dans ses arbitrages.
Les ultimes péripéties d’Alger V présentent enfin l’avantage de poser en termes limpides l’alternative devant laquelle sont désormais placés les groupes de la Coordination. Soit, ces derniers intègrent un processus d’apaisement et de clarification qui est loin d’être parfait, mais qui peut produire des résultats rapides et notables si les protagonistes font preuve d’un minimum de bonne foi. Soit, ils persistent dans une ambiguïté qui s’avère déjà objectivement insupportable pour eux-mêmes, ils s’exposeraient alors à un affaiblissement progressif de leur propre camp. En effet, les défections qui se sont produites au cours de ces dernières semaines traduisent la montée d’une lassitude certaine au sein de l’aile politique de la Coordination ainsi que la crainte de se laisser enfermer dans une tragique impasse.
UN DJIHADISME D’UN TYPE DIFFÉRENT. La courageuse prise de parole de l’Amenokal Mohamed Ag Intalla la semaine dernière a porté un coup dur à ceux qui s’efforçaient de présenter Kidal comme une citadelle indépendantiste irréductible et dont les habitants dicteraient leurs positions radicales aux négociateurs envoyés à Alger. En demandant aux groupes armés de « laisser tranquilles les populations », le leader des Ifoghas entérinait la réalité d’un fait qui n’est ignoré que de ceux qui veulent bien fermer les yeux dessus : la gouvernance erratique pratiquée par les groupes armés est de plus en plus mal supportée par les habitants de la capitale de la 8ème Région, habitants dont le quotidien s’est continuellement dégradé au cours de ces derniers mois. Il y avait donc un côté dérisoire dans les manifestations téléguidées organisées soit disant pour rejeter l’Accord d’Alger et dans les déclarations de courageux anonymes qui se sont succédés sur une radio internationale pour contredire l’Amenokal en se prétendant les porte-paroles d’une fantomatique société civile.
Cela demande encore confirmation, mais il est bien possible que le 1er mars 2015 marque un tournant déterminant dans le traitement de la question du Nord du Mali. Un tournant qu’il était indispensable de prendre pour conjurer la spirale des périls qui encerclent nos populations au-delà même des limites du Septentrion. Péril des affrontements de plus en plus violents et de plus en plus étendus entre les groupes armés. Péril de la montée des actes de banditisme qui imposent un blocus de fait à certaines localités du Nord du Mali. Péril d’un djihadisme d’un type différent de ceux que le pays a subis et qui s’est manifesté dans les attaques perpétrées contre Nampala et Ténenkou. Péril de démoralisation des populations du Nord qui ont la sensation d’être condamnées à une insécurité permanente. Péril enfin d’apparition dans l’opinion nationale de radicalités nouvelles qui vont compliquer l’application des compromis nécessaires au rétablissement de la paix.
Sur ce dernier point, il serait intéressant de suivre, dans les prochains jours, l’analyse des derniers développements survenus à Alger que feront à froid la société civile et la partie de la classe politique qui s’était opposée à la poursuite des pourparlers sans concertation nationale préalable. Pour le moment, l’on constate surtout chez le citoyen ordinaire une réaction mêlée de soulagement et de méfiance. De soulagement, parce que le paraphe apposé par deux parties sur trois laisse entrevoir pour la toute première fois une sérieuse possibilité de mettre fin à une situation qui harasse le pays depuis déjà trois ans. De méfiance, car nombreux sont ceux de nos compatriotes qui, échaudés par les voltefaces de la Coordination et échauffés par sa communication délibérément provocatrice, mettent en doute la sincérité de l’engagement de cette dernière en faveur d’une solution négociée sauvegardant l’unité nationale et l’intégrité territoriale. Mais au delà de la réaction populaire, il faudrait certainement s’attendre – malgré le souhait de pondération formulé par le Premier ministre – à ce que la polémique déclenchée autour du pré accord se réveille pour se concentrer sur certains aspects de l’accord.
Nous le répétons, le choix fait en faveur d’un débat inclusif sur les documents issus du processus d’Alger a certes son mérite, mais aussi ses difficultés. La société civile, par exemple, professe une suspicion permanente vis-à-vis des compromis qui sont à ses yeux autant de concessions faites aux exigences d’autonomie de la Coordination. Elle se montre également hostile sans retenue à tout ce qu’elle assimile à des avantages particuliers octroyés aux groupes armés par le biais de l’intégration dans la fonction publique ou dans les forces armées.
L’INDISPENSABLE RECTIFICATION. Elle n’accepte pas non plus la nécessité d’un effort particulier de développement en faveur du Septentrion au moment où le pays tout entier sort d’une épreuve d’une exceptionnelle dureté et que la nécessité d’un secours se ressent au niveau de tous les citoyens. Enfin, la répulsion quasi épidermique qu’elle éprouve à l’égard du la notion d’ « Azawad » s’est considérablement renforcée au cours de ces dernières semaines au point que de nombreux participants à l’exercice d’échange ont demandé le retrait de ce terme de tout document officiel.
Le mémorandum du gouvernement a pris en charge la majeure partie de ces exigences et le projet d’accord tient compte de certaines remarques de l’Exécutif. En attendant de revenir sur un commentaire plus détaillé du texte, on peut déjà noter quelques avancées enregistrées dans la nouvelle mouture du document. Comme l’indispensable rectification effectuée au niveau du préambule. En effet, la rédaction originelle de ce dernier laissait comprendre que les différentes rébellions se justifiaient par l’attitude discriminatoire et autoritaire observée par les autorités centrales maliennes vis-à-vis des populations du Nord. La formulation, inacceptable autant dans son esprit que dans sa lettre, a été retirée.
D’autre part, le texte prend en compte parmi les objectifs visés par l’accord « le développement plus équilibré de l’ensemble des régions du Mali en tenant compte de leur potentiel respectif ». Il se montre beaucoup moins directif qu’auparavant en n’imposant plus une réforme urgente de la Constitution qui prendrait en charge la création d’un Sénat au sein duquel les populations du Nord seraient mieux représentées. Il se rallie au traitement d’une meilleure représentation des populations du Septentrion par le biais des mesures législatives et réglementaires proposées par le gouvernement. Il n’exclut cependant pas la réforme constitutionnelle qui permettrait la mise en place d’une deuxième chambre du Parlement.
Autre disposition retirée, celle qui prévoyait pour l’élection des députés du Nord du Mali un quota d’électeurs de moitié inférieur à celui en vigueur dans les autres zones du pays (30 000 contre 60 000). La médiation préconise désormais la création de nouvelles circonscriptions électorales (ou la prise de « toutes autres mesures appropriées ») pour augmenter le nombre d’élus du Nord. A été aussi retirée la très controversée possibilité donnée à plusieurs Régions de s’unir et de changer leur dénomination. Le texte évoque à présent un scénario déjà prévu par la législation malienne, celui de l’inter régionalité. L’accord récupère en fait une initiative gouvernementale qui permet à plusieurs Régions de « mettre en place dans les limites autorisées par la loi les instances appropriées afin de mieux promouvoir leur développement économique et social ».
L’exigence de fixer des quotas pour la nomination de ressortissants du Nord dans la haute administration, dans la diplomatie et au gouvernement tombe aussi. Le texte suggère cependant « d’assurer une meilleure représentation des populations du Nord du Mali dans les institutions et grands services publics, corps et administrations de la République ».
AU PREMIER CHEF. A propos du terme« Azawad », dont l’utilisation est devenu un enjeu autant politique que de principe, l’accord indique qu’il désigne « une réalité socio-culturelle, mémorielle et symbolique partagée par différentes populations du Nord du Mali constituant des composantes de la communauté nationale ». On peut imaginer les efforts de rédaction déployés par les médiateurs pour forger cette formule qui neutralise le concept sans en nier la nécessité. La définition finalement trouvée catégorise l’Azawad comme faisant partie des terroirs existant dans notre pays, à l’instar du Bélédougou ou du Wassoulou. Elle ne lui concède aucun droit à revendiquer une quelconque exclusivité territoriale. Et elle considère les populations qui s’en réclament comme faisant partie de la grande communauté nationale malienne.
Pour trancher définitivement la question, le texte reconduit en la précisant une disposition inscrite il y a 23 ans dans le Pacte national, mais qui n’a jamais été mise en œuvre. Le Pacte avait prévu que l’arbitrage entre le terme « Azawad » par lequel la rébellion d’alors désignait le Septentrion malien et la dénomination administrative « 6ème, 7ème et 8ème Régions » que les autorités de l’époque lui opposaient, serait rendu par les populations elles-mêmes. L’actuel accord indique que le choix populaire s’exercera lors d’une Conférence d’entente populaire qui se tiendra lors de la période intérimaire. Laquelle période commencera dès la signature de l’accord.
Ainsi que l’ont souligné le week-end dernier le Premier ministre et le ministre chargé des Affaires étrangères, le gouvernement malien en s’engageant dans la dernière ligne droite des pourparlers s’est plié à la règle invariable de toute négociation, faire des concessions. C’est ainsi, par exemple, que la création d’une Zone de développement des régions du Nord dont l’instauration irrite si fort de nombreux acteurs nationaux maliens a été maintenue. Cette disposition ne passera pas sans frictions, tout comme le terme Azawad, ou encore l’augmentation de la représentation parlementaire du Nord. Au cours des prochaines semaines, l’Exécutif entamera certainement un nouvel exercice pédagogique pour obtenir ne serait ce qu’une adhésion a minima de ses interlocuteurs. Il importe en effet d’obtenir de ces derniers qu’ils concèdent que l’accord représente un préalable imparfait, mais incontournable pour entamer le vrai travail de stabilisation du pays.
Le chef du gouvernement, lors de sa rencontre de dimanche dernier avec les représentants des partis et de la société civile, avait insisté sur la vigilance à démontrer dans l’exécution de l’accord conclu. Ce devoir de veille échoit au premier chef non pas à la Commission de suivi de l’accord qui sera mise en place avec la participation des représentants de la Médiation. Mais aux Maliens eux-mêmes A cet égard, la Conférence d’entente nationale pourrait offrir l’occasion d’un indispensable exercice de vérité qui éclaircirait les préalables de la réconciliation nationale, mettrait en garde contre la réédition des erreurs du passé et surtout entérinerait l’implication concrète de ceux qui furent les sans voix des accords antérieurs et qui ont été les principales victimes de la longue période d’instabilité, les communautés elles-mêmes.
Si elle parvient à remplir ces exigences, la Conférence permettrait de bâtir le compromis de confiance qui ferait que chacun accepte l’effort de mettre en veilleuse ses doutes et ses préventions. Car les défis qui nous attendent donneraient le vertige à tout observateur qui les évaluerait avec intelligence et réalisme. Mais notre pays arpente depuis assez longtemps le chemin du difficile pour que les Maliens trouvent une fois encore en eux les ressources pour avancer. A condition que les objectifs soient partagés sans restriction, que le seuil minimum de confiance s’instaure et que la porte de la paix soit très vite poussée.
G. DRABO
La porte de la paix s’est entrebâillée, il reste désormais à la pousser. Et cet acte décisif revient à la Coordination. Pour le moment, il faut se limiter à constater que la décision du MNLA et de ses alliés de prendre l’avis de leur base avant de parapher éventuellement le projet d’accord de paix global et définitif prolonge les incertitudes concernant le proche devenir du Septentrion et diffère l’espoir de redonner rapidement la priorité au redressement de notre pays. Les événements de la semaine dernière ont néanmoins eu l’utilité de faire apparaître le clair agacement de la communauté internationale devant les atermoiements de la Coordination. Les médiateurs, longtemps accusés par une large frange de l’opinion malienne de se montrer excessivement compréhensifs à l’égard du MNLA, ont en effet choisi d’avancer dans le processus de négociations en actant l’adhésion du gouvernement malien et des mouvements de la Plateforme au projet d’accord de paix.
Les développements dont l’hôtel El Aurassi a été le théâtre pourraient également aider à convaincre une partie de la société civile et des forces politiques opposées au pré accord précédemment présenté par la Médiation que la régionalisation proposée par le gouvernement, agréée par les médiateurs, mais activement combattue par les représentants de la Coordination, ne constitue pas une forme déguisée d’autonomie politique, encore moins un fédéralisme maquillé. Il faut d’ailleurs insister sur le fait que le principal challenge imposé par cette solution concerne beaucoup moins la prise de responsabilités de la part des populations que la présence aux côtés de celles-ci d’un Etat fort, efficace dans son accompagnement et incontestable dans ses arbitrages.
Les ultimes péripéties d’Alger V présentent enfin l’avantage de poser en termes limpides l’alternative devant laquelle sont désormais placés les groupes de la Coordination. Soit, ces derniers intègrent un processus d’apaisement et de clarification qui est loin d’être parfait, mais qui peut produire des résultats rapides et notables si les protagonistes font preuve d’un minimum de bonne foi. Soit, ils persistent dans une ambiguïté qui s’avère déjà objectivement insupportable pour eux-mêmes, ils s’exposeraient alors à un affaiblissement progressif de leur propre camp. En effet, les défections qui se sont produites au cours de ces dernières semaines traduisent la montée d’une lassitude certaine au sein de l’aile politique de la Coordination ainsi que la crainte de se laisser enfermer dans une tragique impasse.
UN DJIHADISME D’UN TYPE DIFFÉRENT. La courageuse prise de parole de l’Amenokal Mohamed Ag Intalla la semaine dernière a porté un coup dur à ceux qui s’efforçaient de présenter Kidal comme une citadelle indépendantiste irréductible et dont les habitants dicteraient leurs positions radicales aux négociateurs envoyés à Alger. En demandant aux groupes armés de « laisser tranquilles les populations », le leader des Ifoghas entérinait la réalité d’un fait qui n’est ignoré que de ceux qui veulent bien fermer les yeux dessus : la gouvernance erratique pratiquée par les groupes armés est de plus en plus mal supportée par les habitants de la capitale de la 8ème Région, habitants dont le quotidien s’est continuellement dégradé au cours de ces derniers mois. Il y avait donc un côté dérisoire dans les manifestations téléguidées organisées soit disant pour rejeter l’Accord d’Alger et dans les déclarations de courageux anonymes qui se sont succédés sur une radio internationale pour contredire l’Amenokal en se prétendant les porte-paroles d’une fantomatique société civile.
Cela demande encore confirmation, mais il est bien possible que le 1er mars 2015 marque un tournant déterminant dans le traitement de la question du Nord du Mali. Un tournant qu’il était indispensable de prendre pour conjurer la spirale des périls qui encerclent nos populations au-delà même des limites du Septentrion. Péril des affrontements de plus en plus violents et de plus en plus étendus entre les groupes armés. Péril de la montée des actes de banditisme qui imposent un blocus de fait à certaines localités du Nord du Mali. Péril d’un djihadisme d’un type différent de ceux que le pays a subis et qui s’est manifesté dans les attaques perpétrées contre Nampala et Ténenkou. Péril de démoralisation des populations du Nord qui ont la sensation d’être condamnées à une insécurité permanente. Péril enfin d’apparition dans l’opinion nationale de radicalités nouvelles qui vont compliquer l’application des compromis nécessaires au rétablissement de la paix.
Sur ce dernier point, il serait intéressant de suivre, dans les prochains jours, l’analyse des derniers développements survenus à Alger que feront à froid la société civile et la partie de la classe politique qui s’était opposée à la poursuite des pourparlers sans concertation nationale préalable. Pour le moment, l’on constate surtout chez le citoyen ordinaire une réaction mêlée de soulagement et de méfiance. De soulagement, parce que le paraphe apposé par deux parties sur trois laisse entrevoir pour la toute première fois une sérieuse possibilité de mettre fin à une situation qui harasse le pays depuis déjà trois ans. De méfiance, car nombreux sont ceux de nos compatriotes qui, échaudés par les voltefaces de la Coordination et échauffés par sa communication délibérément provocatrice, mettent en doute la sincérité de l’engagement de cette dernière en faveur d’une solution négociée sauvegardant l’unité nationale et l’intégrité territoriale. Mais au delà de la réaction populaire, il faudrait certainement s’attendre – malgré le souhait de pondération formulé par le Premier ministre – à ce que la polémique déclenchée autour du pré accord se réveille pour se concentrer sur certains aspects de l’accord.
Nous le répétons, le choix fait en faveur d’un débat inclusif sur les documents issus du processus d’Alger a certes son mérite, mais aussi ses difficultés. La société civile, par exemple, professe une suspicion permanente vis-à-vis des compromis qui sont à ses yeux autant de concessions faites aux exigences d’autonomie de la Coordination. Elle se montre également hostile sans retenue à tout ce qu’elle assimile à des avantages particuliers octroyés aux groupes armés par le biais de l’intégration dans la fonction publique ou dans les forces armées.
L’INDISPENSABLE RECTIFICATION. Elle n’accepte pas non plus la nécessité d’un effort particulier de développement en faveur du Septentrion au moment où le pays tout entier sort d’une épreuve d’une exceptionnelle dureté et que la nécessité d’un secours se ressent au niveau de tous les citoyens. Enfin, la répulsion quasi épidermique qu’elle éprouve à l’égard du la notion d’ « Azawad » s’est considérablement renforcée au cours de ces dernières semaines au point que de nombreux participants à l’exercice d’échange ont demandé le retrait de ce terme de tout document officiel.
Le mémorandum du gouvernement a pris en charge la majeure partie de ces exigences et le projet d’accord tient compte de certaines remarques de l’Exécutif. En attendant de revenir sur un commentaire plus détaillé du texte, on peut déjà noter quelques avancées enregistrées dans la nouvelle mouture du document. Comme l’indispensable rectification effectuée au niveau du préambule. En effet, la rédaction originelle de ce dernier laissait comprendre que les différentes rébellions se justifiaient par l’attitude discriminatoire et autoritaire observée par les autorités centrales maliennes vis-à-vis des populations du Nord. La formulation, inacceptable autant dans son esprit que dans sa lettre, a été retirée.
D’autre part, le texte prend en compte parmi les objectifs visés par l’accord « le développement plus équilibré de l’ensemble des régions du Mali en tenant compte de leur potentiel respectif ». Il se montre beaucoup moins directif qu’auparavant en n’imposant plus une réforme urgente de la Constitution qui prendrait en charge la création d’un Sénat au sein duquel les populations du Nord seraient mieux représentées. Il se rallie au traitement d’une meilleure représentation des populations du Septentrion par le biais des mesures législatives et réglementaires proposées par le gouvernement. Il n’exclut cependant pas la réforme constitutionnelle qui permettrait la mise en place d’une deuxième chambre du Parlement.
Autre disposition retirée, celle qui prévoyait pour l’élection des députés du Nord du Mali un quota d’électeurs de moitié inférieur à celui en vigueur dans les autres zones du pays (30 000 contre 60 000). La médiation préconise désormais la création de nouvelles circonscriptions électorales (ou la prise de « toutes autres mesures appropriées ») pour augmenter le nombre d’élus du Nord. A été aussi retirée la très controversée possibilité donnée à plusieurs Régions de s’unir et de changer leur dénomination. Le texte évoque à présent un scénario déjà prévu par la législation malienne, celui de l’inter régionalité. L’accord récupère en fait une initiative gouvernementale qui permet à plusieurs Régions de « mettre en place dans les limites autorisées par la loi les instances appropriées afin de mieux promouvoir leur développement économique et social ».
L’exigence de fixer des quotas pour la nomination de ressortissants du Nord dans la haute administration, dans la diplomatie et au gouvernement tombe aussi. Le texte suggère cependant « d’assurer une meilleure représentation des populations du Nord du Mali dans les institutions et grands services publics, corps et administrations de la République ».
AU PREMIER CHEF. A propos du terme« Azawad », dont l’utilisation est devenu un enjeu autant politique que de principe, l’accord indique qu’il désigne « une réalité socio-culturelle, mémorielle et symbolique partagée par différentes populations du Nord du Mali constituant des composantes de la communauté nationale ». On peut imaginer les efforts de rédaction déployés par les médiateurs pour forger cette formule qui neutralise le concept sans en nier la nécessité. La définition finalement trouvée catégorise l’Azawad comme faisant partie des terroirs existant dans notre pays, à l’instar du Bélédougou ou du Wassoulou. Elle ne lui concède aucun droit à revendiquer une quelconque exclusivité territoriale. Et elle considère les populations qui s’en réclament comme faisant partie de la grande communauté nationale malienne.
Pour trancher définitivement la question, le texte reconduit en la précisant une disposition inscrite il y a 23 ans dans le Pacte national, mais qui n’a jamais été mise en œuvre. Le Pacte avait prévu que l’arbitrage entre le terme « Azawad » par lequel la rébellion d’alors désignait le Septentrion malien et la dénomination administrative « 6ème, 7ème et 8ème Régions » que les autorités de l’époque lui opposaient, serait rendu par les populations elles-mêmes. L’actuel accord indique que le choix populaire s’exercera lors d’une Conférence d’entente populaire qui se tiendra lors de la période intérimaire. Laquelle période commencera dès la signature de l’accord.
Ainsi que l’ont souligné le week-end dernier le Premier ministre et le ministre chargé des Affaires étrangères, le gouvernement malien en s’engageant dans la dernière ligne droite des pourparlers s’est plié à la règle invariable de toute négociation, faire des concessions. C’est ainsi, par exemple, que la création d’une Zone de développement des régions du Nord dont l’instauration irrite si fort de nombreux acteurs nationaux maliens a été maintenue. Cette disposition ne passera pas sans frictions, tout comme le terme Azawad, ou encore l’augmentation de la représentation parlementaire du Nord. Au cours des prochaines semaines, l’Exécutif entamera certainement un nouvel exercice pédagogique pour obtenir ne serait ce qu’une adhésion a minima de ses interlocuteurs. Il importe en effet d’obtenir de ces derniers qu’ils concèdent que l’accord représente un préalable imparfait, mais incontournable pour entamer le vrai travail de stabilisation du pays.
Le chef du gouvernement, lors de sa rencontre de dimanche dernier avec les représentants des partis et de la société civile, avait insisté sur la vigilance à démontrer dans l’exécution de l’accord conclu. Ce devoir de veille échoit au premier chef non pas à la Commission de suivi de l’accord qui sera mise en place avec la participation des représentants de la Médiation. Mais aux Maliens eux-mêmes A cet égard, la Conférence d’entente nationale pourrait offrir l’occasion d’un indispensable exercice de vérité qui éclaircirait les préalables de la réconciliation nationale, mettrait en garde contre la réédition des erreurs du passé et surtout entérinerait l’implication concrète de ceux qui furent les sans voix des accords antérieurs et qui ont été les principales victimes de la longue période d’instabilité, les communautés elles-mêmes.
Si elle parvient à remplir ces exigences, la Conférence permettrait de bâtir le compromis de confiance qui ferait que chacun accepte l’effort de mettre en veilleuse ses doutes et ses préventions. Car les défis qui nous attendent donneraient le vertige à tout observateur qui les évaluerait avec intelligence et réalisme. Mais notre pays arpente depuis assez longtemps le chemin du difficile pour que les Maliens trouvent une fois encore en eux les ressources pour avancer. A condition que les objectifs soient partagés sans restriction, que le seuil minimum de confiance s’instaure et que la porte de la paix soit très vite poussée.
G. DRABO