La partition du Mali en vue avec les prérogatives d’un Etat indépendant pour « l’Azawad »
C’est un document confidentiel remis aux différentes parties, lors des récentes discussions préliminaires d’Alger, qui l’explique clairement : » une administration propre de l’Azawad, une assemblée régionale commune faisant office de parlement azawadien dont l’objectif est de faire des propositions de loi dans tous les domaines au parlement national, un système judiciaire de l’Azawad, le pouvoir de signer des accords régionaux et internationaux, celui d’exploiter les ressources minières et minérales de la zone. La future entité siégera au sein des instances de l’Union africaine. Au même titre que l’Etat malien.
Selon nos sources, en dehors de la plateforme signée récemment par les groupes armés et d’autodéfense du Nord du Mali à Alger, les partenaires impliqués dans la résolution de la crise ont concocté un document qui correspond aux désidératas des mouvements indépendantistes qui écument le septentrion malien depuis plusieurs mois. Ce document estampillé « confidentiel » a été remis au gouvernement malien et circule sous le manteau depuis plusieurs semaines à Bamako. Son contenu serait issu, pour une large part, des « propositions d’actions prioritaires et d’éléments de contenu sur les aspects objet des négociations » formulés par la Coalition du peuple pour l’Azawad (CPA) dirigé par l’ancien député Mohamed Ag Assaleh (transfuge du MNLA) et le Mouvement Arabe de l’Azawad (MAA).
Ces propositions se réfèrent amplement à un autre document produit par « la cellule MNLA en Europe » le 12 juin 2014 et intitulé « Projet d’institutions pour un statut particulier de l’Azawad ». Il y est indiqué que « la nouvelle collectivité de l’Azawad se substitue aux régions de Tombouctou, Gao et Kidal y compris leurs cercles« . La nouvelle entité sera « dotée de l’autonomie de gestion et exercera les compétences actuellement dévolues aux régions et cercles du Nord ».
Dans la même lancée, les indépendantistes planifient qu’en matière de politique étrangère, l’Azawad, dans ses domaines de compétence, « pourra négocier … des accords avec les Etats voisins ou organismes régionaux et conclure… des conventions avec des autorités locales étrangères… ». Dans le domaine des compétences associées avec l’Etat, « l’Azawad participe aux négociations des traités et accords internationaux, participe à un espace de coopération judiciaire et douanière. Elle est représentée au sein des organismes régionaux et des instances de l’Union Africaine ». S’y ajoute que dans le domaine du sport, elle « définit l’hymne et l’emblème pour les sportifs qui représentent l’Azawad dans les compétitions interrégionales et internationales« . De même, l’Azawad « fixera les règles applicables dans les matières suivantes : impôts, droits et taxes, la politique étrangère, l’accès au travail des étrangers, les mines, le tourisme, etc’’.
En outre, les mouvements armés projettent de faire en sorte que la nouvelle entité « réglemente et exerce le droit d’exploitation des ressources naturelles biologiques et non-biologiques du plateau de Taoudéni et de toute autre zone’’. En somme, ce sont bien le pétrole, le gaz et l’uranium censés se trouver dans la zone qui sont ciblés.
Dans le second document relatif aux propositions de certains mouvements armés, on peut lire des propositions préliminaires comme la mise en place de la coordination des mouvements armés, la mise en place d’une commission commune de négociation, l’harmonisation de la plateforme de revendications des mouvements armés, la mise en œuvre urgente des acquis de l’Accord de Ouaga du 18 juin 2013 et du cessez-le-feu du 23 mai 2014, notamment les mesures de confiance (libération des prisonniers et levée des mandats d’arrêt), le mode opératoire du cantonnement.
Gouvernement de l’Azawad ?
De façon concrète et au titre de la vie politique et institutionnelle, ces propositions, qui pourraient devenir un diktat de la communauté internationale, énoncent que « l’Azawad s’autogouverne à travers un système politique régi par une Constitution qui permette une administration propre à l’Azawad, une assemblée régionale commune faisant office d’un parlement azawadien dont l’objectif est de faire des propositions de loi dans tous les domaines au parlement national « . Le document fait également état d’ « un système judiciaire de l’Azawad et de toutes autres institutions jugées nécessaires par le peuple de l’Azawad « .
A défaut d’évoquer formellement une autonomie, les mouvements armés, qui bénéficient d’une oreille attentive du côté de certains partenaires occidentaux du Mali, planifient résolument d’évoluer vers la partition du pays en parlant constamment d’Etat central, de sud et de Nord. Ainsi, le MAA et la CPA proposent que » la gestion de l’Etat central doit se faire par un système de rotativité en tenant compte de deux entités, le sud et le nord (Azawad) « . Ils précisent que » le chef de l’Etat est une fonction rotative et s’il est ressortissant d’une entité, il sera secondé alors dans ses fonctions d’un vice-président ressortissant de l’autre entité ». « Le ministre de la Défense aussi est une fonction rotative et relève de l’entité du vice-président. L’Etat-major général central des forces armées est issu des états-majors des deux entités et commandé alternativement ; l’aviation et les armes lourdes sont sous le contrôle du gouvernement central ».
A cela s’ajoutent les exigences des mouvements armés selon lesquelles « les recettes fiscales, douanières et foncières collectées sur le territoire de l’Azawad seront versées intégralement au Trésor public de la région… Les douanes, les services des eaux et forêts seront assurés par des ressortissants de l’Azawad… ».
Comme on le voit, le statut particulier que les indépendantistes armés veulent négocier très prochainement à Alger n’a rien à envier à celui d’un Etat indépendant.
Bruno Djito SEGBEDJI
SOURCE: L'Indépendant du 8 juil 2014.
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