mercredi 16 juillet 2014

BLAISE COMPAORE A BAMAKO :Les malentendus seront-ils dissipés ? | Editions Le Pays

BLAISE COMPAORE A BAMAKO :Les malentendus seront-ils dissipés ? | Editions Le Pays

Selon la presse malienne, le président du Faso, Blaise Compaoré, séjournera aux bords du Djoliba aujourd’hui lundi 30 juin 2014. Cette visite « d’amitié et de travail » permettra de « relancer la médiation entre les autorités de Bamako et les groupes armés du Nord », dit-on. Toutefois, à Bamako, les uns et les autres se demandent si l’hôte du président Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) est « un ami ou un ennemi du peuple malien ».



Une forme de suspicion entache les relations entre les deux pays



Depuis le début des hostilités il y a quelques années, nombreux sont les Maliens qui ont trouvé refuge sur le sol burkinabè. Parmi eux, des Touaregs. Au fil du temps, à tort ou à raison, les autorités burkinabè se sont vues accusées de tout. A Blaise Compaoré en particulier, l’on a reproché d’avoir osé parler de l’Azawad lors d’un sommet de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à Dakar. Ce nom, « banni » par d’autres Maliens, est celui de la zone territoriale que revendiquent les rebelles du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). De là à indexer le gouvernement du Burkina Faso d’adouber les responsables politiques du MNLA, considérés comme « le vrais ennemis du Mali », le pas fut vite franchi. Les Maliens accusent, en outre, les autorités burkinabè d’avoir envoyé un hélicoptère à Gao chercher le Secrétaire général du mouvement rebelle, Bilal Ag Achérif. Celui-ci avait été blessé lors des affrontements entre le MNLA et les « djihadistes » en 2012.

Une forme de suspicion entache donc les relations entre les deux pays frères et voisins, membres de plusieurs organisations sous-régionales et régionales. Cela pourrait contribuer à expliquer pourquoi Bamako a opté en dernière minute, d’associer l’Algérie et le Maroc à la médiation. Ouagadougou, maintes fois mise en cause de façon subtile, semblait jusque-là avoir fini par accuser le coup. Il faudra tout de même parvenir à dialoguer et à s’entendre avec le président malien pour qui « il n’y a pas d’Azawad, mais il y a le Mali ». Le séjour de Blaise Compaoré à Bamako devra être mis à profit par les deux dirigeants sahéliens car, c’est fort des recommandations issues du récent sommet de la CEDEAO que le Président du Faso reprend du service.

C’est en 2012 que Blaise Compaoré avait été désigné par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) comme médiateur dans la crise malienne. Une crise née au lendemain du coup d’Etat de mars 2012 du capitaine Amadou Haya Sanogo et de ses mutins. Sous la médiation burkinabè, on a enregistré divers acquis dont le retour à l’ordre constitutionnel et la signature d’un accord entre les protagonistes maliens, le 18 juin 2013 à Ouagadougou. Cet accord aura permis la tenue de l’élection présidentielle en juillet-août 2013, et donc l’accession au pouvoir du président IBK, puis la tenue des législatives en décembre 2013.

Des bonds qualitatifs ont été enregistrés à Bamako. Toutefois, la résolution acceptable pour tous, de la crise du Nord-Mali elle, connaît une certaine léthargie depuis la signature des Accords de Ouagadougou. Cette léthargie s’est traduite de diverses manières, notamment lorsque rebelles Touaregs et forces gouvernementales maliennes se sont affrontés violemment à Kidal, au lendemain d’une visite presqu’inopinée du tout nouveau chef du gouvernement malien, Moussa Mara. Il n’existe pourtant pas de solution militaire à ce conflit fratricide. La paix est indispensable autant que le dialogue entre les protagonistes de ce vaste territoire voisin. C’est ce qu’ont compris les Chefs d’Etats membres de la CEDEAO, qui ont de nouveau invité le médiateur officiel à reprendre langue avec son homologue malien, Ibrahim Boubacar Kéita (IBK).



Il est plus que temps de se parler



La visite du Chef de l’Etat burkinabè au Mali intervient dans un contexte de chassés- croisés diplomatiques. Après diverses tractations au Mali et en dehors des frontières, le gouvernement malien s’apprête à entamer des pourparlers avec les groupes armés à Alger, aux alentours du 15 juillet 2014. La rencontre de Bamako pourrait donc permettre à Blaise Compaoré et à son hôte IBK de planifier le chronogramme des pourparlers. Si pour diverses raisons, le Mali nouveau voudrait privilégier la carte algérienne, la médiation du Burkina n’en disparaîtrait pas pour autant ! Au-delà des régimes et des acteurs politiques, les intérêts des deux peuples frères sont trop imbriqués. Il y a aussi la force des liens historiques entre les communautés, leur appartenance à la même géographie sahélienne, à des organisations sous-régionales et régionales, etc. Bien conscients de cela, les Chefs des Etats membres de la CEDEAO ne pouvaient que reconduire le mandat attribué au président Blaise Compaoré dont les mérites en la matière ont par ailleurs été formellement reconnus.

Certes, les liens se sont distendus un certain temps avec les frères maliens. Il y a aussi eu le couac provoqué par le rapatriement, le 12 juin dernier, de sept militaires burkinabè de la Minusma, coupables d’avoir pris des photos avec de jeunes touaregs agitant le drapeau du MNLA. Dans l’ensemble, la signature des Accords de Ouagadougou n’a pas toujours été suivie que d’événements heureux. Mais il faut déplorer que sitôt mis en selle au Mali, le nouveau régime patronné par IBK ait progressivement pris ses distances avec la capitale burkinabè.

Malgré tout, pour Blaise Compaoré, le déplacement à Bamako en vaut bien la peine. Pour la médiation, le contexte a peut-être évolué de façon favorable. En tout cas, le mandat de la CEDEAO mérite d’être honoré. Il était temps de reprendre la main. Ne serait-ce que pour lever toute équivoque. Il y a trop de zones d’ombre dans le développement de cette crise du Nord-Mali. Dans la perspective du futur sommet d’Alger, la visite du Président Compaoré à Bamako aidera probablement à enrayer les suspicions. Mais elle devra aussi contribuer à responsabiliser tout un chacun. Car, contrairement à d’autres, le président du Faso va agir en tant que mandataire de plusieurs pays.

Assurément, ce séjour à Bamako ouvrira le chemin de la décrispation entre les deux pays. On s’efforcera de trouver les mots justes pour dissiper les malentendus et apaiser les cœurs. Ne serait-ce qu’au nom de traditions séculaires ! Mais avec les crises politiques qui se multiplient au Faso, Blaise Compaoré aura-t-il le temps de s’occuper sérieusement du dossier du Nord-Mali ? Fort probable que le médiateur officiel de la CEDEAO se heurte à un calendrier bien chargé dans les mois à venir. C’est peut-être aussi pour cela que se multiplient des initiatives africaines, en vue de préparer éventuellement la relève. Car, il est plus que temps de se parler pour mettre fin à cette crise du Nord-Mali, qui n’a que trop duré.



« Le Pays »

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