lundi 14 juillet 2014

IBK va s’habituer à casser son jeûne du Ramadan en buvant le calice jusqu’à la lie (5/5) - leFaso.net, l'actualité au Burkina Faso

IBK va s’habituer à casser son jeûne du Ramadan en buvant le calice jusqu’à la lie (5/5) - leFaso.net, l'actualité au Burkina Faso

Blaise Compaoré, médiateur pour la Cédéao ; Djibrill Y. Bassolé, son ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale, en charge pour le compte de l’OCI du « Plan d’action pour une sortie de crise au Mali et l’instauration d’un climat de paix, de sécurité et de stabilité, facteur de développement durable au Sahel » (cf. LDD Mali 0146/Vendredi 4 juillet 2014). Ibrahim Boubacar Keïta voulait en finir avec Ouagadougou et s’en sortir seul et le voilà en train de se trimballer à Ségou, lui, le président de la République du Mali, pour s’entendre expliquer que son pays a été mis en valeur par les Voltaïques hier dans le cadre de l’Office du Niger.







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IBK va s’habituer à casser son jeûne du Ramadan en buvant le calice jusqu’à la lie (5/5)Dans la région de Ségou, sur le fleuve Niger, à 350 km au Nord-Est de la capitale, il y aurait ainsi 35.000 « Burkinabè » qui « officient dans l’agriculture, la fonction publique malienne, le commerce, la pêche et divers autres métiers ». « Mes compatriotes sont bien traités et bien intégrés au Mali, commentera le président du Faso, avec une totale liberté dans leur travail. Cela nous honore tous en tant que Burkinabè et nous rend respectueux de cette hospitalité et cette disponibilité des Maliens, depuis les autorités jusqu’aux populations à la base ».

Ségou n’avait pas reçu la visite d’un chef d’Etat burkinabè depuis… 1961. Autrement dit, il faut être mort ou presque pour s’en souvenir. L’histoire des Voltaïques de l’Office du Niger a pourtant fait l’objet d’innombrables ouvrages, de films documentaires, a été un sujet de thèses… Cette implantation est un héritage de l’Histoire mais aussi de la colonisation qui a initié ce projet d’Office du Niger sur les chantiers duquel les morts « africains » n’ont jamais été dénombrés. A Ségou, ce sont principalement les Samo qui ont été « déportés ». Ce peuple se trouve de part et d’autre de la frontière entre le Mali et le Burkina Faso. Et chacun sait qu’entre Mossi et Samo c’est le règne de la « parenté à plaisanterie » qui est en vigueur. Blaise, le Mossi, a donc été accueilli à Ségou avec des « benga » (ces haricots blancs dont raffolent les Mossi) comme « eau de bienvenue à leur esclave » (un Samo serait accueilli par un Mossi avec du « zomkoom », jus de petit mil). IBK a donc laissé Blaise « dans les mains de ses compatriotes ».

La visite présidentielle laissera des traces : une grande école de la commune de Kolongo (dont le premier adjoint au maire est un Burkinabè) portera le nom du président du Faso et un consulat général devrait être implanté à Ségou. Blaise Compaoré n’a pas manqué de rappeler que son nouveau directeur de cabinet avait été pendant dix ans son ambassadeur à Bamako (ajoutons que Sanné Mohamed Topan est aussi un… Samo).

Une visite de travail et d’amitié « singulière » (pour reprendre la caractéristique formulée par IBK lui-même). Une visite qui a une signification à la fois diplomatique et politique. La « diplo » d’abord. Il y a une « crise malienne » qu’il convient de circonscrire. C’était l’objectif de l’accord de Ouagadougou. C’est dans ce cadre qu’IBK a été élu président de la République. Sauf que le suivi de cet accord, assuré par l’ONU, n’a pas été à la hauteur. Les relations entre IBK et le patron de la Minusma, Bert Koenders, ont été exécrables. « J’aurais pu exiger [son départ] et le déclarer persona non grata. J’ai préféré résoudre les incompréhensions entre nous par la voie du dialogue » a déclaré IBK à François Soudan (Jeune Afrique du 11 mai 2014). Koenders, quoi qu’il en pense, n’avait pas la « culture » sahélienne nécessaire pour amener IBK à jouer un jeu plus collectif.

Les Burkinabè, eux, ont cette culture. C’est ce qu’ils ont tenu à illustrer du côté de Ségou. Tout en rappelant à IBK que le Mali, à l’instar d’autres pays du continent (à commencer par la Côte d’Ivoire), est composé d’une mosaïque de peuples (y compris les Touareg) qui doivent vivre ensemble, même si chacun d’eux entend sauvegarder sa culture. Il s’agissait également de souligner, et c’est une constante de la diplomatie burkinabè, que la diaspora voltaïco-burkinabè partout où elle est présente doit être non seulement protégée mais défendue dans ses intérêts politiques, économiques et sociaux et que c’est aussi la raison d’être de l’implication de Ouagadougou dans la résolution des crises en Afrique de l’Ouest.

Enfin, et cela ne peut échapper à personne, Blaise Compaoré est en campagne (ce qui ne signifie pas, pour autant, qu’il sera candidat à sa succession même si une révision de la Constitution le permettait). Au Burkina Faso comme à l’étranger ; partout où il y a des Burkinabè. Ce qui implique que la visibilité de Blaise Compaoré va être beaucoup plus intense d’ici fin 2015 mais que, du même coup, il sera moins disponible pour les « affaires étrangères ». C’est, selon moi, ce que signifie la montée en puissance de Djibrill Y. Bassolé qui passe du statut de représentant du médiateur désigné par la Cédéao dans la « crise malienne » à celui de porteur du projet de l’OCI pour le Mali et le Sahel (cf. supra). C’est dire que la balade à Ségou a été à usage interne et externe.

Car ne perdons pas de vue – et ce n’est pas le cas des Burkinabè – que progressivement le Mali est retourné à sa normalité. Après la grande trouille du 10 janvier 2013 et l’enthousiasme suscité par « Serval », dès le lendemain, la classe politique malienne a retrouvé ses (mauvaises) habitudes bien avant l’accession à la présidence de la République d’IBK. De manière soft tout d’abord ; IBK était encore « internationalement » crédible. Mais voilà qu’il ne l’est plus. C’est donc le moment de repartir à l’assaut des entrepôts de Koulouba, d’une manière un peu plus hard. Devenu vulnérable, IBK est désormais attaquable. « Après la tragédie de Kidal et l’humiliation de notre pays », l’opposition parlementaire avait demandé la démission du premier ministre Moussa Mara et la dissolution de son gouvernement.

Cette demande avait été formulée par l’Union pour la République et la démocratie (URD) de Soumaïla Cissé, le Parti pour la renaissance nationale (Parena) de Tiébilé Dramé et le Parti pour la restauration des valeurs du Mali (PRVM-Fasoko) créé en 2013 dans la perspective de la présidentielle. Ils seront à l’origine d’une motion de censure qui, bien évidemment, n’aboutira pas. Ils viennent de dénoncer « la gestion solitaire de la crise du Nord par le président de la République et le gouvernement » et l’absence de « concertation » dans la résolution de cette crise. Ils affirment par ailleurs que le Mali va être contraint, lors de la prochaine rencontre de facilitation d’Alger (prévue mi-juillet 2014), de négocier « en position de faiblesse ».

Les partis de l’opposition parlementaire ne sont pas les seuls à mener l’offensive contre IBK et le gouvernement. Le Mouvement populaire du 22-mars (MP-22), qui a soutenu la junte avec un nombre « d’intellectuels » maliens anti-ATT (ce qui ne leur donne pas pour autant le sens de la nuance), dénonce en vrac une « classe politique apatride », « l’impérialisme français » et appelle au boycott des marques françaises : Total, Orange et même Canal-Sat. Au cri de « la patrie ou la mort nous vaincrons », ils appellent à l’acquisition « d’avions d’attaque au sol, d’hélicoptères et de blindés » (qu’ils n’oublient pas les mercenaires qui sauront s’en servir !).

Nous en sommes là aujourd’hui au lendemain de ce déplacement de Compaoré et de Bassolé à Bamako et Ségou. A marquer d’une pierre blanche dans cette histoire mouvementée de « la crise malienne ». Sans perdre de vue qu’elle est intervenue avant la conférence d’Alger : autant dire que Ouaga n’entend pas, dans cette affaire, perdre la main en se laissant prendre de vitesse par les Algériens. Sans perdre de vue non plus que la situation qui prévaut au Mali n’est pas un épiphénomène.

Les événements qui viennent de se dérouler, ce week-end, en Ouganda, au Kenya, au Nigeria, en sont, hélas, la démonstration. Autant dire qu’il faut éviter, actuellement, de jouer avec les allumettes. Et ce sont les allumettes que Compaoré et Bassolé, au nom de la Cédéao et de l’OCI, avec la « communauté internationale », entendent ôter des mains d’IBK. Même s’il faut pour cela qu’il casse son jeûne du Ramadan en buvant le calice jusqu’à la lie.

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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