Par Morgane Le Cam (contributrice Le Monde Afrique, Ouagadougou)
« Depuis sa signature, il y a un an, l’accord n’a rien changé. Ils font des réunions, mais nous, on ne voit rien de concret. » Voilà quatre ans que Hadji Wallet Mohamed habite dans le camp de réfugiés de Goudoubo, au nord du Burkina Faso, à 140 km de la frontière malienne. Quatre ans d’une attente qui ne semble plus finir et qui, à mesure que le temps passe, a fait s’envoler ses espoirs de voir le nord du Mali sécurisé et de retour chez elle, à Gao.
Début juin, une délégation malienne s’est rendue dans ce camp abritant encore près de 10 300 réfugiés. « Ils nous promettent des choses, mais on attend la suite, lâche Hadji, assise sous sa bâche tendue par des branchages. Personne ne peut rentrer au nord du Mali aujourd’hui, il n’y a pas de sécurité, seulement des bandits et des armes. »Le 20 juin 2015, la Coalition des mouvements de l’Azawad (CMA) apposait sa signature à un texte signé cinq jours plus tôt par la Plateforme et le gouvernement malien et censé mettre un terme à cette guerre de trois ans : l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali. Un an plus tard, c’est la désillusion. « Sur le papier, des dispositions ont été prises. Mais sur le terrain, très peu de choses ont été mises en place », assure Jean-Hervé Jézéquel, directeur adjoint du projet Afrique de l’Ouest de l’International Crisis Group (IGC).
Entente sur les autorités intérimaires
Les autorités intérimaires, censées être opérationnelles au plus tard trois mois après la signature de l’accord, ne sont toujours pas installées. Mais, après deux reports, la neuvième session ordinaire du comité de suivi de l’accord a enfin eu lieu les 13 et 14 juin. Les trois parties se sont accordées sur les modalités pratiques de la mise en place des autorités au nord du Mali : installation prévue du 15 juillet au 25 août et redéploiement des services de l’Etat du 15 juillet au 15 août.« Cette entente constitue une avancée significative dans le processus de paix », précise la Mission des Nations unies au Mali (Minusma) dans un communiqué. Pendant des mois, ce point de l’accord relatif aux autorités intérimaires a empêché la machine de se mettre en marche. Le très attendu processus de désarmement, de démobilisation et de réinsertion (DDR) en est toujours quasiment au point mort.
« Quelques sites de démobilisation ont été créés et des listes de combattants éligibles à la réinsertion dans les forces armées ont été fournies, mais les avancées sont mineures, explique Jean-Hervé Jézéquel. Les parties refusent de déposer les armes avant de savoir qui va gouverner localement et quel va être leur sort, quels postes seront donnés à la Plateforme et au CMA dans le dispositif sécuritaire malien de demain. »
Sans désarmement, démobilisation ni réinsertion, « l’unicité des forces armées et de sécurité du Mali », consacrée par l’article 17 de l’accord comme un des principes directeurs des questions de défense et de sécurité, restera lettre morte. Le redéploiement des forces de sécurité au nord du Mali avec.
Attaques et violations des droits de l’homme
En témoigne la recrudescence des attaques ces deux derniers mois : 15 contre la Minusma, « principalement dans la région de Kidal, au cours desquelles cinq soldats de la paix et un sous-traitant civil ont été tués », note le dernier rapport du Conseil de sécurité des Nations unies, publié le 31 mai. Un bilan qui fait de la Minusma l’opération des Nations unies actuellement déployée la plus ciblée.Encore plus préoccupant, les Nations unies notent une montée en flèche des cas de violation des droits de l’homme : 96 affaires « avec au moins 131 victimes identifiées » depuis fin mars, soit presque trois fois plus que lors de la période précédente. Le banditisme reste toujours quant à lui « la première menace pour les civils ».
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« Nous observons une extension des zones de violence, notamment vers le centre du Mali, ainsi qu’une multiplication des accidents. Même s’il n’y a plus de grandes offensives comme en 2015, la situation est très préoccupante », ajoute Jean-Hervé Jézéquel.Pour empêcher que l’enlisement ne s’aggrave, le Conseil de sécurité des Nations unies a réclamé une augmentation des effectifs militaires de la Minusma (près de 10 400 éléments) de 2 049 hommes. Une décision qui sera prise fin juin et sur laquelle l’analyste émet des réserves : « Un des problèmes majeurs du Mali est son propre Etat. Il doit se redéployer et montrer son utilité. Augmenter les effectifs d’une force étrangère n’y contribuera pas, surtout que cette force consacre la plus grosse partie de son énergie à se protéger. »
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